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Carrosserie

Électrique : les réseaux de carrosserie en ordre de marche

Publié le 29 mai 2024
Par Florent Le Marquis
7 min de lecture
Si la part de véhicules électriques entrant dans les carrosseries est encore faible, les enseignes voient déjà une large majorité de leurs adhérents acquérir les habilitations obligatoires pour intervenir sur ces motorisations. Les réseaux accompagnent ce mouvement avec des services adaptés pour soutenir les professionnels dans cette nécessaire adaptation.
Une fois le véhicule électrique mis hors tension, le plus difficile est fait pour le carrossier. Ensuite, son travail n'est pas bouleversé. ©Axial
Une fois le véhicule électrique mis hors tension, le plus difficile est fait pour le carrossier. Ensuite, son travail n'est pas bouleversé. ©Axial

L'époque où ils étaient rares sur nos routes est bel et bien révolue : les modèles "zéro émission" occupent une part toujours plus importante dans le parc roulant. 300 000 voitures électriques environ ont été vendues en France en 2023. En fin d'année, elles représentaient même une immatriculation sur cinq ! Face à cette transition rapide du parc, les carrosseries ont dû se mettre au diapason. Car, contrairement à leurs cousins MRA, les carrossiers indépendants interviennent sur des véhicules récents. "Nous avons l'obligation d'être plus rapidement aux normes que les garages. Mais c'est plus par obligation que par gaieté de cœur que les carrossiers se mettent aux normes", lance Adeline Bourdon, présidente d'Axial.

Néanmoins, difficile de savoir quelle est la part des interventions sur les modèles électrifiés. "Nous ne pouvons pas encore estimer le nombre exact d'entrées atelier, confirme Catherine Duyck, directrice d'AD CarrosserieLeur part reste marginale par rapport à la part des véhicules thermiques. Cela varie selon le portefeuille clients de nos adhérents, si la part flottes d'entreprise ou loueurs est importante ou pas."

Les indispensables habilitations

Pour intervenir sur un véhicule électrique, des habilitations sont nécessaires selon la typologie de prestation. Mise en consignation du véhicule, travaux hors et sous tension… Pour réaliser des opérations sur une motorisation électrique ou hybride, il est nécessaire de posséder au minimum une habilitation B0L. Pour aller plus loin, il sera indispensable de décrocher les niveaux B2VL, BCL, voire B2XL et B2TL pour les interventions sur batterie. Étude concrète de cas, branchements, mise en sécurité… Ces formations sont axées sur la pratique.

"C'est bien le carrossier qui est habilité, et pas la carrosserie, rappelle Alexandre Brisseau, directeur stratégie & développement Europe du réseau Five StarPour le gérant, quand un collaborateur part, l'enjeu est de vite le remplacer, car c'est une personne qui est habilitée, pas la carrosserie."

Les réseaux ont un rôle pédagogique, sans pour autant jouer les gendarmes auprès des carrossiers. "Nous n'effectuons pas de suivi sur l'habilitation, confirme Thomas Melzer, président du groupement d'intérêt économique (GIE) Five Star. Nous parlons à nos adhérents de ce sujet, rappelons son importance, mais chacun est responsable pour lui-même. Le parc devient significatif, donc tout le monde devrait savoir ce qu'il y a à faire, et l'importance d'avoir l'expertise nécessaire pour travailler sur les véhicules électriques."

Du côté d'Autodistribution, on avance une part de 80 % d'adhérents AD Carrosserie habilités à intervenir sur les véhicules électriques. "Ils se sont mis en ordre de marche pour pouvoir traiter tous types de motorisation", salue Catherine Duyck.

Des formations proposées

Si tous ne donnent pas de part précise, les réseaux s'accordent pour dire que la majorité de leurs adhérents détient les habilitations requises pour prendre en charge les véhicules électrifiés. Five Star s'est emparé du sujet dès 2017 et l'arrivée des VE dans le parc, en lançant des formations pour ses adhérents. En 2021, l'enseigne a notamment initié son Electric Five Star Tour pour faciliter le déploiement de l'habilitation électrique.

