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Recyclage des batteries de VE : la course à l’économie circulaire est lancée

Publié le 18 avril 2024
Par La Rédaction
4 min de lecture
TRIBUNE - La forte demande en batteries pour les véhicules électriques (VE) a mis en exergue la nécessité d’un recyclage à large échelle. Si les avantages d'une telle filière sont nombreux (minimisation des déchets, réduction de la dépendance à l’égard des produits chimiques...), la France aura-t-elle les moyens de faire face au pic de ventes de ces nouvelles motorisations ?
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Russell Edson, associé et conseil en propriété industrielle au sein du cabinet Withers & Rogers, se penche sur les technologies de recyclage des batteries de véhicules électriques. © W&R

11 millions de tonnes de batteries lithium-ion usagées devront être recyclées au cours des sept prochaines années à l’échelle mondiale, afin de répondre aux besoins croissants en matériaux. Comment alors résoudre ce problème sachant que les batteries ont une durée de vie de 10 à 15 ans, que le parc automobile électrique mondial explose et que les capacités en recyclage restent limitées ?

Nous sommes à une dizaine d'années d'une augmentation considérable du nombre de batteries arrivant en fin de vie. À ce moment-là, les installations de recyclage de ces batteries devront être opérationnelles, faute de quoi l'industrie pourrait perdre les précieuses matières premières que les batteries contiennent.

En France, ce marché en est encore à ses balbutiements. Le groupe Eramet vient d’ouvrir en novembre 2023 une première usine pilote dans les Yvelines et se donne 2 ans pour réaliser les tests avant de lancer la phase industrielle à Dunkerque. Pourtant, l'Union européenne met la pression et impose le recyclage, dès 2027, de 90 % des cobalt, cuivre et nickel et 50 % du lithium. Les enjeux liés au recyclage des batteries lithium-ion sont de taille : aujourd’hui seuls 5 % des batteries usagées sont recyclées.

Un marché de 19 milliards de dollars

Pour les investisseurs, ce marché représente une réelle opportunité de développer de nouvelles technologies de recyclage et d’instaurer une économie circulaire pour les batteries de véhicules électriques. Cependant, pour que le recyclage soit largement adopté et intégré dans l’écosystème de l‘ensemble de la chaîne d’approvisionnement, il doit être commercialement viable. Un marché stratégique qui va représenter 19 milliards de dollars d’ici 2030 et pour lequel des subventions pourraient être nécessaires à court terme afin de compenser l’extraction de minerais.

Une solution plus viable de recyclage des batteries lithium-ion consiste à repenser la conception des batteries afin qu'elles soient fabriquées de manière plus simple en vue de faciliter la séparation des matériaux le moment venu tout en limitant l’emploi de ceux difficiles à recycler.

Historiquement, il a toujours été moins coûteux pour l’industrie d’extraire les matières premières nécessaires à la fabrication des batteries plutôt que de les recycler. Mais aujourd’hui, les progrès technologiques offrent aux recycleurs la promesse de récupérer la quasi-totalité du cobalt et du nickel et environ 80 % du lithium provenant des batteries usagées, à un coût identique à celui de l'exploitation minière.

A lire aussi : Le gouvernement débloque 50 millions d'euros pour recycler les batteries

La première étape du recyclage des batteries consiste généralement à broyer les matériaux de la cathode et de l'anode pour en faire un mélange poudreux appelé "masse noire". Celle-ci est ensuite traitée pour extraire ses précieux composants. L'un des procédés les plus couramment utilisé est la pyrométallurgie, qui nécessite de faire fondre la masse noire pour récupérer des métaux tels que le cuivre, le nickel et le cobalt. Cependant, les hautes températures nécessaires à cette opération en font un procédé relativement coûteux. Une autre extraction couramment utilisée est l'hydrométallurgie, qui implique une lixiviation chimique se déroulant en trois étapes : un prétraitement, suivi d'une solvatation dans des acides et des solvants, et enfin d’une extraction ou cristallisation des métaux.

L'inconvénient de ce procédé est sa tendance à générer des déchets toxiques qui doivent être ensuite assainis ou éliminés. Une méthode alternative, le "recyclage direct" consiste en la séparation et le reconditionnement des matériaux actifs de la cathode ou de l’anode pour une réutilisation dans des batteries lithium-ion reconditionnées.

Des brevets en forte hausse pour le recyclage de batteries

Un des inconvénients majeurs des technologies actuelles de recyclage des batteries est qu’elles sont énergivores donc avec une empreinte carbone importante. Conséquence ? Les chercheurs se sont concentrés sur la réutilisation des batteries plutôt que sur leur recyclage.

Par exemple, il est courant que les batteries de véhicules électriques en fin de vie avec encore 80 % de leur capacité de charge soient réemployées pour du stockage d'énergie à usage domestique ou industriel, intégrées dans des systèmes intelligents, ou utilisées comme sauvegardes pour le secteur des télécoms ou dans des datacenters. Cependant, étant donné que la réutilisation de batteries en fin de vie génère des problèmes de sécurité potentiels, il est souhaitable que des systèmes de recyclage efficaces et moins énergivores soient rapidement développés.

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Une étude cartographique menée par Withers & Rogers a montré que les demandes de brevets publiées liés au recyclage de batteries ont considérablement augmenté au cours de la dernière décennie. Environ 530 familles de brevets ont été publiées en 2022, soit une augmentation de 37 % par rapport à l’année précédente et quatre fois plus que cinq ans auparavant. La majorité font directement référence à un ou plusieurs métaux couramment utilisés dans les batteries de véhicules électriques, comme le lithium, le cobalt, le nickel et le manganèse.

Le groupes japonais à la pointe

Un exemple d’innovation technologique dans ce domaine est une technologie de recyclage bénéficiant d’un brevet européen (EP3529388), déposé par Umicore, qui propose un processus amélioré pour la récupération de cobalt provenant de batteries lithium-ion.

Le procédé consiste à charger le matériau de la batterie contenant du cobalt dans un four, dans des conditions d'oxydation, afin de former une phase de métal fondu et une scorie contenant du cobalt. L’aspect clé de ce processus est que le cobalt est concentré et collecté dans les scories plutôt que dans la phase métallique, ce qui permet un meilleur contrôle du processus de récupération.

Parmi les plus grands dépositaires de brevets dans ce domaine d'innovation figurent les sociétés minières japonaises, Sumitomo Metal Mining Co. et JX Nippon Mining et Metals Corp, ainsi que la société chinoise Brunp (une division de CATL). Ensemble, ces sociétés représentent 531 familles de brevets publiées au cours des trois dernières années, soit près de 50 % de l’ensemble des publications de brevets dans ce domaine.

Sur la base des tendances actuelles, force est de constater que de plus en plus d’innovateurs s’intéressent au recyclage de batteries en fin de vie. Il est donc vital pour les entreprises d'obtenir une protection par brevet avant leur entrée sur le marché, sous peine de voir les concurrents sérieusement menacer leurs positions. Des opportunités considérables pour les nouveaux entrants sur un marché en très forte croissance.

Par Russell Edson, associé et conseil en propriété industrielle au sein du cabinet européen de propriété industrielle Withers & Rogers.

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