La courroie, recette et qualités
L’activité du site a débuté en 1962, par la production de bateaux pneumatiques et de bottes ! En 1965, Hutchinson commence la production de courroies poly-V, au départ pour les applications industrielles.
Dans l’automobile, la multiplication des accessoires montre rapidement les limites de la courroie trapézoïdale, et les premières applications Poly-V, transmettant plus de puissance, apparaîtront dans les années 80 sur Mercedes.
La fabrication d’une courroie Poly-V se révèle fastidieuse, demande un grand savoir-faire et une longue expérience. Des secrets de fabrication jalousement gardés, que nous a (en partie) dévoilés Hutchinson lors de cette visite exclusive à Joué-lès-Tours.
Avant tout, rappelons qu’une courroie est un savant assemblage d’élastomères, incluant une trame câblée. Cet assemblage peut revêtir des centaines de combinaisons, selon l’application. Et la qualité finale du produit dépend, bien sûr, de la recette initiale, à commencer par la gomme.
Les matières premières, en début de processus, sont stockées dans un entrepôt renfermant les principaux ingrédients d’une courroie réussie, à savoir les différents types d’élastomères bien sûr, mais également des additifs de protection, de vulcanisation, les anti-ozone…, sous forme de poudres ou de granulés (voir 1). Chez Hutchinson à Joué-lès-Tours, pas moins de 150 références sont traitées au quotidien. Sans oublier les huiles, qui entrent aussi dans le mélange et font l’objet d’un stockage à part. L’autre ingrédient majeur de la gomme, c’est la “charge renforçante”, le noir de carbone, qui représente pas loin d’un tiers de la recette et attend son heure dans des silos isolés en raison de la finesse de la poudre, et donc de sa volatilité, générant beaucoup de salissures.
L’ensemble des produits entrant dans la composition d’une courroie est contrôlé chez Hutchinson. Soit en interne, dès leur arrivée, soit chez le fournisseur, dans le cas des fabricants fonctionnant en “assurance qualité”. Ces produits sont ensuite conditionnés en bacs, que les préparateurs positionnent dans un “transtockeur”, une tour automatisée qui va permettre leur distribution, à l’étage supérieur, pour la préparation du mélange des additifs (2).
L’assemblage se fait manuellement
Un opérateur consulte la formule magique sur son écran informatique, et appelle les ingrédients, qui arrivent automatiquement pour éviter les erreurs (3). Un mélange peut renfermer de 5 à 15 composants, pour les plus complexes.
Ne reste qu’à effectuer le dosage, au poids, de la même façon qu’une préparation de peinture. On élabore 75 kg de mélange à la fois, les petites quantités permettant de maintenir une qualité irréprochable.
Une fois les poudres prêtes, elles rejoignent un tapis roulant qui les mène au mélangeur. Parallèlement, un opérateur ajoute l’élastomère choisi (souvent synthétique), qui se présente sous forme de blocs (4). Là encore, tout est question de poids et plusieurs polymères peuvent se croiser dans une formule.
Arrivés au pied du mélangeur, tous ces ingrédients sont rejoints par le fameux noir de carbone, qui donnera sa couleur caractéristique à la courroie (5). Le mélangeur, chauffé aux alentours de 100°, va maintenant malaxer pendant plusieurs minutes et homogénéiser la future gomme. Cette phase est particulièrement précise et requiert une grande surveillance car, si l’on échauffe trop la matière, elle entame sa vulcanisation et se révèle inutilisable.
A la sortie du mélangeur, la matière passe entre deux rouleaux tournant à vitesses différentes, ce qui crée une contrainte mécanique sur la gomme, un phénomène servant, encore une fois, à disperser au maximum les composants du mélange (6). Il en ressort une bande de gomme que l’on stocke sur palettes, avant la mise en forme des courroies. Il n’y a pas d’encours de gomme, tout doit être utilisé assez vite car, à ce stade, le caoutchouc est périssable, entre une semaine et plusieurs mois (7).
La première étape de la fabrication de la courroie proprement dite va consister à donner une épaisseur et un état de surface réguliers à notre bande de gomme. L’opération se fait au moyen d’une extrudeuse, qui envoie le bandeau de mélange sous pression entre deux cylindres. Il s’agit en fait d’un principe de laminoir, duquel on ressort une fine bande (moins de 2 mm), qui constituera la “gomme de dos” de la courroie (8).
Puis la confection proprement dite débute. Le rouleau de matière est découpé en tronçons correspondant au diamètre final de la courroie, sur une largeur d’un mètre. On enroule ensuite le manchon sur un cylindre, puis l’on vient lui appliquer la trame câblée qui maintient la structure et la solidité du produit fini (9). Le manchon est ensuite coupé en jupes d’environ 50 cm et inséré dans un moule de vulcanisation intégrant la sculpture des dents de la courroie finale (10). C’est ici que la jupe reçoit le marquage, sous forme d’un transfert, qui va vulcaniser avec l’ensemble. On envoie alors de la vapeur sous pression au centre de la jupe, qui va à la fois la chauffer et la plaquer avec force contre les dents du moule, lui donnant ainsi sa forme définitive (11). Hutchinson est un des fabricants qui privilégient cette technologie, certains de ses concurrents ayant choisi la technique de sculpture mécanique des courroies.
Enfin, chaque jupe est inspectée manuellement, puis découpée à la largeur des courroies finales souhaitées (12 et 13). Les courroies bonnes pour le service sont alors rangées dans des bacs, pour partir sur les lignes d’assemblage des constructeurs, ou bien en cartons, pour emballage ultérieur, sans discernement (14). Les produits de première monte sont, en effet, rigoureusement identiques à ceux qui partent en rechange. Un contrôle final, de 5 courroies par lot, évalue la tension, l’épaisseur, l’adhérence, la dimension des produits, avant de déclencher leur livraison.