ACR : quand la gestion des retours devient un atout stratégique

C’est assurément l’un des talons d’Achille du monde de la rechange. Parcourir une plateforme logistique, c’est immanquablement croiser une zone dédiée aux retours : plus ou moins organisée, parfois reléguée à l’écart, mais toujours présente. La gestion des produits renvoyés par les clients perdure, année après année, et suscite toujours des difficultés d’organisation que peu d’acteurs parviennent à surmonter.
"Il faut bien comprendre que la reverse logistic est contraire aux flux traditionnels. Notre métier est de servir, de livrer un produit. C’est pour cette raison que personne n’aime gérer les retours", étaye Nicolas Bencteux, directeur général d’ACR Group. Et si ce sujet est autant complexe à gérer, c’est parce que ces flux inversés représentent parfois jusqu’à 20 % du volume de certaines structures (7 à 10 % chez ACR).
Ils immobilisent du capital, mobilisent des équipes et génèrent rarement une seconde vie rentable pour les pièces. Celles-ci doivent être triées et contrôlées avec, encore une fois, une rentabilité nulle. Enfin, il faut faire face à des contraintes qui ne relèvent pas du travail des plateformes, comme retrouver l’emballage d’origine pour remettre un produit en circulation.
Une expertise forgée depuis 30 ans
Filiale de Parts Holding Europe (PHE), le réseau de plateformes logistiques ACR Group a choisi de s’attaquer à ce casse-tête et ce, depuis de longues années. Créée en 1993 à Villefranche, l’entreprise est toujours restée fidèle à la cité de l’Yonne. Elle y a longtemps distribué des machines tournantes, un métier qui impliquait déjà la gestion de retours, dès les années 1990. Lorsqu’elle a élargi son activité à la pièce détachée, cette compétence a été conservée et développée, jusqu’à devenir une véritable singularité sur le marché français.
De surcroît ces derniers mois, alors que d’importants investissements ont été opérés dans le site et que d’autres le seront encore prochainement. "Ce qui est un point noir dans de nombreuses entreprises est une force chez nous", pose Benoit Gros, responsable adjoint du centre de Villefranche, après y avoir gravi toutes les marches depuis son arrivée en 2012.
Entre les pièces neuves, les consignes et les garanties, le site traite chaque année environ 900 000 retours. La moitié de ces produits est issue des huit autres plateformes ACR, et l’autre moitié du réseau Autodistribution.
Toute la valeur ajoutée du site repose sur son expertise dans l’analyse de ces retours de produits. "Villefranche n’a pas vocation à gérer des problématiques commerciales, précise le directeur général. Son rôle est d’être un centre de traitement des flux qui va qualifier la pièce."
Et pour ce faire, la moitié des effectifs – une quinzaine de personnes – est dédiée au contrôle des produits. Depuis l’automne 2024, 28 nouveaux postes de travail, plus ergonomiques, ont été aménagés. Ils facilitent la manipulation et l’examen des pièces.

À mi-chemin entre Orléans et Troyes, la plateforme ACR de Villefranche s’étend sur 6 000 m². ©J2R
Si les consignes sont contrôlées selon un cahier des charges défini par les équipementiers, les pièces neuves dépendent quant à elles de procédures internes. Une fois les retours réceptionnés, les opérateurs réalisent un contrôle précis. En cas de doute, un service après-vente des pièces défectueuses, installé à proximité immédiate, permet d’approfondir l’analyse.
L’informatique a également été renforcée : depuis le 1er juillet, le volume de produits issus du réseau Autodistribution est géré via un nouveau WMS intégrant arbre de décision et base de données techniques. Les refus, qui représentent entre 2,5 et 4 % des flux, doivent désormais être documentés par une photo, afin d’assurer traçabilité et validation.
D’ici au premier trimestre 2026, un dispositif similaire sera mis en place pour la partie ACR, accompagné d’une application mobile simplifiant la gestion des retours côté clients. "Ce qui change fondamentalement entre nous et d’autres, c’est qu’on a voulu faire de la gestion des retours un vrai métier", complète Nicolas Bencteux.
Les équipementiers ne jouent pas tous le jeu
Un dernier obstacle freine cependant la remise en circulation des produits : le conditionnement. La problématique du packaging s’avère, en effet, plus complexe qu’il n’y paraît. "La capacité des équipementiers à nous fournir les bons cartons pour remettre la pièce dans le circuit est un véritable enjeu, souligne Benoit Gros. Et aujourd’hui, très clairement, c’est un vrai frein."
Entre soucis d’organisation et mauvaise volonté, de nombreux fabricants font ainsi figure de mauvais élèves en la matière. Ainsi, les 6 000 m² au sol de la plateforme comprennent une vaste zone dédiée au stockage. Une partie des références alimente le réseau ACR, et une autre est destinée à Logistéo (plateforme nationale d’Autodistribution), mais une part non négligeable des produits – bien qu’aucun chiffre ne soit communiqué – est en attente, faute d’emballages adaptés.
Une situation que Nicolas Bencteux a du mal à accepter. "Quand on parle d’éco-circularité, nous, nous y sommes en plein. Nous permettons d’éviter la mise au rebut de nombreuses pièces. Mais il faut que les équipementiers nous accompagnent dans cette démarche. Ce n’est pas de votre faute, ni de la nôtre, mais faisons en sorte que ça fonctionne."
Pour améliorer encore la qualité de traitement et absorber la croissance future, ACR prévoit d’agrandir son site. D’ici 2027, la plateforme devrait doubler de surface et être en mesure de traiter jusqu’à trois fois son volume actuel.
Consciente que cette "reverse logistic" ne disparaîtra pas, la filiale de PHE met les moyens sur cette activité. Un projet de société mais aussi d’équipe, car en agrandissant le site, ACR entend rester fidèle à Villefranche, et surtout à celles et ceux qui portent cette expertise si singulière. Un message qui a du sens.
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