S'abonner
Equipementiers

Brembo ou l'éloge du freinage premium

Publié le 9 octobre 2023
Par Florent Le Marquis
6 min de lecture
L'équipementier qui se revendique comme le dernier fabricant de disques de frein nous a ouvert les portes de son siège à Bergame, en Italie. Dans un impressionnant complexe où 1 200 salariés conçoivent ses pièces, Brembo a de nouveau insisté sur ses ambitions durables.
Brembo disques
L'équipementier Brembo se revendique dernier fabricant de disques de frein. ©Brembo

On pourrait presque le surnommer "Brembo City". Le spécialiste du freinage occupe une large place du célèbre Kilometro Rosso, cette longue enfilade de bâtiments de couleur rouge vif qui longe l'autoroute reliant Milan et Venise au niveau de Bergame, en Italie. Ce parc scientifique regroupe à la fois des entreprises, des centres de recherche et autres laboratoires. Brembo n'est donc pas seul dans cet édifice designé par Jean Nouvel et inauguré en 2007.

Mais la partie occupée par l'équipementier, présent depuis l'ouverture du site, est large. Sur les quelque 15 000 employés que compte le groupe (+4 000 par rapport à 2020), 1 200 travaillent au Kilometro Rosso. Et ce nombre augmentera quand Brembo aura, comme il compte le faire, ouvert de nouvelles extensions sur ce site. À l'heure actuelle, la société fondée en 1961 par Emilio Bombassei (et toujours détenue à 52 % par la famille du fondateur) y compte déjà, outre une partie bureaux, des centres de recherche et développement avancés, des laboratoires et des centres de tests.

De la R&D à l'assemblage

C'est dans les salles avancées de R&D que l'alliage spécial, toujours tenu secret par l'équipementier, est étudié. Remplie d'ordinateurs, de microscopes, de machines à rayons X et autres artilleries techniques, cette pièce sert à l'analyse de… presque tout. Les matières premières et composants sont strictement étudiés pour fabriquer les meilleures pièces possibles. Dans ce laboratoire, les recherches actuelles se retrouveront dans des disques, plaquettes et étriers que nous ne verrons pas sur le marché avant 2027.

Kilometro Rosso

Brembo s'affiche en grand sur la façade du Kilometro Rosso. ©J2R

Non loin de là, des espaces sont dédiés à la production de matériaux de friction pour les plaquettes de frein : métal, caoutchouc, résines… Jusqu'à 30 matériaux différents. Matériaux de friction et sous-couche sont pressés ensemble à très haute température (jusqu'à 160°) pour être joints. C'est à partir de cette étape que les pièces de freinage commencent à être formées.

Pour les étriers, après une première série de tests, la production commence à quelques kilomètres du Kilometro Rosso, dans une autre usine. C'est là que les pièces, qui reçoivent chacune un code de traçabilité, sont usinées, assemblées et équipées pour correspondre aux différentes commandes reçues par Brembo. Sur la fabrique des pièces, la matière rejetée pendant la fabrication est récupérée régénérée pour pouvoir être réutilisée. Un recyclage de bon sens, car la modulation d'un étrier peut être  par exemple réalisée à partir d'un bloc plein. Le gaspillage de matière serait donc conséquent sans cette récupération. Enfin, dans cette même zone, un site est réservé aux pièces destinées aux voitures et motos de courses.

Des tests rôdés

Retour aux locaux de l'entreprise : différentes zones sont réservées aux tests. Dans une première salle, les pièces sont vérifiées manuellement. Ensuite, elles sont testées sur des bancs d'essai. Un long couloir contenant 18 portes, renferme autant de chambres de tests mettant à l'épreuve l'ensemble du système de freinage : friction entre le disque et les plaquettes, efficacité de l'étrier, émissions de poussières, etc. Un employé est devant chacune d'entre elles pour analyser les données reçues sur son PC.

Par la suite, les pièces de freinage sont soumises à des conditions plus réelles, grâce notamment à des chambres climatiques. Celles-ci permettent de simuler différentes conditions météorologiques, de très froid à très chaud, en ajustant également l'humidité. Pour le test final, tout se passe à bord du véhicule. "C'est la partie la plus chère pour nous car il y a le coût des voitures, des capteurs, etc. Il faut vraiment que les produits soient opérationnels avant d'arriver ici. Il peut se passer deux à trois ans après le début de leur conception avant que nous les testions ici", nous explique un technicien sur place.