Le groupe Autodistribution dispose également d'une offre riche via son Institut AD, en particulier des formations de deux jours pour découvrir les technologies. Elles permettent, entre autres, de savoir contrôler les composants constituant la chaîne cinématique des véhicules électriques et hybrides, ou de réaliser en toute sécurité l'ensemble des opérations de maintenance et de réparation, dans le respect des procédures du constructeur.

A lire aussi : Five Star accompagne ses adhérents dans la gestion de leur carrosserie

Les formations débouchant sur les habilitations font partie du package Compétences Emploi et sont donc prises en charge par l'Opco. "Nous allons pouvoir communiquer là-dessus auprès de nos adhérents : envoyez vos salariés en formation, cela ne vous coûte rien et n'empiétera pas sur votre budget formation !" se réjouit Adeline Bourdon.

Axial travaille avec des organismes pour faciliter la formation des salariés de son réseau. "Nous proposons des sessions décentralisées, pour réunir différents salariés Axial dans des carrosseries en régions et leur éviter de partir sur plusieurs jours", détaille la présidente.

Selon elle, la profession est en pleine transition : "Nous vivons le passage entre « L'entreprise est en conformité avec une habilité » et « L'intégralité des salariés doit être en conformité ». La vitesse de la transition dépend de la typologie de la carrosserie. Pour un gérant qui travaille avec trois salariés et est sous l'eau du matin au soir, cela peut être compliqué. Généralement, plus les entreprises sont importantes, plus le réflexe de se mettre en conformité l'est aussi."

Donner les clés aux carrossiers

Plusieurs fois par an, lors des réunions qu'ils organisent, les réseaux rappellent les obligations et les risques liés à ce type d'intervention. Cela leur permet aussi de comprendre la situation dans les ateliers. "Les difficultés remontées sont d'abord celles liées à la formation, mais aussi aux risques d'incendie et au temps passé à essayer de récolter des données sur les véhicules", relate Adeline Bourdon.

Le premier point de difficulté face à un véhicule électrique est bien entendu sa mise hors tension. D'abord, une zone doit être dédiée et bien démarquée dans l'atelier – même si, dans les faits, cela n'est pas toujours réalisable. Les réseaux conseillent généralement de ne pas laisser les VE en attente à l'intérieur afin d'éviter tout risque d'inflammation de l'atelier.

"La mise hors tension du véhicule est le point le plus important, martèle Alexandre Brisseau. Je plaisante toujours en rappelant que cela n'a rien à voir avec le fait de débrancher sa cafetière avant de partir le matin. Il faut déjà savoir où cette mise hors tension se fait, et la durée de l'opération peut varier selon le modèle."

Dans certains cas, la consignation du véhicule peut prendre une heure. "Il faut comprendre les données techniques, qui ne sont pas uniformisées entre toutes les marques, précise Adeline Bourdon. Il faut aller les chercher et, quand le carrossier les reçoit, cela ne ressemble pas à des documents qu'il a l'habitude de lire. La mise en route est donc compliquée."

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L'acquisition de ces informations peut représenter un véritable casse-tête pour les carrossiers. Pour les aider, Axial travaille sur un outil commun afin que ses adhérents puissent échanger entre eux et partager ces données.

"Il s'agit de créer un référentiel avec une mise à disposition de tous ces documents techniques, qui sont difficiles à obtenir. C'est parfois complexe de joindre le concessionnaire local pour connaître l'emplacement du bouton sécurité. Nous voulons faciliter la vie des carrossiers, car ils ne peuvent pas attendre un retour pour faire la mise en consignation du véhicule", détaille la présidente du réseau.

Axial compte mettre ce référentiel à disposition de ses adhérents avant la fin du premier semestre 2024, et en fera la promotion dès juillet. Ce document continuera d'ailleurs de s'étoffer au fur et à mesure.

