Le contrôle technique change de dimension en 2024
"Nous sortons enfin d'une situation discriminante où une catégorie d'engins de mobilité était en situation dérogatoire par rapport au droit commun." Bernard Bourrier, PDG d'Autovision, ne cache pas son contentement alors que le contrôle technique des véhicules de catégorie L sera instauré à partir du 15 avril 2024. L'arrêté et le décret précisant sa mise en place ont été publiés le 24 octobre 2023 au Journal Officiel. Après les voitures, camions, bus, bateaux, avions et autres trains, les "véhicules à moteur à deux ou trois roues et les quadricycles à moteur" devront donc aussi passer au contrôle technique. Alors que quatre millions de véhicules devraient être concernés, un échelonnement a été prévu pour éviter un goulot d'étranglement dans les centres.
Ceux immatriculés avant le 1er janvier 2017 devront effectuer leur contrôle technique avant la mi-août ou la fin 2024, selon la date de mise en circulation. Pour les véhicules immatriculés entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019, le premier passage devra être réalisé en 2025. Enfin, celui des immatriculés entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2021 sera à faire en 2026. Notons que la règle générale prévoit un contrôle technique des véhicules de catégorie L au bout de cinq ans, puis tous les trois ans. On estime à quatre millions le nombre de véhicules de catégorie L sur le parc roulant français. Avec l'échelonnement prévu, les centres devraient se répartir un million de véhicules par an.
Cet échelonnement doit amener chaque année un million de véhicules supplémentaires dans les centres. Mais ces derniers seront-ils prêts au 15 avril ? "C'est un délai serré : nous allons devoir faire en six mois ce qu'on aurait dû faire en 12 à 18 mois, remarque Karine Bonnet, directrice générale de Dekra Automotive. Nous avons déjà mis en place les groupes de travail pour les équipes informatiques, métier qualité, réglementation et marketing pour réussir à mettre en place ce contrôle technique à temps."
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Le procès-verbal sera le même que pour le contrôle technique des VL, et effectué avec le même logiciel, ce qui facilite l'adaptation des contrôleurs. En revanche, ce logiciel doit logiquement évoluer, car les points contrôlés diffèrent du VL. "Il y a un gros travail de mise à jour des logiciels à effectuer, qui prend du temps avec les validations nécessaires des administrations. Tout cela devrait être prêt début 2024", informe Laurent Palmier, PDG de Sécuritest.
Un contrôle amené à évoluer
Dans l'annexe I du décret, 17 pages relatent les 78 points de contrôle et 165 défaillances possibles pour ces motos, quads et autres voitures sans permis. "C'est un contrôle essentiellement visuel, auquel s'ajoute une partie pollution", résume Laurent Palmier. Concernant le tarif de ce contrôle, il sera forcément inférieur à celui des VL. "On devrait généralement osciller autour des 50 euros voulus par Clément Beaune [ministre des Transports, ndlr], mais c'est le marché local qui fera le prix, précise Karine Bonnet. Sa durée estimée sera de 25-30 minutes, soit 15 de moins que pour un VL. Le cahier des charges impliquait un contrôle moins long, mais il s'agit d'un point de départ. Il y aura certainement des évolutions des points de contrôle et défaillances à l'avenir."
Dans l'immédiat, les centres ne vont "pas avoir besoin de grand-chose", selon Bernard Bourrier, qui poursuit : "Ils devront s'équiper d'une béquille pour lever les deux-roues, mais aussi de matériel pour les fixer, car ils sont moins stables que les véhicules à quatre roues. Je leur conseillerai aussi d'investir dans une table de levage pour travailler plus confortablement." Celle-ci n'est cependant pas obligatoire. Dans un premier temps, les pouvoirs publics ont minimisé les contraintes pour les centres afin d'avoir un maillage aussi dense que possible au 15 avril.
