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Distribution

Jeremy de Brabant (PHE) : "D'Ieteren a reconnu la validité de notre modèle"

Publié le 31 mai 2022
Par Mohamed Aredjal
7 min de lecture
Un changement dans la continuité. C'est ainsi que Jeremy de Brabant résume le rachat de Parts Holding Europe (PHE) par D'Ieteren Group. Le directeur général des opérations B2B, qui réfute d'éventuelles synergies avec les autres entités de la société d'investissement, voit dans cette opération une nouvelle opportunité d'accélérer son développement.
Fort du soutien de son nouvel actionnaire majoritaire, Jeremy de Brabant veut ouvrir un nouveau chapitre dans le développement du groupe PHE.
Fort du soutien de son nouvel actionnaire majoritaire, Jeremy de Brabant veut ouvrir un nouveau chapitre dans le développement du groupe PHE.

D'Ieteren a confirmé en mars dernier le rachat de PHE auprès de Bain Capital. Quelles perspectives de développement envisagez-vous avec ce nouvel actionnaire ?
Jeremy de Brabant : Il convient tout d'abord de rappeler que le deal est signé mais qu'il n'est pas finalisé. Si tout va bien, cette opération sera conclue dans quelques mois. Ce qui est sûr, c'est que ce changement d'actionnaire ne bouleversera pas notre stratégie. Notre feuille de route reste identique et nous poursuivrons notre croissance organique sur nos marchés actuels. Nous maintiendrons aussi notre stratégie d'acquisitions ciblées. Je peux également vous confirmer, sur la base des discussions que nous avons déjà menées, que notre nouvel actionnaire est aligné avec le business plan de PHE. Il n'y aura pas d'inflexion, dans un sens ou dans un autre. La seule différence, c'est qu'en cas d'éventuelles opportunités, nous aurons la possibilité d'accélérer ces opérations.

Si le groupe D'Ieteren a décidé d'investir dans PHE, c'est parce qu'il a reconnu la validité de notre modèle, sur lequel nous pourrons bâtir une stratégie dans la durée.

 

Entrevoyez-vous des premières synergies entre PHE et D'Ieteren Automotive ?
C'est peut-être moins intéressant à commenter pour vous, médias, mais je vous assure que cette acquisition de PHE par D'Ieteren n'est pas motivée par un rationnel industriel. Il n'y a pas de volonté de rationalisation, ou encore de synergies de coûts et de développement commercial. D'Ieteren est une holding de participations qui a cette particularité d'être une société familiale. Sa volonté est de créer une famille de participations, que vient de rallier PHE, aux côtés de Moleskine, TVH ou des activités plus connues dans notre environnement comme D'Ieteren Automotive. Notre nouvel actionnaire s'est tourné vers PHE parce qu'il a jugé notre marché porteur et parce qu'il estime que nous sommes capables de saisir les opportunités qui s'y présenteront. Il n'y a strictement pas de discussions de synergies entre les différentes participations.

 

Certains observateurs voient pourtant dans cette acquisition le symbole de la volonté des acteurs de l'OEM de renforcer leur expertise sur le marché de l'IAM. Partagez-vous leur analyse ?
D'Ieteren n'a pas souhaité acquérir avec PHE une expertise qui pourrait lui servir dans d'autres activités. Les dirigeants du groupe ont été guidés par un autre rationnel : ils voient dans l'IAM un secteur porteur. Évidemment, c'est un marché avec lequel ils ont une forte affinité puisque, issus du monde de l'OEM, ils y retrouvent un certain nombre de repères. C'est d'ailleurs ce qui avait conduit le groupe à s'intéresser à TVH [racheté par D'Ieteren en juillet 2021, ndlr], qui est spécialisé dans la distribution de pièces pour chariots élévateurs. Les dirigeants de D'Ieteren disposent donc d'éléments les confortant dans la compréhension des leviers qui peuvent impacter ce marché.

Mais il n'y a pas, derrière l'acquisition de PHE ou de TVH, la volonté d'intégrer une expertise visant à les aider dans la construction d'une stratégie dépassant le périmètre de chacune des participations.

Encore une fois, D'Ieteren n'est pas une holding industrielle. J'ai bien conscience que nos amis de l'OEM se posent beaucoup de questions actuellement sur leur activité et sur d'éventuelles diversifications. Certains d'entre eux s'intéressent effectivement à l'IAM, mais ce n'est pas la démarche de notre nouvel actionnaire.