Dans la cabine de peinture, une légère différence doit être prise en compte entre un véhicule thermique et électrique. ©Five Star

Dans la cabine de peinture, une légère différence doit être prise en compte entre un véhicule thermique et électrique. ©Five Star

Plus de temps, plus de facturation

Une fois la mise hors tension réalisée avec succès, le travail du carrossier ne va, en revanche, pas changer du tout au tout. Certes, les EPI (équipements de protection individuelle) sont indispensables pour intervenir sur ces véhicules à batterie, mais le reste de l'équipement dans l'atelier ne sera pas bouleversé. "Le métier de carrossier reste le même : il redresse et change les pièces de la même façon que sur un véhicule thermique. Ce ne sera sans doute pas le cas dans les ateliers mécaniques", note Adeline Bourdon. Quelques ajustements vont forcément intervenir dans des cas précis.

"Le poste peinture peut connaître des différences pour un véhicule électrique par rapport à un thermique, précise Thomas Melzer. Si la voiture entière est en cabine, il y a des limites de temps pour le séchage. Il faut bien regarder la température et la durée du séchage, qui doivent être moindres pour un VE." Comme aime à le souligner le président du GIE Five Star, "chaque innovation demande un changement dans la réparation, et c'est toujours un challenge de trouver comment réparer et à quel coût".

Et ce ne sera pas le premier défi relevé par les carrossiers. "Ils se sont adaptés aux Adas, se sont formés et équipés pour pouvoir recalibrer la caméra après avoir remplacé le pare-brise, rappelle Alexandre Brisseau. Les carrosseries s'adaptent toujours !" Et comme pour les Adas, le coup de main se prend rapidement. "Quand on a mis hors tension deux ou trois Peugeot e-208, on sait ensuite le faire et ça prend moins de temps", illustre Adeline Bourdon. Vient l'inévitable sujet financier. Cette mise hors tension s'ajoute aux autres opérations réalisées sur les véhicules.

Les réseaux le martèlent : dès qu'il y a une mise en sécurité, il doit y avoir facturation. Mais pour les interventions sur modèles électrifiés, la facturation n'est pas standardisée. Adeline Bourdon distingue deux types : "Il s'agit de réparations de haute technicité, donc c'est forcément du T3 ou du forfait. On est sur du T3 quand on suit les barèmes constructeurs, mais le plus souvent, c'est du forfait. Celui-ci prend en considération l'achat du matériel, la formation des salariés, etc. C'est un choix du gérant, qui est libre de ses tarifs mais doit les afficher."

Un futur T4 ?

La tarification T3 est dédiée aux interventions de haute technicité, impliquant de l'électronique. Pourrait-on imaginer la création d'un T4 spécial pour les VE ? "Je crois que les carrossiers y sont favorables, mais je ne sais pas ce qu'en pensent les assureurs, reconnaît Thomas Melzer. C'est un débat qui va peut-être exister dans les prochains mois."

De son côté, Adeline Bourdon n'envisage pas cette éventualité : "Le T3 existe pour ça, et les logiciels ne sont pas faits pour du T4. Il faut simplement s'assurer que tout ce qui est fait est facturé."

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Depuis trois ans, le réseau Five Star a mis en place un forfait de mise en sécurité du véhicule électrique, dans le cadre des conditions nouées avec ses différents apporteurs d'affaires : compagnies d'assurance, courtiers en assurance et autres flottes automobiles. "Lorsque l'adhérent reçoit un véhicule électrique via la tête de réseau, il peut facturer ce forfait, indique Alexandre Brisseau. En revanche, si c'est un véhicule qu'il obtient avec l'un de ses apporteurs en direct, c'est à lui de négocier le tarif."

À l'avenir, la création d'un standard de facturation pour la réparation des électriques apparaît complexe. Selon Alexandre Brisseau, "dans les VE, il y a deux familles de VE". Il détaille : "Un agréé Tesla a, par exemple, une tarification complètement différente. Car obtenir l'agrément spécifique nécessite un investissement très lourd, avec une somme à six chiffres entre la longue formation, l'examen, l'équipement à avoir en atelier… Chaque marque qui arrivera sur le marché peut avoir sa méthodologie."

Or, s'il faut investir massivement pour respecter les standards de chaque marque, les coûts de réparation de ces véhicules électriques pourraient bien finir par s'envoler en carrosserie.

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