Mustapha El Moridi : "Le modèle phygital d’Autodoc Pro a trouvé son marché"

Qu’est-ce qui a motivé la création de cette nouvelle marque, goCore ?
Mustapha El Moridi : La genèse de goCore s’inscrit dans la continuité de notre ambition première chez Autodoc Pro : simplifier le quotidien des réparateurs. Historiquement, comme vous le savez, Autodoc est une plateforme née dans le B2C. C’est notre cœur de métier initial. Mais depuis novembre 2022, nous avons étendu notre activité au segment B2B en France, avec la création d’Autodoc Pro, notre entité dédiée aux professionnels de la réparation.
Dès le départ, notre ligne directrice a été claire : aider le réparateur à gagner du temps, de l’argent et de l’énergie. Cela signifie optimiser ses achats, réduire les complexités administratives, faciliter les retours, et globalement lui permettre de se concentrer sur son métier.
Dans ce contexte, nous avons observé que la plupart des grands distributeurs proposaient leur propre marque. Nous nous sommes alors interrogés : comment pourrions-nous, nous aussi, contribuer à simplifier la vie du réparateur à travers une marque exclusive, tout en nous démarquant ? C’est là qu’est née l’idée de goCore. Nous avons identifié un manque sur le marché : une gamme de produits de qualité avancée, à forte valeur ajoutée, qui permette de concilier satisfaction client, fiabilité des pièces et marges intéressantes pour le professionnel.
Et pour cela, il fallait faire les choses dans l’ordre. Le lancement d’une marque n’est jamais un simple effet d’annonce. Cela suppose un travail préparatoire important : construire une gamme cohérente, aligner les fournisseurs, maîtriser la logistique, valider les certifications, affiner l’identité visuelle… Nous avons ainsi pris quelques mois supplémentaires pour être certains d’être prêts et, aujourd’hui, nous estimons que tous les voyants sont au vert pour lancer goCore dans les meilleures conditions.
Quelle est aujourd’hui l’étendue de la marque en termes de familles de produits et de références ?
L’ambition est de proposer, à terme, plus de 40 lignes de produits et plus de 10 000 références. Aujourd’hui, nous sommes un peu au-delà de 24 familles, pour un volume de près de 4 000 références disponibles. C’est une progression constante, volontairement maîtrisée. Notre stratégie est de construire la gamme par paliers successifs.
Cela permet d’intégrer les retours terrain, de s’ajuster aux besoins réels des réparateurs et de répondre aux spécificités locales. Car il faut le rappeler, Autodoc Pro n’est pas uniquement actif en France. Nous sommes présents dans plusieurs pays européens. L’offre goCore, elle aussi, a vocation à s’implanter progressivement au-delà des frontières françaises. Mais pour le moment, nous concentrons nos efforts sur une montée en puissance structurée et pertinente.
Quel accueil la marque a-t-elle reçu depuis son lancement ?
La marque a été officiellement lancée le 16 juin dernier. Cela fait donc quelques semaines d’observation, et les premiers retours sont très encourageants. Nous suivons les indicateurs de performance de manière rigoureuse, mais ce qui compte surtout pour nous, c’est le retour terrain. Avant même le lancement, nous avons mené de nombreuses enquêtes auprès de réparateurs pour mieux comprendre leurs attentes, leur perception de la marque, leurs besoins spécifiques.
Nous leur avons demandé leur avis sur le packaging, le logo, la lisibilité du catalogue, la segmentation de l’offre, etc. Rien n’a été laissé au hasard. Ces échanges nous ont permis de faire des ajustements en amont pour que le jour du lancement, tout soit parfaitement aligné avec leurs attentes.
Et aujourd’hui, au-delà des aspects techniques et tarifaires, nous sommes particulièrement attentifs à leurs retours d’expériences sur l’utilisation concrète des pièces. Les usines partenaires sont rigoureusement sélectionnées, les certifications sont là, mais seule la réalité de l’atelier fait foi.
Qu’est-ce qui fait la spécificité de goCore sur le plan technique ?
Trois axes définissent notre exigence qualité pour goCore. Tout d’abord, nous imposons à nos partenaires industriels des normes strictes. Au-delà des classiques ISO 9001 ou ISO 14001, nous exigeons la certification IATF 16949, qui est très rigoureuse et largement reconnue dans l’industrie automobile. En parallèle, nous allons plus loin en réalisant des tests supplémentaires en laboratoire, notamment sur des produits critiques comme les amortisseurs, les systèmes de freinage, ou les éléments de direction et suspension.