 

Votre arrivée dans le giron de D'Ieteren pourrait-elle accélérer votre développement à l'international ? Si oui, quels sont les marchés où vous pourriez prendre pied demain ?
Le groupe D'Ieteren a entièrement épousé notre stratégie et notre business plan. Tout ce qui a été écrit ces dernières années par PHE bénéficie donc du support de notre nouvel actionnaire. Pour rappel, notre feuille de route doit nous conduire à devenir le numéro un ou numéro deux dans chacun de nos marchés, c'est-à-dire au Benelux, en Espagne, en Italie et en France. Dans l'Hexagone, nous devrions continuer à nous développer de manière organique puisque les opportunités de croissance externe n'y seront probablement pas très importantes. Mais si elles se présentent, nous les étudierons, comme nous le faisons systématiquement.

En Italie, le "pipeline" [sic] du groupe est très actif puisque nous avons l'ambition d'apporter une couverture nationale du marché, dans un horizon assez proche. Sur le marché espagnol, nous en sommes plus au début de l'aventure. Nos ambitions y sont identiques, mais elles demanderont plus de temps.

En dehors de ces différents marchés, si des opportunités se profilent, nous nous pencherons sur ces dossiers. Si nous sommes capables de les saisir, avec cette même volonté de nous imposer comme un acteur significatif dans ces nouveaux marchés, nous savons que notre actionnaire nous épaulera. De potentielles accélérations de notre feuille de route ne sont donc pas exclues.

 

Parts Holding Europe a multiplié les opérations de croissance externe à l'international. Comment ce développement à l'étranger a-t-il impacté votre stratégie d'achats de pièces ? A-t-il favorisé notamment le "cherry picking" ?
Le métier premier de PHE, c'est de servir chacun de ses clients au niveau local, grâce à nos différentes filiales qui ont noué leurs propres partenariats. Néanmoins, PHE a une centrale d'achats et adhère à l'AD International. Depuis plusieurs années, nous avons fait le choix de partenariats forts, dans la durée, avec nos partenaires fournisseurs. Notre expansion géographique doit permettre à ces relations de s'étendre éventuellement dans chacun de nos marchés, quel que soit le pays d'origine dans lequel ces partenariats ont été noués. Il y a, par exemple, des équipementiers dont nous étions proches en Italie, auxquels nous avons ouvert la porte dans d'autres territoires. Et vice-versa.

 

J'imagine que cette volonté de renforcer vos partenariats a encore plus de sens dans le contexte actuel, marqué par une baisse des taux de service des équipementiers…
C'est effectivement bon à la fois pour nous et pour eux. Nous apportons à nos partenaires de la croissance organique, et c'est un cercle vertueux. En travaillant main dans la main avec nos fournisseurs, nous créons une véritable dynamique commerciale. Nous nous imposons des exigences fortes en termes de qualité de service vis-à-vis de nos clients, et nos équipementiers comprennent donc pourquoi nous attendons beaucoup de leur part en termes de services.

 

Quel bilan tirez-vous de l'activité du groupe PHE depuis le début de l'année ? L'inflation et la hausse des prix du carburant, en particulier, ont-elles eu un effet sur l'activité des ateliers ?
Au cours du premier trimestre, sur l'ensemble de nos territoires, nous observons globalement une dynamique de conquête.

Toutefois, nous sommes conscients que les niveaux d'entrées atelier sont impactés par des problématiques de pouvoir d'achat. Nous avons plusieurs remontées dans ce sens de nos partenaires.

Au-delà de nos performances commerciales, qui restent donc positives, nous restons vigilants sur ce sujet de l'inflation, qui ne concerne pas que le carburant, d'ailleurs. Les automobilistes, mais aussi nos distributeurs ainsi que les réparateurs, font face à d'importantes hausses de prix. Dans ce contexte, nous devons nous efforcer de proposer la meilleure pièce au meilleur prix et dans les meilleurs délais.

 

L'économie circulaire est devenue un sujet très en vogue avec la crise du Covid-19. Avez-vous changé de position sur la pièce de réemploi ?
Nous avons eu une position très proactive sur le sujet, tout en gardant les yeux ouverts. L'économie circulaire a toujours été une évidence pour le groupe PHE, et nous avons d'ailleurs été avant-gardistes sur plusieurs sujets. Je pense, par exemple, à ACR sur les machines tournantes. Le groupe dispose aussi de ses propres ateliers de rénovation d'injecteurs common rail à Montajault (86) et chez DPAM avec Jean-François Niort. Nous avons également, depuis longtemps, un partenariat avec Opisto que nous voulons encore développer. Il ne faut pas oublier non plus notre travail avec Cotrolia sur la rénovation de pièces électroniques. Je crois qu'on peut dire que PHE participe activement à l'économie circulaire sur de nombreuses gammes de produits. Mais nous gardons aussi une certaine lucidité vis-à-vis de cette activité, qui fait face à d'importantes contraintes de sourcing et d'acheminement.

