Julien Grange (Purflux Group) : "Rester un acteur majeur sur le marché des motorisations thermiques"

Pour cette première participation de Purflux Group à Automechanika Francfort, quelles étaient vos ambitions ?
Julien Grange : Nous nous étions fixé deux objectifs. Il y avait bien sûr une logique de visibilité, puisque cette édition d'Automechanika était la première sous nos nouvelles couleurs. Automechanika est également un salon au cours duquel nous pouvons rencontrer nos clients, faire des points d'étape et aussi prendre des décisions. Beaucoup de développements sont en cours au sein du groupe, et nous avons d'ailleurs signé trois contrats pendant le salon. C'était donc l'occasion de nous réunir et d'avoir tout le monde autour de la table pour avancer sur ces sujets.
Comment la cession de Purflux par Sogefi a-t-elle été accueillie par vos clients ? A-t-elle suscité des interrogations ?
Nous n'avons pas attendu le salon pour officialiser cette opération. Il faut rappeler que l'aftermarket reste une aventure humaine. Pour ma part, ça fait dix ans que j'évolue dans cette industrie et sept ans que je m'occupe de l'activité filtration chez Sogefi, et désormais chez Purflux.
Nous avons donc tenu à garantir cette continuité dans les équipes. Si certains cadres majeurs étaient partis, ça aurait effectivement pu susciter quelques questions. Mais entre le dernier jour chez Sogefi et le premier en tant que Purflux Group, nous avons conservé les mêmes effectifs, les mêmes usines, les mêmes process… Rien n'a changé.
Dans d'autres opérations de "carve-out" [cession par une société ou un groupe d'une branche d'activité, ndlr], on peut assister à des scissions opérées dans les usines et dans les équipes. Ce n'était pas notre cas, puisque notre activité était scindée des autres chez Sogefi, et il n'y avait pas de synergie avec les autres entités du groupe.
La filtration était d'ailleurs la seule activité à être présente sur le marché de l'aftermarket.
Ce qui est assez parlant, c'est que nos clients n'évoquent même pas ce sujet. Pour eux, tout est transparent. D'ailleurs, le choix de Purflux comme nom de groupe a été fait à dessein pour conserver cette continuité, aussi bien à l'après-vente qu'en première monte.
Quelle est la répartition de vos activités entre la première et la seconde monte ?
Nos activités sont assez bien équilibrées. C'est variable en fonction de nos zones d'implantation, puisque nous ne sommes pas présents sur les marchés après-vente de certains pays. Globalement, je dirais que l'OEM, l'OES et l'aftermarket représentent chacun un tiers de notre activité.
Quelles nouveautés produits ont été dévoilées à Francfort ?
En termes de produits, nous avons deux innovations principales. Nous mettons tout d'abord l'accent sur nos filtres d'habitacle CabinHepa+, qui offrent la meilleure performance de filtration d'air intérieur du véhicule. Un de nos autres lancements majeurs porte sur notre gamme kits de filtres de transmission.
Ces kits sont proposés en deux versions selon les applications : Basic (filtre à pression et joint d'étanchéité) et Expert (filtre à pression et/ou filtre à succion, joint d'étanchéité, joint de carter, visserie, aimants…). Dans les deux cas, ces kits permettent d'assurer l'entretien complet de la boîte de vitesses automatique. Sur cette gamme, nous sommes un acteur important sur le marché OEM, et nous la lançons donc aujourd'hui à l'aftermarket.
Ces produits rencontrent un vrai succès depuis leur lancement car ils constituent une solution complète, clé en main et pratique.
Ces pièces étaient jusqu'ici disponibles à l'OES, mais chaque composant était commercialisé individuellement. Nous avons donc tenu compte des besoins des clients avec une offre resserrée qui nous permet de couvrir 70 % du parc roulant. Ces kits sont notamment très appréciés d'une clientèle qui découvre cette prestation de maintenance des boîtes de vitesses automatiques.
En France, contrairement à d'autres pays européens comme la Pologne ou la Suède, ces opérations de maintenance sont encore sous-développées. Ce qui pousse nos clients à s'interroger sur ce sujet, à demander des démonstrations, à faire des formations, etc.
Le dernier produit que je souhaite mettre en évidence, c'est notre gamme de couvercles pour filtres à huile. Il s'agit de couvercles fournis avec leur joint d'étanchéité qui permettent de remplacer l'élément d'origine en cas de casse ou de défaillance du système bypass lorsque celui-ci est intégré au couvercle. Nous avions une demande croissante pour ces produits.
Vous avez été nommé à la tête de Purflux Group en juin dernier. Quelles priorités avez-vous identifiées pour consolider votre position en tant que spécialiste de la filtration ?
Nous avons une stratégie plutôt claire, fondée sur trois points. Le premier sujet, et je vais devoir le dire en anglais, c'est d'être le "last man standing" [dernier homme debout, ndlr] de la filtration. Nous avons pour volonté de rester un acteur majeur sur le marché des motorisations thermiques. Nous avons énormément investi ces dernières années pour accroître notre capacité de production dans ce domaine.
Ce qui a été payant, puisque le groupe s'est fortement développé et a augmenté son chiffre d'affaires de 50 % sur les quatre dernières années. Nous surperformons le marché en termes de croissance. Raison pour laquelle nous voulons maintenir nos capacités de production pour nos clients. Et ce n'est pas fini, puisque nous prévoyons de nouveaux investissements pour renforcer ces capacités. C'est un véritable engagement.
