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Courroies/Roulements : En faire plus pour gagner autant

Publié le 26 juin 2014
Par Romain Baly
8 min de lecture
Sur un marché ultra-concurrentiel, les multiples acteurs se trouvent désormais dans l’obligation d’imaginer de nouvelles solutions pour réussir à se démarquer. Si la bonne santé des kits de distribution et de certaines pièces de l’univers du roulement permet de présenter des résultats positifs, tous savent que le produit ne suffit plus à faire la différence.
Sur un marché ultra-concurrentiel, les multiples acteurs se trouvent désormais dans l’obligation d’imaginer de nouvelles solutions pour réussir à se démarquer. Si la bonne santé des kits de distribution et de certaines pièces de l’univers du roulement permet de présenter des résultats positifs, tous savent que le produit ne suffit plus à faire la différence.

Réjouissez-vous, les ventes progressent ! Toutefois, dans un contexte toujours compliqué malgré une amélioration notable ces derniers mois, le secteur automobile vit désormais avec la tension du résultat. Parce que celui-ci est devenu vital après de trop longs mois de vaches maigres, à chaque fin d’exercice, l’heure des comptes est attendue avec anxiété.

En augmentant la focale sur le seul secteur de l’après-vente, on observe une situation peu banale, où se mêlent de multiples profils, mais aussi de multiples situations. Derrière ceux qui s’en sortent et ceux qui souffrent, se cachent d’autres acteurs avançant sur le fil du rasoir. La famille des courroies et des roulements fait justement partie de ceux-là. Fabricants ou distributeurs, tous avouent avoir vécu un exercice 2013 satisfaisant. Nets ou limités, les progrès s’avèrent bien visibles, mais ne suffisent pas à satisfaire les principaux concernés. La faute à un marché plombé par une concurrence exacerbée, où une quinzaine d’acteurs tentent de faire ou de conserver leur place. Premium, milieu de gamme, MDD, chacun y va de son message pour donner l’impression d’être unique et d’offrir un produit exclusif. Reste que ce constat nuit gravement à la santé de chacun. Directeur commercial France Aftermarket de Dayco, l’un des deux leaders du genre, Christian Sauvestre est formel : “Il y a trop de concurrence ! Aujourd’hui, le marché est trop bataillé et, du coup, la hausse des volumes ne compense plus la baisse des marges.” Son homologue chez ContiTech, Jens Stachorra, explique ainsi que, cette concurrence faisant, une bataille tenace se joue désormais sur le prix. “Une bonne partie des acteurs n’hésite plus à casser les prix pour faire la différence. Cela associé à l’arrivée des marques de distributeurs, la situation tend clairement à se dégrader.” Mais alors, à qui la faute ? A des fabricants et des distributeurs soucieux de préserver leurs acquis ou de se développer ? Ou à des clients obnubilés par la facture ? A dire vrai, autant chercher qui fut le premier de l’œuf ou de la poule, plutôt que de trouver des réponses à ces questions. Tous responsables, en somme, comme l’explique Thomas Rendu, responsable produit chez MGA : “Aujourd’hui, sans doute à cause de la crise, les clients sont plus sensibles au prix qu’auparavant et n’hésitent plus à changer d’interlocuteur si l’offre ne leur convient pas. Par ailleurs, il est courant désormais qu’ils nous appellent pour obtenir un geste commercial. Ce sont des pratiques nouvelles, acceptées par les distributeurs.” Peut-être à contrecœur, certes, mais acceptées par un professionnel tenaillé entre l’envie de conserver sa clientèle et celle de réaliser de belles marges. Sur un marché qui présente de grosses disparités entre les outsiders (pour ne pas dire les petits) et les leaders, seuls ces derniers peuvent encore se permettre de ne pas céder à la tentation, sous couvert d’une image de marque Premium et d’une clientèle moins volatile que la moyenne.