Transporter à Brest une pièce de réemploi depuis Marseille, c'est onéreux et pas très performant d'un point de vue environnemental.

C'est un chantier transversal au sein du groupe, qui mobilise plusieurs équipes afin de trouver des solutions à toutes ces contraintes.

 

Le groupe PHE a sensiblement optimisé son outil logistique ces dernières années, notamment dans l'Hexagone. Quelles seront vos prochaines priorités en la matière ?
L'optimisation logistique n'est jamais terminée. C'est un travail permanent, même si nous ne prévoyons pas de grandes révolutions à court terme.

Après avoir beaucoup avancé sur l'activité VL – ce qui nous permet d'afficher une disponibilité immédiate supérieure à 98 % sur les produits à forte rotation –, nous travaillons depuis trois ans sur le PL, avec la mise en place d'une vraie machine de guerre !

Entre notre plateforme nationale, Bremstar, et nos centres régionaux, nous disposons d'une offre incomparable dans le poids lourd, aussi bien en termes de largeur que de délais de livraison. Au-delà de cette qualité de service, nous œuvrons également à l'optimisation des tournées du dernier kilomètre. C'est aussi un élément important, en termes de coûts et d'empreinte environnementale. Les autres activités de PHE ont suivi la même voie, à l'instar de Cora qui a optimisé à la fois ses transports et ses emballages. ACR vient d'ouvrir deux nouvelles plateformes à Marseille et à Toulouse. Aux Pays-Bas, Geevers et Doyen Auto vont aussi suivre des plans d'optimisation logistique. En Italie, nous sommes au début de l'histoire, mais ça fait partie des sujets sur lesquels nous travaillons.

 

Avec le déclin annoncé du parc roulant thermique et du marché de la pièce de rechange, comment envisagez-vous l'avenir du groupe ? Travaillez-vous sur une stratégie de diversification ?
Je n'utiliserais pas le terme de diversification en ce qui nous concerne. Notre rôle est d'aider nos clients à s'adapter à leur nouvel environnement de marché en leur fournissant les pièces ainsi que les outils, la formation et l'information technique dont ils ont besoin au quotidien. Ce n'est donc pas à proprement parler une diversification. En tant que distributeur de pièces automobiles, nous sommes tenus d'évoluer avec le parc roulant qui doit être entretenu. En France, où l'on compte environ 40 millions de véhicules, cette évolution va s'inscrire dans la durée. Chez un distributeur, l'unité de mesure, ça reste la décennie.

Cette transition énergétique est une réalité mais, si elle impacte aujourd'hui fortement les OEM, elle n'aura pas de conséquences brutales dans les ateliers. Ce qui nous laisse le temps de nous préparer et de former nos réseaux.

D'ailleurs, au-delà du débat sur la motorisation, notre réalité du moment se concentre sur des enjeux plus urgents tels que les gateways. Nous nous penchons finalement davantage sur les évolutions de notre métier et de celui de nos clients plutôt que sur la diversification de nos activités.

 

L'avènement de la connectivité automobile et de la maintenance prédictive risquent également de bouleverser le marché de l'après-vente automobile. Face à ces perspectives, faudra-t-il, selon vous, revoir le modèle logistique de la distribution de pièces en Europe ?
Le modèle logistique de la distribution de pièces se définit autour d'une simple question : quel est le délai de disponibilité acceptable pour répondre aux besoins d'un atelier ? Or, aujourd'hui, la réalité du marché nous demande de répondre aux besoins des réparateurs, au maximum, en quelques heures. C'est ce qui guide notre organisation. Un maillage logistique fort est donc primordial. Nous pensons que ce délai ne s'allongera pas. Les réparateurs auront toujours besoin d'accéder à un assortiment de plus en plus large, et ceci dans un temps qui se compte en quelques heures, voire moins.

 

Le groupement Autodistribution a annoncé la tenue du prochain congrès AD en 2023, à Marrakech. Quelles grandes thématiques y seront abordées ?
C'est un peu tôt pour en parler, car nous n'avons pas encore finalisé tous les sujets qui seront présentés lors du congrès. Sans entrer dans le détail, je peux néanmoins vous confirmer que tous les enjeux autour de la réparation mécanique ou carrosserie seront abordés : pollution moteur, accès aux données, électrification du parc roulant, etc. Comme lors de la précédente édition du congrès, à Malte en 2018, un volet important sera consacré aux compétences et à la formation. Nous en profiterons également pour consolider la communauté de nos ateliers autour de la marque AD, qui fédère aujourd'hui les meilleurs professionnels de la réparation automobile.

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