Edito : L’agent vaut de l’or
La complainte des constructeurs automobiles – empruntée à Rutebeuf au 13e siècle – ne cesse de hanter les halls des distributeurs de VN et des grands groupes de distribution. Ils pleurent leurs compagnons de toujours, les agents, qui fièrement portaient leurs couleurs et fanions contre vents et marées, contre réparateurs et carrossiers indépendants jugés indignes de porter livrée. Aujourd’hui, face aux décisions des connétables de Bruxelles et à la paupérisation de leurs seigneurs (saigneurs ?) et maîtres, ils s’interrogent sur le bien-fondé de leur serment d’allégeance quand, face à eux et arborant de nouvelles livrées multicolores, des indépendants, libres de jougs s’enorgueillissent de pouvoir arpenter toutes les voies des baronnies et autres duchés.
Les groupements d’indépendants, en effet, font le forcing en termes de recrutement et choisissent parmi les bons soldats des constructeurs, des candidats pour leurs réseaux experts, techniques ou spécialistes selon la désignation du groupement. La fidélité au concessionnaire s’effrite du fait des garanties et de la lourdeur des obligations contractuelles. Parallèlement, l’accès aux informations techniques, frein d’origine, s’avère de plus en plus maîtrisé hors des marques, ce qui offre une fenêtre encore plus attractive vers un multimarquisme de qualité. Mais ce qui est plus frappant encore, c’est qu’en dehors du très disputé secteur de l’entretien réparation, ce qui amenait des ressources au garage, à savoir la vente de VN et de VO n’apparaît plus comme la panacée pour le réparateur agréé des réseaux de marques. Pour le VO, entre les offres des groupements, les ventes à pros, les ventes aux enchères et tous les services qui y sont attachés, il n’est plus si impérieux de bénéficier de l’écoulement des parcs des constructeurs. Quant au VN, la campagne de DeltaCar résume à elle seule le malaise : l’offre multimarque encadrée de toutes les prestations marketing, technique et logistique permet au garagiste d’obtenir une rémunération plus importante. La question qui se pose se veut, alors, très pratique : en dehors de l’apport technique indéniable de la marque et des outils spécifiques constructeurs, de quels atours devront se parer les concessionnaires d’aujourd’hui pour garder leurs troupes ?