Une croissance exponentielle pour Brembo

Avant d'arriver dans cet espace technique, l'inratable entrée de Brembo au Kilometro Rosso vous replonge dans l'histoire de l'équipementier. D'un côté, l'exposition "L'art du freinage" a été installée définitivement pour retracer le passé de cette pièce. De l'autre, un long couloir en mode showroom mène aux bureaux. Celui-ci est orné dans un premiers temps des étriers de frein de Brembo, logotés des différentes marques concernées : Aston Martin, Ferrari, Alfa Romeo, Porsche, etc. À leurs côtés suivent disques de frein (issus notamment de véhicules de course), plaquettes et même freins de stationnement électriques.

Au bout de ces couloirs retraçant plus de six décennies d'histoire, Roberto Caravati, directeur des opérations aftermarket GBU chez Brembo, nous attend pour nous exposer la stratégie de celles à venir. Avec 3,6 milliards d'euros de revenus en 2022 (soit près de +65 % par rapport à 2020), dont 6 % réinvestis dans sa R&D, l'équipementier qui se revendique seul réel fabricant de disques de frein sur le marché a de solides bases.  Son leitmotiv : "Turning energy into inspiration". On le traduira par : "Faire de l'énergie une inspiration". Brembo, qui vise la neutralité carbone d'ici à 2040, compte bien utiliser les enjeux énergétiques actuels pour continuer d'innover. "Nous voulons nous assurer que tout ce que l'on fait est dirigé vers le développement durable", ajoute Roberto Caravati.

De longs couloirs avec les pièces Brembo exposées mènent aux bureaux. ©J2R

De longs couloirs avec les pièces Brembo exposées au mur mènent aux bureaux. ©J2R

Rappelons que Brembo vend toute sa gamme à la rechange. "Nous voulons tout proposer, pour que chaque voiture qui circule ait la pièce qu'il lui faut", martèle Roberto Caravati. Brembo couvre ainsi entre 97 et 98 % du parc européen. Une part plus élevée qu'en Asie de l'Est ou en Amérique du Nord, où l'équipementier nourrit de grandes ambitions et assure être "en train de réaliser des percées."

La gamme premium Prime représente encore 90 % des ventes de Brembo. L'équipementier prévoit que 2024 sera l'année de sa famille Xtra, composée de disques et plaquettes plutôt destinés à un jeune public passionné d'innovations technologiques. Un gamme Sport verra le jour prochainement. Mais c'est bien la ligne Beyond, lancée en 2022 à destination des nouveaux véhicules, qui concentre les attentions en ce moment.

A lire aussi : Brembo Prime, la nouvelle gamme de plaquettes de frein pour poids lourds

Brembo mise sur Greenance, Enesys et Sensify

Geenance Kit de Brembo

Geenance Kit de Brembo

Rappelons que le Greenance Kit (Green & Performance) est une solution durable phare de Brembo. Il associe un disque en alliage spécial et des plaquettes de frein spécifiques pour réduire de 80 % les émissions de PM10 et PM2,5. Le tout en ayant une durée de vie allongée par rapport aux pièces classiques. Le TCO (coût total de détention) est réduit de 15 à 20 %.

Brembo propose pour ces pièces des packagings durables en carton recyclés et avec moins d'encre ("sinon, ça n'a pas de sens !"). Pour le moment, 60 kits ont déjà été développés, couvrant 70 % des besoins des VUL européens. Brembo a pour cible prioritaires les distributeurs et gestionnaires de flottes, qui ont "pour beaucoup une forte conscience environnementale". Les municipalités sont aussi dans le viseur de l'équipementier, désireux de contribuer à limiter la pollution dans les villes.

En parallèle, la solution Enesys se veut aussi durable, réduisant le couple résiduel (trainée résiduelle) jusqu'à 80 %. Grâce à un ressort breveté, cette solution garantit un retour plus rapide des plaquettes de frein à leur position initiale une fois la pédale de frein relâchée. Les frottements inutiles entre les plaquettes et les disques de frein sont ainsi évités, limitant la traînée résiduelle et les émissions de CO2. Développée initialement pour l'équipement d'origine, Enesys est désormais disponible sur le marché de l'après-vente.

L'aspect environnemental ne doit pas compromettre la performance selon les équipes de Brembo. "Quand l'automobiliste veut une marque associée à la qualité et la sécurité, ce doit toujours être Brembo", martèle Roberto Caravati.

A lire aussi : Brembo s’intéresse à l’intelligence artificielle

Parmi les innovations du fabricant italien, Sensify devrait arriver sur le marché en 2025. Cette technologie, destinée à toutes les motorisations, est dotée d'un système sensoriel capable de réagir en millisecondes pour accroître la sécurité du freinage. Ce système innovant permet de gérer une action de freinage indépendante sur chacune des roues, en fonction des exigences du conducteur, de la dynamique du véhicule et des conditions de la route. D'ici là, Brembo a le temps de croître encore.

A lire aussi : Le freinage affronte l'inflation et prépare l'avenir

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

cross-circle