Cela garantit une fiabilité optimale. Enfin, pour traduire cette exigence qualité en confiance client, nous avons instauré une garantie de 3 ans sur tous les produits goCore. Et comme nous sommes à la fois fabricant, distributeur et gestionnaire de la garantie, le traitement est simplifié, et transparent. De plus, toute la gamme goCore est stockée dans nos entrepôts, ce qui garantit la disponibilité et la réactivité logistique.
En France, les livraisons sont assurées depuis notre entrepôt belge, tandis que d’autres pays sont encore desservis par Berlin. Ce niveau d’intégration permet de garantir des délais courts et un service fiable.
Dans votre communication, vous mentionnez également un positionnement de goCore auprès des distributeurs. Qu’en est-il exactement ?
Sur le marché français, goCore est aujourd’hui exclusivement destinée aux réparateurs. Toute la réflexion autour de cette gamme a été pensée à partir de leurs besoins. À ce jour, nous ne ciblons pas les professionnels de la distribution.
En quoi goCore se différencie-t-elle de vos autres marques privées, notamment Ridex et Stark Automotive ?
La création de goCore répond justement à un vide que nous avions identifié entre deux extrêmes. D’un côté, les conducteurs qui exigent des pièces premium – voire d’origine constructeur –, souvent pour des véhicules récents encore sous garantie. De l’autre, des automobilistes à la recherche de pièces très accessibles, parfois au détriment de la qualité, pour des véhicules plus anciens et à faible valeur résiduelle. Entre ces deux mondes, il existe un espace mal couvert, une sorte de "no man’s land" où se trouve une large partie du parc roulant.
Un véhicule qui a 8, 10 ou 12 ans, comme une Clio 3 de 2010 par exemple, reste utilisé au quotidien. Le conducteur souhaite une réparation fiable, mais il n’est pas forcément prêt à payer le prix d’une pièce constructeur. Il veut le meilleur rapport qualité/prix. C’est exactement dans cet espace que se positionne goCore : une qualité équivalente à celle du haut de gamme, mais à un tarif optimisé, sans compromis sur la fiabilité. C’est une promesse forte, qui vient compléter notre offre actuelle.
Autodoc Pro a été lancé initialement en France, avant d’être implanté dans d’autres pays européens. Quel bilan tirez-vous du marché français, qui a servi de pilote ?
Les retours sont très positifs. La France a été le terrain d’expérimentation de notre modèle phygital, à la fois digital et physique. Et nous pouvons dire aujourd’hui que nous avons validé ce concept. Trois piliers structurent notre offre. Le premier, c’est le sourcing : notre plateforme permet d’identifier rapidement la bonne pièce, avec un catalogue extrêmement riche – entre 6 et 7 millions de références – et des prix parmi les plus compétitifs du marché.
En outre, nous avons investi massivement pour assurer une disponibilité forte, avec un système logistique paneuropéen très robuste. Enfin, notre offre se veut efficace grâce à notre réseau d’agents de service. La France a été divisée en 106 zones, avec un agent affecté à chacune d’entre elles qui visite en moyenne plus de 15 garages par jour. Ces agents ne sont pas des commerciaux : ils sont là pour résoudre les problèmes, optimiser les flux, traiter les retours, simplifier le quotidien.
Pour les retours, par exemple, le réparateur n’a rien à faire : nous récupérons la pièce, et il est remboursé sous 24 heures, à 100 %, sans décote, sans paperasse. À terme, nous souhaitons nous positionner comme de véritables partenaires pour les garagistes, au-delà du déploiement de nos agents de service.
Lors d’une conférence précédente, vous évoquiez 19000 garages connectés. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous comptons aujourd’hui environ 21 000 garages inscrits sur notre plateforme en France. C’est un signe de confiance fort. Le nombre progresse régulièrement, et ce qui est intéressant, c’est la diversité de ces garages : des MRA, des agents, des concessionnaires… C’est un vrai panel représentatif du marché. Cette diversité confirme que notre proposition de valeur est comprise et appréciée.
L’ouverture de votre nouvel entrepôt en Belgique constitue une étape importante. Quelle bénéfice en attendent les réparateurs français ?
L’objectif affiché avec ce nouveau site est clair : réduire significativement les délais de livraison. Avant Gand, les réparateurs français étaient livrés depuis Berlin, avec des délais de 2 à 3 jours. Ce site permet de diviser par deux ces délais et, à terme, de passer à une livraison J+1.