Ce discours s'inscrit à contrecourant de celui tenu par beaucoup d'équipementiers qui semblent avoir fait de l'électrique une priorité…
Je ne suis pas coutumier des effets d'annonce, je préfère observer la réalité du marché. Nous restons à l'écoute de nos clients et tentons de réagir en fonction des évolutions de leurs demandes. La vraie question de fond, c'est : "À quel moment le marché va-t-il prendre ce virage vers l'e-mobility" ?
De mon côté, je ne prendrai pas de décisions radicales basées sur des croyances ou des suppositions. Je pense qu'il faut rester prudents et se méfier de certains discours politiques ou marketing.
J'ai une vision plus pragmatique et réaliste : une transition est en cours, c'est indéniable, et il faut être prêt à réagir en gardant un lien très étroit avec les constructeurs. Que se passera-t-il en 2025 ? Quid de l'Euro 7, qui a été décalé plusieurs fois ? Face à ces incertitudes, nous devons nous adapter au marché, écouter nos clients et travailler en avance, en phase avec les OEM, pour concevoir nos produits à leurs côtés.
À mon sens, les entreprises qui se montreront les plus agiles s'en sortiront le mieux, contrairement à celles qui adopteront des positions trop dogmatiques. D'autant que la réalité du marché sera différente selon chaque pays, en Amérique, en Europe, en Afrique ou en Asie.
Le fait d'être aujourd'hui indépendant vous garantit-il cette agilité ?
Le groupe Sogefi ne nous a jamais mis de bâtons dans les roues. Dans notre culture, nous étions déjà de toute façon très autonomes. Il n'y a pas de sujet là -dessus. Le vrai sujet, c'est : où devons-nous mettre le focus ? Où faut-il concentrer nos investissements et notre énergie ? Aujourd'hui, nous pouvons nous focaliser sur le développement de notre activité.
Revenons à la présentation de votre feuille de route. Quelles sont vos deux autres priorités ?
Le deuxième pilier de notre stratégie, c'est justement la transition vers les nouvelles mobilités. Nous développons dans ce domaine plusieurs innovations, en particulier destinées aux motorisations hydrogènes. L'expérience du groupe et les travaux menés par nos centres de R&D ont permis de mettre au point des gammes de produits offrant les meilleures performances, afin que le fonctionnement des piles à combustible assure un niveau optimal d'efficience et de sécurité.
Je pense notamment au séparateur d'anodes qui permet de s'assurer de l'absence d'entrée d'eau liquide dans la cellule à combustible. C'est un produit extrêmement complexe, disponible en série sur l'un des plus importants véhicules à hydrogène dans le monde. Nous avons aussi conçu un filtre à air cathodique, indispensable pour le bon fonctionnement de la cellule à combustible, ainsi qu'un filtre déioniseur, qui permet de nettoyer le fluide de refroidissement de la cellule.
En parallèle, le groupe avance aussi sur l'électrique avec des produits déjà disponibles, notamment dans le domaine de la filtration d'huile et d'air.
Il faut rappeler que le refroidissement est le moyen le plus efficace de contrôler la température des batteries et des systèmes d'alimentation des véhicules électriques. Et ce refroidissement est notamment assuré par des systèmes de régulation thermique à huile qui nécessitent une filtration. Le groupe Purflux a ainsi développé des éléments spécifiques pour la filtration des systèmes électriques d'entraînement des essieux dits "e-axle". Dans certains cas, l'e-axle peut être complété par des capteurs, des refroidisseurs d'huile ou encore des aimants, selon les besoins de nos clients.
Le marché de la filtration a donc de belles opportunités de croissance malgré l'arrivée de l'électrique…
Oui, les opportunités de business sont réelles. Du moins pour les équipementiers qui resteront proches des constructeurs pour comprendre leurs besoins et leur apporter des solutions. Cela rejoint ce que je vous disais au sujet du dogme et de la réalité du marché…
Quid de votre troisième pilier stratégique ?
Notre troisième priorité est de nous imposer en tant que leader mondial de l'aftermarket. Aujourd'hui, le groupe est présent en Europe et fait partie des acteurs majeurs du marché. Nous devons donc poursuivre notre expansion, ce qui passera notamment par des acquisitions.
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Souhaitez-vous vous concentrer sur l'activité filtration ?
Notre cœur de métier, c'est la filtration. Cela étant, si des opportunités exceptionnelles se présentent, nous n'excluons pas de les étudier, à condition qu'il s'agisse d'activités fortes en aftermarket. Une diversification n'est pas exclue.
Le fonds Pacific Avenue Capital Partners dispose-t-il d'autres actifs dans l'automobile avec lesquels vous pourriez nouer des synergies ?
Pacific Avenue Capital Partners ne dispose que d'actifs présents dans le monde industriel. Le fonds détenait autrefois un actif dans l'automobile, ce n'est plus le cas. Mais des synergies en termes de business sont évidemment à l'étude.
Pacific Avenue Capital Partners est un fonds américain, ce qui pourrait nous ouvrir quelques portes sur le marché outre-Atlantique.
Aujourd'hui, les États-Unis représentent environ 20 % de notre chiffre d'affaires et c'est une zone où nous pouvons encore nous développer.
Quelles régions ou marchés internationaux sont-ils prioritaires en termes d'expansion et de croissance ?
Nos cibles principales sont les États-Unis, l'Europe, l'Asie et l'Asie-Pacifique. En Europe, où nous bénéficions déjà de solides positions, il reste encore des choses à faire et des parts de marché à renforcer. Pour les États-Unis, je viens de l'évoquer, il s'agit d'un marché gigantesque avec d'énormes opportunités. C'est aussi le cas de l'Asie-Pacifique : nous comptons déjà trois usines en Inde et nous allons en construire une nouvelle l'année prochaine. Nous avons démarré l'activité aftermarket sur ce marché pour lequel nous nourrissons de fortes ambitions.