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À partir de fin 2025, l'utilisation du sonomètre, pour contrôler les émissions sonores, et du céléromètre, pour vérifier la vitesse des cyclos et scooters, sera obligatoire. Ces appareils sont encore en cours d'homologation. Bernard Bourrier prédit que ce nouveau contrôle technique va "monter en puissance, en périodicité et en usage". Il ajoute : "Nous sommes sur un texte de transition, un compromis nécessaire pour qu'un maximum de personnes y adhèrent. L'important est de faire le premier pas. Sans premier pas, il n'y a pas de chemin." Le contrôle technique VL n'a d'ailleurs pas grand-chose à voir avec celui du début des années 1990.
Les premiers mois – voire les premières années – délivreront leur lot d'enseignements sur ce nouveau contrôle technique, et les remontées terrain permettront d'ajuster et d'enrichir l'opération. Le taux de contre-visites n'est pas vraiment un sujet pour le moment, l'important étant surtout de s'assurer que les usagers concernés viennent dans les centres. "Il y aura toujours d'irréductibles Gaulois, sans qui on ne reconnaîtrait pas le pays, mais je ne pense pas qu'il y aura beaucoup de manquements, prévoit Bernard Bourrier. Il y en a déjà dans le VL, tout comme des gens qui roulent sans assurance… Ce sera pareil ici. La contestation sera un épiphénomène. Le temps du politique est terminé, laissons le temps de la technique se mettre en place." Pour aider les contrôleurs face aux éventuels réticents, ils pourront inviter les motards en atelier pour manipuler leur engin.
Un recrutement facilité
Selon Laurent Palmier, plus de 70 % des centres s'occupant des VL sont intéressés par la mise en place de ce nouveau contrôle technique. Dans la majorité des cas, il s'agira d'une adaptation des centres existants pour accueillir les deux-roues et autres véhicules concernés. Des centres dédiés verront certainement le jour, mais à plus long terme. Surtout que l'obtention d'un agrément spécial sera alors nécessaire, avec toute la formation induite.
Dans un premier temps, les contrôleurs pourront bénéficier d'une extension d'un an de leur agrément, s'ils sont déjà habilités à effectuer des contrôles des VL ou PL. Pendant un an, seule une formation de 33 heures (au lieu des 140 heures de formation complète) sera nécessaire pour contrôler les deux-roues. Leur manipulation y sera un sujet central. "Cette extension d'agrément était indispensable pour permettre une mise en place rapide avec des contrôleurs qui auront, pendant une semaine, matché leurs connaissances du contrôle technique VL à celui de la catégorie L. Cela devrait être suffisant, à condition que tout le monde n'effectue pas sa demande d'extension au dernier moment, prévient Laurent Palmier. Ensuite, il faudra demander l'agrément définitif fin 2024 au plus tard pour être sûr de l'avoir au 15 avril 2025."
Pour celui-ci, une formation complète sera requise. Dans un métier déjà sous tension comme l'est le contrôle technique, où on estime qu'il manque un millier de contrôleurs, ajouter un million de véhicules par an peut sembler problématique. "Pour certains centres, cela leur permettra d'augmenter leur productivité. Pour ceux qui ont du mal à recruter, ce sera sans doute compliqué", anticipe Bernard Bourrier.
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Mais la situation va se décanter. En effet, le titre professionnel de contrôleur technique ne sera plus réservé aux seuls titulaires d'un bac pro mécanique. Le nouveau référentiel de formation prévoit son accessibilité aux diplômés d'un autre bac pro ou d'un CAP/BEP, en justifiant d'un ou trois ans d'expérience dans l'automobile. Un test permettra alors de statuer sur la bonne durée de formation (420 ou 700 heures). "C'est une très bonne nouvelle, se réjouit Karine Bonnet. Il fallait créer d'autres passerelles et permettre la reconversion professionnelle pour ceux qui sont dans la mécanique ou la carrosserie. D'ici fin 2024, nous devrions voir les répercussions sur le nombre de contrôleurs, car cela va élargir la base de candidats possibles." Plus de contrôles et moins de manque de contrôleurs : le tournant pourrait bien s'avérer plus que positif pour les centres de contrôle technique.