Ce type de progrès logistique est capital, car la rapidité de livraison est l’un des critères les plus déterminants pour un réparateur. Le moindre jour de délai peut impacter l’activité de l’atelier. Il faut toutefois garder en tête que ce type de déploiement logistique ne produit pas des effets immédiats.
Le démarrage est progressif : montée en charge des volumes, ajustements de process, coordination avec les transporteurs… Mais les premiers signaux sont très positifs. Ce site, opéré par un prestataire externe – une première pour Autodoc –, nous permet aussi de tester un nouveau modèle logistique. Nous en tirons déjà des enseignements utiles pour de futurs développements.
Quelles sont les familles de produits les plus demandées par les réparateurs dans votre offre ?
Sans surprise, ce sont les pièces d’usure et les composants techniques les plus courants qui représentent l’essentiel de nos volumes. Parmi les familles les plus plébiscitées, on retrouve : le freinage, la filtration, la distribution, l’embrayage, la direction, la suspension, l’allumage, et d’autres pièces techniques. Ces besoins reflètent les entrées classiques en atelier. Ce qui fait la différence chez nous, c’est à la fois notre compétitivité prix et notre capacité de sourcing.
Nous avons des clients qui sont agents de marque et qui se retrouvent confrontés à des références devenues introuvables ou non fabriquées par les constructeurs. Dans ces cas-là, ils se tournent vers Autodoc Pro, car nous avons accès à des sources alternatives dans toute l’Europe.
S’agissant des marques privées, Ridex et Stark représentent aujourd’hui environ 20 % de nos ventes. Cela reste une base solide, mais avec goCore, nous pensons pouvoir aller encore plus loin.
Envisagez-vous d’autres implantations logistiques à moyen ou long terme ?
Nous n’écartons rien. L’expérience de Gand va nous servir de référence. C’est notre première collaboration avec un prestataire logistique externe, donc il nous faut du recul pour évaluer pleinement son efficience. Si les résultats sont au rendez-vous – et ils le sont pour l’instant –, cela pourrait ouvrir la voie à d’autres implantations, plus proches des marchés que nous desservons.
Par ailleurs, nous avons déjà commencé à diversifier nos modes de livraison. Nous avons lancé récemment trois lignes de produits en 100 % dropshipping : les pneumatiques, les huiles et les batteries. Cela signifie que ces produits sont livrés directement par nos partenaires, depuis la France ou d’autres pays européens. Pour le réparateur, cela ne change rien, si ce n’est qu’il bénéficie d’un service rapide et efficace, même pour des familles très spécifiques. C’est un axe que nous allons continuer à explorer.
Allez-vous développer une offre de services complémentaire à l’offre produits pour fidéliser les réparateurs ?
C’est précisément l’un des fondements de notre démarche. Fournir des pièces, c’est bien. Mais accompagner les professionnels au quotidien, c’est encore mieux. Le réparateur, aujourd’hui, porte toutes les casquettes : chef d’entreprise, mécanicien, comptable, logisticien, manager… Il est au four et au moulin.
Notre rôle, c’est de lui faire gagner du temps et de la sérénité. Notre équipe terrain – plus de 9 000 visites de garages par semaine – agit comme une véritable courroie d’information. Elle fait remonter les dysfonctionnements logistiques, les bugs éventuels sur la plateforme, les irritants du quotidien. Et nous mettons tout en œuvre pour les corriger rapidement.
Cette proximité terrain est précieuse. Elle nous permet aussi de sensibiliser nos clients aux nouveautés, de les accompagner dans la prise en main de l’outil, et de nous assurer qu’ils tirent le meilleur parti de nos services. C’est d’ailleurs un facteur clé de notre excellent score NPS.
Quelles sont les ambitions d’Autodoc Pro France pour les trois à cinq prochaines années ?
Je ne peux pas encore vous révéler nos objectifs chiffrés sur cette période. Ce que je peux dire, en revanche, c’est que nous sommes parfaitement alignés avec notre feuille de route. Tous les indicateurs sont au vert, que ce soit en termes de croissance du parc clients, de fréquence d’achat ou de chiffre d’affaires. Nous sommes aujourd’hui dans une dynamique solide. Le modèle fonctionne.
Et cela nous encourage à accélérer. De nombreuses initiatives – encore confidentielles – sont en cours pour renforcer notre position sur le marché B2B. Et ce que nous avons mis en place en France commence déjà à inspirer les autres pays où Autodoc Pro se déploie.