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Turbo’s Hoet : vers une mutation d’activité ?

Publié le 19 septembre 2013
Par Romain Baly
4 min de lecture
Du fait d’une technologie toujours plus pointue et d’une sollicitation plus importante que jamais, la remise en état des turbos s’avère désormais très difficile. Conséquence directe, certaines sociétés spécialisées dans le “remanufacturing”, tel que Turbo’s Hoet, constatent une diminution sensible de leur activité au profit de la distribution de pièces neuves.
Chaque année, près de 70 000 turbos passent par les ateliers de la société.

Tout le paradoxe est là. Alors que les constructeurs automobiles font de plus en plus appel à lui, le turbo connaît aujourd’hui une destinée limitée à sa première et unique existence. Si, sur le papier, sa remise en état est tout à fait envisageable, dans les faits, seule une infime partie du marché peut aujourd’hui y prétendre. Alors que ce dernier est appelé à croître grâce à l’utilisation systématique sur les diesels et de plus en plus courante de turbos dans les modèles essence (10 % en sont équipés aujourd’hui, 30 % d’ici cinq ans environ), il se cantonne essentiellement à la vente et au remplacement. A l’heure où il est de bon ton, dans l’automobile comme ailleurs, de tout retraiter et de maximiser la durée de vie des pièces et des objets, l’univers du turbo semble donc vivre à contre-courant. En cause, une technologie de plus en plus pointue qui, contrairement à bien d’autres domaines, dessert la réutilisation de la pièce. Comme l’explique Michaël Baudrin, manager de Turbo’s Hoet France, “les constructeurs cherchent depuis plusieurs années à réduire la taille, diminuant de fait la marge de main-d’œuvre des réparateurs”. Plus que la taille, c’est surtout la vitesse de rotation de l’ensemble tournant qui a considérablement évolué et qui empêche une remise en état du produit dans sa configuration d’origine. Passés de 150 000 tours/minute il y a quinze ans à 500 000 tours/minute aujourd’hui, les turbos “sont davantage sollicités, chauffent plus, et deviennent irrécupérables”, ajoute Michaël Baudrin.

Un produit sur dix est réparable

Conséquence directe, l’activité de remise en état ne concerne aujourd’hui qu’un produit sur dix dans la société d’origine belge. Or, celle-ci distribue et retraite les produits de tous les fabricants depuis plus de trente ans et se trouve organisée de sorte à réparer les pièces de tous les fabricants. Turbo’s Hoet consigne tous ses turbos pour que ces derniers reviennent chez eux à la fin de leur vie. Si les 90 % de produits irrécupérables repartent très souvent chez leur fabricant pour y être détruits, les 10 % restants ne sont pas forcément voués à connaître une seconde jeunesse. Une première expertise visuelle est alors entreprise, permettant de sortir du lot deux types de turbos : ceux à géométrie variable – que seuls les équipementiers d’origine peuvent réparer, la technicité étant trop importante – et ceux dont le carter est extérieurement endommagé, laissant peu d’espoir sur l’état intérieur. Si le produit en question ne répond pas à ces deux conditions, il convient alors au processus de remise en état. Un processus qui, s’il se trouve sur le déclin en termes de sollicitation, existe bel et bien, et est même particulièrement codifié chez Turbo’s Hoet. Entièrement démonté, le turbo réparable est inspecté sous toutes les coutures et reçoit, d’office, de nouvelles bagues, de nouveaux segments et un ensemble tournant (pièce la plus sensible) neuf. Le reste est changé au cas par cas suivant l’état d’usure et les spécifications d’origine. Après trois à cinq heures de main-d’œuvre et deux jours “d’immobilisation”, le turbo peut donc être entièrement remis en état et renvoyé au garagiste.

Tous les turbos peuvent être ­remanufacturés

Mais cette organisation minutieuse ne suffisant pas à combler le manque d’activité de la branche réparation, les ateliers de Turbo’s Hoet sont aussi amenés à remplir d’autres missions. Résultat de la crise économique et de la baisse du pouvoir d’achat, les automobilistes sont aujourd’hui davantage vigilants quant à leurs dépenses et n’hésitent plus à demander un devis avant d’accepter une réparation. En tant que spécialiste, la société est donc régulièrement appelée à inspecter des produits et à offrir ses recommandations. D’une certaine façon, c’est dans la même logique que les équipes de Michaël Baudrin sont sollicitées par des cabinets d’experts. Pour statuer sur des litiges en matière de casse ou de panne, il n’est pas rare que ces derniers se retournent vers la société belge qui, en tant que distributeur de tous les fabricants, est susceptible de donner son avis sur l’ensemble des pièces du marché. De même, c’est cette relation de proximité avec les Garrett, IHI et autre Borg Warner, qui permet à Turbo’s Hoet de répondre à une mission de préservation. Si certains turbos ne sont plus distribués et ne sont plus fabriqués, Turbo’s Hoet possède les compétences pour reconstruire de A à Z de vieilles références. S’éloignant de son cœur de métier – distribuer et retraiter –, la société assure tout de même un suivi des produits. Un plus qui, à l’instar des autres activités annexes, apporte une crédibilité supplémentaire à la branche tout autant qu’à la société.

Eviter d’alimenter le marché parallèle

Une crédibilité réaffirmée dans la mise en place chez Turbo’s Hoet du processus de retour des produits. Car c’est bien là un enjeu majeur sous-jacent à la distribution des turbos. S’il n’existe pas de filière recyclage à proprement parler, les professionnels demeurent sensibles à cette absence et tentent, chacun à leur façon, de suivre le flux de pièces sur le marché. Cible principale des distributeurs et fabricants ? Internet, bien entendu. “Notre système de consignation permet de limiter le nombre de produits de seconde main rejetés sur le marché parallèle”, commente Michaël Baudrin, qui estime que 90 % des turbos reviennent à leur point de départ. “Ici et là, sur Internet, on retrouve parfois des produits récupérés qui sont simplement sablés, alors que toutes les pièces ne doivent pas l’être, et nettoyés pour être revendus 50 % moins chers en tant que produits neufs alors qu’ils sont en réalité inutilisables”, s’alarme le responsable. Une dérive condamnable expliquée par le manque de contrôle en matière de pièces usagées. Si toutes sont soumises au contrôle qualité après leur fabrication, une fois sur le circuit, les distributeurs demeurent libres d’en faire ce que bon leur semble, quitte à tomber dans l’illégalité. Plus que la baisse des remises en état, ce problème illustre davantage le manque de solutions et d’obligations qui se posent aux différents acteurs de la branche. Si l’activité distribution comble aisément la régression de celle de la réparation, le problème du retour et du suivi des produits demeure. Des réponses ont déjà été apportées à certaines filières. Le monde de l’automobile a donc les clés pour permettre au turbo de s’assurer une seconde vie digne de ce nom.

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