“La croissance est plus forte au sein des familles historiquement détenues par la rechange constructeur”
Venant de la rechange constructeurs, quelles différences avez-vous constaté avec la rechange indépendante ?
Il existe deux principales différences. D’une part, le constructeur maîtrise son réseau de distribution, en passant par des agréments. D’autre part, les pièces sont distribuées sous un emballage aux couleurs de la marque. Les réparateurs n’ont donc pas connaissance du fabricant de la pièce, pensant que le constructeur produit ses pièces alors qu’il se cantonne principalement à un rôle d’assembleur. Le double marquage reste rare. En rechange indépendante, on se retrouve dans un environnement différent, où les acteurs sont en concurrence avec les réseaux constructeurs. On fait face à des problématiques de distribution locale, où nous devons trouver un équilibre constant entre les différents acteurs.
Réparateurs, grossistes, plates-formes, quels sont pour vous les rôles de chacun ?
Les deux activités, grossistes et plates-formes, sont complémentaires. La plate-forme régionale stockera moins de familles de produits qu’un distributeur, mais leur assurera une couverture de gamme, et donc une disponibilité souvent irréprochable. TRW ayant plus de 20 000 références au catalogue, nous nous appuyons donc sur ces deux acteurs. Le garagiste monteur de la pièce doit disposer de celle-ci dans les meilleurs délais, au juste prix.
Les grossistes jouent-ils leur rôle de maillon entre le fournisseur et le garagiste ?
On sait que le métier de distributeur n’est pas facile, et on remercie d’ailleurs ceux qui travaillent en TRW. Nous avons l’ambition de créer le lien entre les distributeurs et leurs garagistes. Nous allons mettre en place une action commerciale pour 2013, qui s’appellera TRW Dynamics. Elle permettra de développer une action interactive entre le distributeur et le garagiste, puisque les deux parties auront un intérêt à travailler ensemble. Il ne sera pas question de chiffre d’affaires à atteindre, nous serons davantage dans une logique de promotion de la marque TRW, afin de faciliter le travail des grossistes sur le terrain. Les parts de marché de TRW prouvent que la marque est connue, mais nous sommes toujours à la recherche de notoriété supplémentaire. De plus, pour toucher le garagiste, nous disposons également du programme de fidélisation Diamonds, qui rassemble de plus en plus de MRA. Il s’agit d’une opération sur le long terme. Nous considérons néanmoins qu’il est toujours nécessaire d’impliquer le distributeur dans l’approche garagiste.
Les salons sont-ils un moyen de toucher les garagistes ? Quelle est votre politique sur ce sujet ?
Nous en faisons localement, avec les groupements principalement, comme Partner’s, Autodistribution ou Groupauto. Nous touchons ainsi une part non négligeable des garagistes et distributeurs en France. Nous étions un temps sur le salon Equip Auto, mais la politique du groupe consiste à faire un salon par continent. Et c’est Automechanika Francfort qui a été retenu pour être la vitrine de TRW pour l’Europe. Il est toujours intéressant d’être présent sur un salon, mais les contraintes financières nous poussent à faire des choix.
Alliance est en cours de rachat de Précisium. Comment analysez-vous ce rapprochement ?
Ce pourrait être plutôt une opportunité qu’un risque car nous ne sommes pas référencés chez Précisium Groupe. Ce rachat s’inscrit également dans un mouvement de fond, où groupements et distributeurs se concentrent sur le marché français. Nous avions anticipé ces changements car cette tendance se fait déjà depuis quelque temps au niveau européen. L’objectif est d’atteindre une taille critique d’entreprise, en réalisant notamment de la croissance externe. Après, la concentration des distributeurs dépend de l’ambition de chacun. Si les jobbers n’adoptent pas une stratégie de volume, ils conserveront une structure légère, s’appuyant sur les plates-formes. Au contraire, pour les structures importantes, il sera davantage question de croissance externe. Car le marché étant stable, au mieux, les distributeurs n’engrangeront de la croissance qu’en passant par des rachats.
Un client de cette taille n’est pas handicapant pour les négociations ?
Quelle que soit l’activité, il est toujours préférable d’avoir un portefeuille équilibré entre les clients, et d’éviter une forte dépendance à un client. La réalité du marché indique qu’en travaillant avec ces deux groupements, nous touchons plus de 50 % du marché. Soit une belle opportunité pour positionner la marque. Mais tant que l’annonce n’est pas officielle, il n’y a pas de discussions amorcées sur ce sujet.
Comment s’est déroulée l’année 2012 ?
Nous avons enregistré une légère croissance par rapport à un marché qui est, au mieux, stable. Nous avons donc dû conquérir quelques parts de marché sur nos concurrents. On s’attendait à une croissance légèrement supérieure. Le marché s’est tendu en cours d’année. Le premier et le dernier trimestre ont des chiffres plutôt bons, les autres trimestres ont, eux, été plus compliqués. Il est parfois bien difficile d’analyser les fluctuations du marché d’un trimestre à l’autre.
Est-ce que des familles progressent plus que d’autres ?
