Appareils de diagnostic électronique : La fin d’un eldorado ?
Les réparateurs hésitent à investir en équipement alors qu’ils subissent indirectement les effets de la baisse de pouvoir d’achat de leurs clients. Ce sont les besoins immédiats qui guident les acquisitions. Dès lors et à la vue des chiffres du marché publiés par les groupements d’équipementiers (+ 10 % sur les six dernières années), les systèmes de diagnostic peuvent être rangés dans les achats obligés. Mais qu’en sera-t-il quand tous les réparateurs seront équipés ?
Marché en stagnation
Les années se suivent et ne se ressemblent pas dans le domaine de l’équipement de diagnostic électronique. Si la tendance est à la hausse sur la moyenne des dernières années, après une croissance de près de 20 % en 2006, 2007 et 2010, l’année 2011 est plutôt atone et 2012 s’annonce identique. Les embellies des dernières années sont souvent attribuées au premier équipement réalisé à grande échelle dans les réseaux spécialisés, réparation rapide, pneumaticiens ou centres-autos. Le renouvellement ou le second équipement qui va succéder, impose aux fabricants des efforts d’imagination technique, autant dans les services qu’en matière de marketing.
La saturation, c’est quand ?
Interrogés sur leurs bilans et prévisions, les équipementiers sont plutôt positifs, certains même, satisfaits. Il faut y voir les effets de l’incertitude chez d’autres. De nouveaux entrants ont pris des parts et on assiste régulièrement au retour de marques à la distribution irrégulière. On sait pourtant que, dans le domaine du diagnostic électronique, le service est un pan important de la commercialisation. La croissance est-elle liée à la nouveauté ? Nouvelle marque et effet de curiosité ou demande de solutions plus adaptées que celles que l’on utilisait jusqu’alors chez les réparateurs ? A la vue des tests que nous pouvons faire dans nos colonnes, la satisfaction devrait l’emporter, les systèmes évoluant régulièrement dans le sens d’une facilité de travail du technicien, et l’accoutumance à une nouvelle forme de démarche intellectuelle dans le diagnostic et la maintenance électronique faisant leur chemin.
Bref, les réparateurs indépendants seront bientôt tous équipés d’un, voire de deux, appareils. Les nouveaux clients ont été ces trois dernières années les réseaux de réparation spécialisés. Aujourd’hui, les fabricants se tournent vers les réseaux constructeurs avec des solutions multimarques pour faire le contrôle des VO, vers la réparation poids lourds, le deux-roues et le machinisme agricole, des métiers où les besoins sont naissants.
Quant au renouvellement, il est majoritairement intégré dans le marché du deuxième outil, le premier, même dépassé, restant toujours actif dans l’atelier.
Répartition du marché, la règle des trois tiers
Les équipements de diagnostic se segmentent en trois parties : les appareils simplifiés pour l’entretien et la maintenance, les solutions complètes de recherche de pannes mobiles et les appareils qui intègrent des informations techniques (avec ou sans passerelle automatisée), qui permettent de compléter le diagnostic avec la mesure physique, et qui se présentent généralement sous forme de tablettes tactiles de grandes dimensions, désormais “durcies”, ces PC pouvant affronter l’univers très cassant de l’atelier.
Les quelques fabricants qui proposent les trois solutions déclarent faire des volumes égaux sur les trois types d’équipements, mais sur des types de clientèles très différents. “Les réparateurs indépendants généralistes plébiscitent les équipements très complets et professionnels, qui font la recherche de panne aussi bien que l’entretien et la maintenance, situe Laurent Guerci, responsable du diagnostic multimarque chez Actia. Les réseaux préfèrent des appareils strictement dédiés à leur activité, pour l’entretien, la révision ou pour ce qui tourne autour de la roue, par exemple.”
Les tarifs en question
En matière de diagnostic, les prix des équipements sont devenus beaucoup plus raisonnables. Les 10 000 à 15 000 euros d’investissement sont loin derrière nous. Pour un appareil multimarque d’entrée de gamme, mais capable d’une recherche avec lecture de paramètres et enregistrement des données, 3 000 euros sont suffisants. Il y a lieu de prendre en compte le coût de l’abonnement annuel, de l’assistance technique et des suppléments pour les câbles supplémentaires, ou une base de charge et de rangement pour faire un comparatif objectif. Si l’on sollicite une marque, les tarifs peuvent croître en fonction de la solution matérielle retenue. “L’écart de 2 000 euros entre nos trois solutions n’est pas très important, relève Laurent Guerci, mais les clients y sont néanmoins sensibles.” Pour sa part, Francis Pegues, directeur commercial France de Texa, regrette la frilosité des réparateurs : “La valeur des ventes est en baisse. Le logiciel Texa est identique pour tous les appareils, dont les prix s’échelonnent de 2 400 à 5 500 euros, mais le marché tend vers des équipements à premier prix.”
Le service, en particulier les abonnements, sont-ils alors une source d’équilibre pour les fabricants ? “Les réparateurs sont fidèles à leurs équipements, revendique Bosch, 10 % d’appareils ne font pas l’objet du renouvellement de la licence, avec mise à jour des données. Parmi ceux-ci, il y a les cessations d’activité et la négligence. Une belle preuve de fidélité et de réussite de nos produits.” Un constat que fait également Laurent Guerci pour Actia.
Les services sont-ils à la hauteur ?