L’entretien des véhicules se dégrade

Quoi qu’il en soit, derrière ce constat, le dynamisme produits de la famille courroies/roulements semble plus que jamais inverse à son dynamisme économique. Car il est là un point sur lequel celle-ci peut franchement se réjouir. En particulier grâce à la bonne tenue du secteur de la distribution et du succès, toujours important, de ses kits. Une spécificité toute française née au début des années 90 et qui ne connaît pas le même essor ailleurs. “C’est très étonnant, commente Christophe Speybrouck, responsable marketing de Quinton Hazell, c’est quelque chose de culturel en France car, malgré des programmes de communication identiques, ailleurs, la pièce seule continue de dominer.” Dans sa société, les kits représentent ainsi près de 80 % du chiffre d’affaires, un score supérieur à la moyenne du marché, mais qui traduit bien la tendance générale. L’année 2013 marque d’ailleurs une confirmation pour cette famille de produits. Dominé depuis toujours par les kits traditionnels, le dernier exercice a confirmé l’intérêt grandissant du marché pour les kits de distribution intégrant la pompe à eau. “C’est la grande tendance du moment, confirme Jens Stachorra. Aujourd’hui, les kits pompe à eau remplacent peu à peu les kits traditionnels. Chez nous, ils représentent désormais une vente sur trois”. Alors que la plupart concèdent une hausse à deux chiffres, chez certains, ce produit a désormais dépassé son vieux cousin. Du côté de chez SKF, Nourddine El Gersifi, responsable marketing et service clients, avoue ainsi “qu’il y a encore deux ans, les kits traditionnels représentaient jusqu’à 90 % de nos ventes sur cette famille. En 2013, pour la première fois, leurs ventes ont été inférieures à celles des kits pompe à eau”. Plus cher, plus technique et encore pour quelque temps moins concurrencé, ce produit constitue une poule aux œufs d’or pour tous les acteurs. Parallèlement à cela, l’autre grande tendance de l’année 2013 concerne la vente de courroies seules. Une surprise, tant la faveur donnée aux kits est importante. Certains considèrent même cela comme une mauvaise nouvelle pour le marché. Didier Cabezos, directeur commercial de Flennor France, en compagnie de Patrick Pannequin, explique pourquoi : “On constate un retour en arrière. Les courroies seules sont moins chères qu’un kit complet. C’est un constat qui colle bien avec le contexte actuel, mais une très mauvaise nouvelle pour nous et pour les automobilistes.” Une mauvaise nouvelle, dans la mesure où cela traduit, plus que la baisse du pouvoir d’achat, une certaine dégradation des suivis de plans d’entretien. “C’est d’autant plus dommage que les professionnels ont bien appréhendé le fait qu’il fallait inciter à changer l’ensemble de la distribution, note Christophe Speybrouck, Après, on ne peut pas aller à l’encontre de la volonté des clients.” Pour contrer cette tendance, les fabricants pourraient très bien arrêter la distribution de courroies seules au profit de leurs kits. Sauf que celles-ci, par leur valeur moindre, présentent toujours un intérêt, notamment pour les possesseurs de véhicules anciens (10 à 15 ans), à la valeur marchande nulle ou très faible.

Prime à la technologie

Pour offrir une solution à ce type de clients, et aux autres de fait, SKF propose ainsi depuis 2012 le kit “Price 2”, solution d’entrée de gamme, vendue entre 15 % et 30 % moins cher qu’un kit standard.

Par ailleurs, ce constat a ceci de particulier qu’il ne s’applique pas de manière homogène à tout l’Hexagone puisque, sous couvert d’anonymat, l’un de nos interlocuteurs, représentant d’un des plus gros acteurs du marché, explique “que les courroies seules ont plus de succès dans le sud de la France et dans les régions où la débrouille est plus importante qu’ailleurs…”. De là à dire que le succès de ce produit est galvanisé par le travail au noir, lui-même favorisé par la crise économique, il n’y a qu’un pas. Reste que, si le regain de forme de ce produit est bien réel, “sa part demeure négligeable. Il n’y a pas de quoi modifier notre stratégie pour le moment”, estime Olivier Berlioz, responsable marketing d’Hutchinson. Cette dégradation de l’entretien des véhicules, certains l’ont aussi constatée au travers des résultats sur d’autres produits. Leader du marché de la courroie avec près de 40 % de PDM, Gates est un acteur reconnu dont la parole pèse. Son directeur rechange automobile, Patrice Piasentin, explique ainsi, concernant la courroie d’accessoire, que celle-ci “est de plus en plus sollicitée et doit être changée de plus en plus régulièrement. Chez Gates, nous préconisons un contrôle visuel tous les 60 000 km et un changement tous les 120 000 km. Aujourd’hui, pourtant, les véhicules reviennent rarement avant 80 000/90 000 km”. Si la situation n’est pas la même du côté des roulements, elle n’en demeure pas moins identique sur le plan du développement. Numéro un du genre en France, NTN-SNR, par la voix de son directeur des ventes monde Bruno Gauthier, affirme que “2013 a été une bonne année. La tendance suit celle de la première monte avec des produits de plus en plus complexes, de plus en plus chers et de moins en moins nombreux. Au final, la valeur du produit compense la baisse des volumes”. Chez Quinton Hazell, et en ne prenant en compte que les kits de roulement, le rapport volume/prix en faveur du second se confirme, puisque si les ventes ont progressé de 3 % l’an dernier, la valeur, elle, a augmenté de 10 %. A l’instar des kits de distribution pompe à eau, le surplus technologique emprunté par les kits de roulement impacte donc favorablement les fabricants, renforçant un peu plus le paradoxe de ce marché, où le ventre mou des gammes semble se diluer entre des produits à forte valeur ajoutée et d’autres plus “low cost”.

Alors que sa société dit avoir suivi la tendance du marché sur cette famille de produits, Nourddine El Gersifi (SKF) lie aussi ce succès croissant aux changements du contrôle technique. Désormais soumises à contre-visite, les pièces de roulement profitent de cette surveillance accrue pour augmenter leurs ventes, quand bien même “cela ne concernerait que de petits volumes” pour le moment.