Avec Corner Module, toutes les familles sont liées. Nous ne considérons pas notre offre comme une addition de familles, mais comme une offre globale. Et grâce à ce positionnement, nous arrivons à proposer du freinage aux clients qui ne prenaient chez nous que de l’amortisseur, en valorisant la synergie des achats. Nous constatons une croissance plus forte au sein des familles historiquement détenues par la rechange constructeurs, comme l’hydraulique freinage, les pièces de liaison au sol ou encore les crémaillères et pompes rénovées. Il reste du potentiel non exploité. La rechange indépendante a encore de belles cartes à jouer, et les actions de la Feda, avec la campagne contre les idées reçues, ou encore le rapport de l’Autorité de la concurrence, vont dans le bon sens. Il y a une prise de conscience de la rechange indépendante du potentiel à exploiter. On évoquait les croissances externes pour se développer, on peut aussi souligner la croissance interne, avec de nouvelles familles de produits. On constate une volonté de l’IAM de s’assurer des relais de croissance. Et de notre côté, nous fournissons à nos clients des argumentaires de vente pour travailler les pièces qui sont moins concurrencées.
Que pensez-vous du rapport de l’ADLC ?
L’ADLC a pris le temps d’étudier de façon très approfondie le sujet, et le rapport fait plus de 200 pages. Ils ont une bonne vision du marché et les pistes de réflexion mises en places sont plutôt pertinentes. Que cela soit au sujet de la garantie constructeur préservée ou encore l’accès aux informations techniques, par exemple. Il faut reconnaître l’implication de la Feda et le travail que la fédération a entrepris, qui porte ses fruits. Espérons que cela aille au bout des intérêts de la rechange indépendante. L’ADLC peut décider sur certains points d’approfondir son étude, et ainsi apporter des précisions sur sa position. Seule l’accumulation des données fera que les décisions basculeront dans un sens ou dans l’autre.
Comment voyez-vous l’arrivée de Motaquip ?
Je me demande ce qu’il en est des gammes constructeurs après dix ans d’expérience. Le succès de ces pièces me semble mitigé. Le réseau constructeurs reste attaché à la marque constructeur. Il n’a pas encore une totale confiance en ces nouvelles gammes. Et le réseau indépendant est très attaché aux marques équipementiers, notamment ceux de première monte. Les réseaux constructeurs se cherchent encore, et Motaquip devra déployer plus d’efforts encore pour trouver sa place sur le marché.
Que pensez-vous de la montée des ventes de pièces en ligne sur Internet ? Et comment voyez-vous l’arrivée d’acteurs comme Amazon sur ce créneau ?
La vente par Internet, aujourd’hui médiatisée à travers certains sites dédiés, est en passe de devenir un canal de distribution comme les autres. Je reste confiant dans la capacité qu’aura la rechange indépendante à innover et à proposer ses propres solutions à ses clients. Elle a tous les atouts pour y parvenir. En tant qu’équipementier, notre rôle est avant tout de nous assurer que nos pièces sont distribuées dans des conditions de sécurité optimale pour le consommateur final. Quant à Amazon, son arrivée a été de nombreuses fois annoncée, mais tout autant repoussée…
Comment se porte votre activité amortisseurs ?
Le rajout de la famille amortisseurs nous a permis de construire une offre cohérente avec le Corner Module. Le groupe a investi dans l’usine de Bonneval, en France, un million d’euros pour la remise aux normes du bâtiment (environnement, sécurité, etc.) et l’achat de nouveaux outils. Aujourd’hui, les résultats sont là, avec des volumes en croissance chaque année. Il nous a fallu un peu de temps pour construire notre gamme et compléter les références pour se mettre au niveau de la concurrence. La disponibilité des produits n’est à ce jour plus un souci, et le positionnement tarifaire est cohérent. Nous avons bon espoir que ce produit continue de croître et que notre investissement en France continue de payer.
Et en PL, que devient ProEquip ?
Le marché du PL se trouve très différent du VL, on ne peut donc pas comparer les résultats, mais les croissances sont là. Nous travaillons les mêmes familles de produits, avec le freinage, la liaison au sol, les boîtiers de direction et les amortisseurs. Proequip n’est pas encore assez connu. Et c’est pourquoi nous avons des accords avec des acteurs reconnus du secteur, comme AD PL ou encore G-Truck. Par ailleurs, l’accord conclu avec Cap VI en 2011 a été un réel accélérateur de croissance. C’est par nos clients que nous faisons connaître la marque. Et pour accroître notre notoriété, nous serons d’ailleurs certainement sur le salon Solutrans, en 2013.
Quels sont vos autres projets pour 2013 ?
Nous allons continuer d’insister sur notre offre Corner Module, qui date de trois ans. Cette offre est cohérente et correspond à un réel besoin de synergies pour les garagistes. Nous allons mettre les moyens commerciaux et d’animation, comme TRW Dynamics, pour nous assurer que la communication descende bien au niveau du garage. Après, l’année sera synonyme de défis et de challenges, avec le rachat, peut-être, de Précisium Groupe par Alliance, ainsi que d’autres modifications du marché. Il est toujours difficile de prévoir comment la distribution évoluera, mais nous nous adapterons.
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BIO EXPRESS
38 ans. Marié.
Deux enfants.
En 1997, il est diplômé de l’Ecole supérieure de commerce de Tours (ESCEM).
En 2003, il intègre TRW en qualité de chargé de comptes constructeurs pour la division Aftermarket.
En 2006, il prend la tête du service, devenant responsable rechange constructeurs France.
En 2011, il est promu à la tête de la rechange indépendante pour la France, le Benelux et l’Afrique du Nord.