“La formation est réalisée par nos technico-commerciaux sur le terrain, explique Francis Pegues pour Texa, mais le conseil après-vente, fonctionnel et technique, est délégué à une hotline spécialisée. Seule cette solution permet d’apporter un taux de réponse optimal.” Hella va plus loin en matière d’assistance : “Pour faire du diagnostic, la hotline n’est plus une alternative. Il est indispensable d’avoir accès à l’information pour intervenir sur les véhicules. L’assistance passe par la formation qui rendra les interventions plus rapides et plus professionnelles, avec un gain financier évident pour le réparateur. De plus, le garagiste sera bien plus à l’aise face au client et pourra sans difficulté lui facturer ses prestations.” Nous avons néanmoins trouvé des apôtres de la simplicité chez Continental VDO : “Notre outil (très simple d’usage, N.D.L.R.) ne nécessite pas de formation et notre hotline européenne ne concerne que les problèmes matériels.” Convenant néanmoins que “pour des outils plus évolués, l’assistance au diagnostic est un point essentiel afin d’attirer les acteurs du marché indépendant”. Le ContiSys Check de VDO est ainsi un appareil simplifié qui ne revendique pas de fonctionnalité “expert” dans le diagnostic.
Diverses solutions d’aide sont expérimentées par les spécialistes, notamment sur Internet, avec des bases de pannes résolues et des modes de recherches simplifiées façon “Google”.
Quelle est l’orientation prise par le diagnostic ?
Pour répondre aux attentes des utilisateurs sur la rapidité d’intervention, les fabricants proposent des solutions diversifiées, mais on a noté une offre grandissante d’appareils dédiés à un système. “C’est exactement à cette demande que répond notre outil, nous dit Clément de Vaulx, responsable marketing pour la rechange indépendante de Continental Teves. De plus en plus d’ateliers cherchent à compléter leur offre de services. Ces appareils permettent à la fois de la diversifier, mais aussi de compléter le panel de véhicules auxquels est dédiée cette offre.” Réelle attente des utilisateurs pour certains, mitigée pour d’autres acteurs. “Ce n’est pas réellement une tendance, répond Hella Gutmann Solutions.
Il y a en fait deux tendances qui se dégagent. Les ateliers polyvalents qui achètent au départ des outils spécifiques. Cela crée beaucoup d’outils dans l’atelier pour un diagnostic complet du véhicule. Le nombre d’abonnements à payer et le surcoût engendré les incitent à abandonner cette solution. D’autre part, les ateliers spécialisés privilégient les outils spécifiques qui répondent alors à un besoin unique. La tendance est plus à l’offre qu’à la demande.” Bosch est plus mesuré dans son avis : “On voit surtout les TPMS (contrôle de pression des pneus) et l’entretien courant proposés avec de petits appareils. L’offre reste développée, mais la part reste faible. Pour sa part, Bosch fait le choix de la multifonctionnalité, avec pour meilleur exemple le DCU130, qui est axé sur l’atelier communicant.” Dès lors, faut-il le compléter de modules spécialisés ? C’est un peu le choix de Texa. Les propositions d’appareils spécialisés “sont en train de se développer. Ce n’est pas une bonne affaire pour autant (… pour le réparateur, avec la multiplication des abonnements), souligne Francis Pegues. Pour y répondre, nous avons le Nano Service. Il s’adresse au cœur de métier des spécialistes en ouvrant le diagnostic à l’entretien, avec un seul équipement pour l’ensemble des fonctions.”
Et si Actia défend cette position, “il y a une mode liée à l’acquisition d’appareils à tarifs réduits, qui n’apportent qu’une part de réponse au multi équipement, note Laurent Guerci. Nous ne voulons pas aller dans ce sens.” Tout en nuançant son propos en évoquant le VSSP2.0 réalisé pour le compte de Varta : “Le VSSP2.0 illustre un besoin spécifique pour le service des systèmes électriques. Néanmoins, cette demande éveille des réflexions sur des opportunités qui pourraient être concrétisées à l’avenir.” Il ne faut en tout cas jamais se couper de l’utilisateur et disposer systématiquement de réponses. “Les appareils spécifiques ne font pas partie de notre stratégie, avance Carlo Rocchi, président du groupe BrainBee. Il faut néanmoins faire face à la concurrence de la Chine, avec des équipements à faible coût. Nous préférons nous concentrer sur la technologie et la qualité.” Il faut reconnaître que le B-Touch est rapide et permet au technicien d’effectuer facilement les opérations les plus simples, quelles qu’elles soient, sur l’ensemble du système du véhicule, principale expression de la demande du réparateur dans l’acquisition d’un appareil dédié.
Le diagnostic de l’an…
L’innovation est toujours présente dans le domaine du diagnostic, tout en consolidant les acquis chez tous les acteurs, avec des solutions très diversifiées. “L’innovation est porteuse, considère Laurent Guerci (Actia). Pour exemple, le partenariat avec Vivid a suscité l’enthousiasme chez les clients. Nous sommes aujourd’hui en phase de projet avancé concernant la réception active. L’accueil client joue un rôle important dans la CRM (gestion de la relation client), l’outil de réception active peut intéresser les structures moyennes avec une solution simple et adaptée à leur dimension.” Chez Bosch, on préfère le terme “d’atelier communiquant” et on n’oublie pas le contrôle des hybrides et des voitures électriques qui débarqueront tôt ou tard dans les ateliers des indépendants.
Qu’attendent les clients ? Pour les utilisateurs, des systèmes simples. Mais pour être simples, les équipements électroniques doivent avant tout être compris. La formation est dès lors indispensable. Pour les distributeurs, il faut pouvoir répondre rapidement aux besoins des réparateurs, et pour cela pouvoir s’affranchir des services technico-commerciaux des équipementiers. Un spécialiste du diag dans la structure répondra efficacement à un premier niveau d’assistance et disposera dès lors de la confiance du client pour un conseil dans ses acquisitions. Un investissement qui peut s’avérer une aide précieuse dans la relation avec les équipementiers, trop sollicités pour pouvoir tout faire.