Gauthier Leroy, Grandblaise-Leroy : "En 12 ans, nous avons multiplié par 3,5 notre chiffre d’affaires"

Le Journal de la Rechange et de la Réparation : Grandblaise-Leroy est une entreprise historique dans votre région. Pouvez-vous revenir sur ses origines et son évolution ?
Gauthier Leroy : Effectivement, nous approchons des 100 ans. L’entreprise a été fondée en 1930 à Saint-Dié-des-Vosges par Henri Grandblaise, qui travaillait seul à ses débuts dans une petite structure de distribution de pièces auto et industrie. Mon grand-père est entré dans l’entreprise dans les années 1950, il en a progressivement pris les rênes, puis mon père a poursuivi le développement par croissance externe.
Quant à moi, j’ai repris la direction en 2013. Depuis, nous avons réalisé plusieurs acquisitions, notamment à Colmar et Mulhouse, ce qui nous permet aujourd’hui d’opérer cinq sites sur deux départements : les Vosges et le Haut-Rhin. Le siège reste à Saint-Dié. Le nom Grandblaise-Leroy est un héritage, même s’il n’y a aujourd’hui plus de Grandblaise dans le capital.
J2R : Quel est le périmètre de vos activités, ainsi que la structure de votre chiffre d’affaires ?
G. L. : Nous sommes organisés autour de deux pôles principaux : la pièce automobile, qui représente environ 65 % de notre activité, et la fourniture industrielle, qui en pèse 21 %. Nous avons également développé des prestations techniques à forte valeur ajoutée, notamment en hydraulique ou en équipements industriels, qui comptent pour 11 %. Enfin, une petite activité de transport représente les 3 % restants. Au total, notre groupe emploie 180 collaborateurs pour un chiffre d’affaires consolidé de 43,2 millions d’euros en 2023.
J2R : Vous avez pris la direction du groupe en 2013, succédant à votre père, Jacques Leroy. Quels ont été les grands tournants dans l’évolution de Grandblaise-Leroy depuis votre arrivée ?
G. L. : Nous avons adopté une stratégie de croissance structurée. En douze ans, nous avons multiplié notre chiffre d’affaires par 3,5. L’un des pivots de notre stratégie est la multispécialisation : nous avons créé des divisions métiers très ciblées (mécanique, carrosserie, peinture, technique), avec des équipes expertes. En interne, nous avons également segmenté nos fonctions pour renforcer la qualité de service : call center, comptoirs, logistique…
J2R : Vous avez récemment inauguré un nouveau site à Illzach (68). Quelles sont les spécificités de ce site ?
G. L. : Le site d’Illzach, ouvert en 2023, répond à une nécessité de croissance. Nos gammes s’élargissent, nos flux augmentent. Il nous fallait un outil logistique plus adapté pour accompagner cette dynamique. Ce bâtiment nous permet de stocker davantage de références, d’améliorer nos délais de traitement et d’assurer une qualité de service constante.
Et ce n’est pas terminé : nous sommes en train d’acquérir un nouveau bâtiment à Colmar, deux fois et demie plus grand que le précédent, qui ouvrira en avril 2026. Cette capacité logistique est indispensable pour soutenir notre développement, tout en maintenant un haut niveau d’exigence opérationnelle.
J2R : Quelle est votre politique en matière de gestion de stock ?
G. L. : Nous avons aujourd’hui environ 5,5 millions d’euros de stocks répartis sur nos sites. Notre logique est d’élargir nos gammes plutôt que d’approfondir le stock sur chaque référence. En 2024, nous avons investi 375 000 euros supplémentaires pour enrichir notre offre, et nous continuerons dans cette voie.
J2R : Envisagez-vous d’autres croissances externes ?
G. L. : Oui, nous restons attentifs à toute opportunité cohérente avec notre implantation géographique. Cela dit, en tant que membre du réseau Autodistribution, nous avons un respect strict des zones de chalandise. Notre priorité reste donc de consolider notre position dans les Vosges et le Haut-Rhin, où il existe encore un potentiel de développement.
J2R : Quels sont les leviers de votre ancrage local ?
G. L. : Nous sommes une entreprise profondément territoriale. Nos collaborateurs sont du cru, et nous faisons tout pour créer un climat de confiance durable. Cela se traduit par une politique RH forte : près de 48 % de nos salariés en CDI ont évolué dans l’entreprise via la promotion interne. La fidélisation, la formation continue, la montée en compétence… tout cela crée une culture d’entreprise solide et une véritable connaissance client. En parallèle, notre appartenance au groupement Autodistribution nous apporte des outils puissants : sites e-commerce, systèmes de call center, référentiels produits, standards logistiques, concepts magasins… C’est une relation gagnant-gagnant.
J2R : Comment accompagnez-vous l’évolution technologique du métier ?
G. L. : Nous avons structuré une division technique dédiée, avec trois collaborateurs qui interviennent directement chez nos clients sur des prestations complexes : calibration Adas, diagnostic, passage au banc, etc. Nous investissons aussi dans des outils numériques pour optimiser nos processus internes. L’intelligence artificielle est, par exemple, intégrée dans certains flux d’analyse pour anticiper les commandes ou affiner les stocks. Enfin, nous mettons un point d’honneur à former nos équipes en continu : plus de 1 450 heures de formation en interne en 2024, sans compter les 1 200 heures de formation dispensées à nos clients.
J2R : Vous avez organisé un salon de grande ampleur en 2023. Souhaitez-vous renouveler cet évènement ?
G. L. : Nous faisons très peu de salons professionnels, nous organisons plutôt un évènement fédérateur et qualitatif de grande ampleur tous les dix ans. Le dernier était organisé sur le circuit du Géoparc de Saint-Dié-des-Vosges. Quatre jours de démonstrations, de formations, d’échanges, mais aussi de moments conviviaux autour d’un parc automobile exceptionnel. C’était à la fois un temps fort professionnel, et un signal de reconnaissance à nos clients et partenaires. Ce type d’évènement n’a pas vocation à être récurrent, mais nous avons déjà en ligne de mire le centenaire du groupe, dans cinq ans.
J2R : Quel regard portez-vous sur la conjoncture actuelle ?
G. L. : Notre activité reste bien orientée. Sur le premier semestre 2025, notre segment automobile affiche une croissance de 6,8 %. Nous avons un modèle stable, structuré, résilient, qui s’appuie sur des fondamentaux solides : service, proximité, largeur de gamme, qualité relationnelle. Le marché est exigeant, mais nous avons les outils pour y répondre.
J2R : Et sur les grandes tendances à moyen terme ?
G. L. : Les évolutions technologiques dans le véhicule (électronique, assistance à la conduite, électrification…) constituent à la fois un défi et une opportunité. Le parc roulant vieillit, ce qui maintient une forte activité en après-vente. En revanche, nous devons faire face à une guerre des prix alimentée par des plateformes étrangères souvent très agressives. Notre réponse, c’est le service. Nous assumons un positionnement premium sur le plan relationnel et technique. Le client professionnel y est réceptif.
J2R : Votre entreprise mène également une réflexion RSE. Où en êtes-vous ?
G. L. : Nous sommes certifiés ISO 9001 depuis 1993. En parallèle, nous avons engagé une démarche RSE ambitieuse, avec pour objectif une certification en 2026. Nos groupes de travail sont opérationnels et plusieurs actions sont en cours sur les volets environnemental, social et économique. Par exemple, notre activité transport, qui génère une empreinte carbone significative (l’équivalent de quatre fois la distance Terre-Lune parcourue chaque année), fait l’objet de réflexions spécifiques. Ce chantier sera structurant pour les années à venir.