Répondre à tous les besoins

Face à ce bilan où les ventes, globalement, progressent, tout en étant soumises à de nombreux aléas, chacun se doit d’aller plus loin que sa propre technologie pour faire la différence. Le premier impératif pour un fabricant ou un distributeur, tient désormais dans la couverture de gamme. “C’est le nerf de la guerre, note Christophe Espine, directeur marketing de NTN-SNR. On connaît tous nos points forts et nos points faibles, mais la base consiste à offrir une couverture de gamme très large avec des produits de qualité, vendus à un prix compétitif.” Le jeu de la concurrence étant aujourd’hui exacerbé, chacun se doit désormais de répondre à tous les besoins du marché le plus rapidement possible. Olivier Berlioz ne dit pas le contraire : “Notre stratégie consiste à élargir au maximum notre gamme, mais aussi à réagir très vite face aux nouveaux modèles. L’an dernier, nous avons ainsi lancé 300 nouvelles références qui nous permettent désormais de couvrir entre 95 et 98 % du parc hexagonal, selon les produits.” Une fourchette dans la moyenne haute du marché qui suffit à prendre la mesure du problème, quand bien même certains évoquent d’autres pistes. Responsable marketing de Febi (bilstein group), Arnaud Pénot énonce une stratégie bien différente : “Chez nous, la pertinence de la gamme est plus essentielle que sa longueur. Le nombre de références n’est pas aussi significatif que des références qui se vendent.” Une optimisation de la gamme partagée par Benoit Lepot, chef de groupe marketing chez Schaeffler, qui estime que, “pour grandir, il est primordial de proposer une gamme large et variée allant des kits aux pièces, en passant par les accessoires”. Pour lui comme pour tous ses concurrents, le deuxième impératif tient dans le service proposé. Jamais cette notion n’aura pris autant d’importance qu’aujourd’hui. Face à la pléthore d’offres, la diversité et la qualité du service proposé s’avèrent au moins aussi importantes que le produit. “Cela constitue une part prépondérante de notre travail et c’est aussi ce qui nous différencie des MDD et des monteurs de gamme avec lesquels le garagiste est seul face au produit”, argumente Jens Stachorra. Pour ContiTech et pour d’autres, le service débute sur le terrain, avec une équipe commerciale capable d’aller à la rencontre des professionnels. Une bonne occasion d’écouter ces derniers, mais aussi de simplifier des schémas de communication parfois tortueux, où le message tend à se diluer. Cette démarche permet en outre de proposer des outils de communication et de marketing adaptés aux besoins de chacun, au travers de dépliants, de fiches, de catalogues, mais aussi de publicités et de promotions adaptées au contexte local. C’est notamment le cas de SKF qui, avec son programme de promotion “Saison SKF 2014”, fixe un objectif de ventes au professionnel. Si celui-ci atteint son but, l’équipementier lui propose ainsi de financer une partie de son matériel de garage. Un bon moyen d’augmenter sa productivité tout en renforçant le lien qui l’unit à son distributeur. Dans la même lignée, la qualité du service passe également par un temps de livraison limité. Pour ce faire, NTN-SNR a récemment ouvert un nouveau centre logistique de 12 000 m2 permettant de répondre au mieux et dans les plus brefs délais aux commandes.

La première monte en ligne de mire

Dans un autre domaine, Internet à désormais sa place dans le “bagage service”. Déjà entamée, la transition semble désormais acquise. On en veut pour preuve cette offre presque commune à tous, de base de données facilitant la recherche et la commande de pièces en ligne. Une avancée majeure synonyme de gain de temps, de productivité et d’un message, là encore, mieux diffusé. Côté formation, cette percée ne permet pas encore de voir émerger des programmes d’enseignement en ligne. Les soirées thématiques de démonstrations, les journées de formations collectives ou personnalisées avec un formateur réseau, ont encore de beaux jours devant elles, mais devraient logiquement connaître d’ici peu un destin plus connecté. D’ici là, une chose est sûre. Si le service revêt désormais une importance capitale, l’innovation demeure le cheval de bataille de chacun. “Tout se joue sur des détails, mais il est encore possible de faire évoluer nos technologies”, étaye Patrice Piasentin. Qu’il s’agisse de poulies damper à disque intégré (NTN-SNR), d’une gamme de kits de courroies d’accessoires avec pompes à eau (SKF), de courroies micro-V (Gates) ou de courroies à bain d’huile (Dayco), de réelles opportunités de développement existent encore. Alors que la logique consisterait à aller chatouiller les petits concurrents, certains expliquent que le développement ne passe pas forcément par là. Pour Gates, Patrice Piasentin estime ainsi qu’il est plus judicieux “d’être très bien placé en première monte pour progresser en seconde car, aujourd’hui comme hier, les garagistes ont tendance à remplacer la pièce qu’ils trouvent par la même pièce”. Cette voie constitue également une porte de secours supplémentaire, à l’heure d’un marché trop concurrencé, pour vivre sereinement.
 

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