Où en est le marché de la maintenance et de la réparation de calculateurs ?
L’entretien des calculateurs représente-il un nouveau défi pour les professionnels de l’après-vente automobile ? La question paraît légitime pour l’Observatoire des experts de la mobilité (Map), qui a consacré un webinaire à ce sujet le 22 juin dernier. Il faut dire que ces composants électroniques se sont aujourd’hui généralisés dans l’industrie automobile.
Pour répondre aux nouvelles normes de confort et de sécurité, les véhicules s’appuient désormais sur une armada de "mini-ordinateurs" spécialisés, qui régissent aussi bien les systèmes d’information et de divertissement que les fonctions d’injection, de freinage, d’aide à la conduite, de stationnement, de direction, etc. Les véhicules premium peuvent ainsi embarquer plus de 200 calculateurs aujourd’hui.
Selon Laurent Hecquet, directeur général du Map, chaque jour un véhicule émet plus de 4 000 GB d’informations. "Ce qui représente une production de données extrêmement importante", soutient-il.
Des propos appuyés par Christophe Theuil, vice-président de la FFEA (Fédération française de l'expertise automobile), qui rappelle que les calculateurs sont devenus le "cerveau" de la voiture et de ses équipements de bord. Ils gèrent plus spécifiquement trois grandes familles d’équipements : le moteur et la transmission, le confort et l’éclairage ainsi que la sécurité et l’aide à la conduite.
Quelles alternatives à la pièce neuve ?
Malgré leur sophistication, ces dispositifs n’en restent pas moins soumis à diverses avaries qui peuvent nécessiter leur réparation, voire leur remplacement. Christophe Theuil en identifie quatre typologies : les pannes externes liées à une mauvaise utilisation ou à des problèmes électriques (installation d’une batterie inadaptée, etc.), les vols de calculateurs (fréquents sur les véhicules haut de gamme et les utilitaires), les destructions à la suite de collisions, et les remplacements fonctionnels (airbags).
Si les calculateurs électroniques font donc l’objet de multiples défaillances, Christophe Theuil déplore l’absence de "solutions structurées" mises à la disposition des réparateurs pour la maintenance de ces composants. Le vice-président de la FFEA pointe également du doigt la prudence des constructeurs et des équipementiers sur qualité de réparation de ces pièces, favorisant ainsi la pièce neuve au détriment de la rénovation.
"Les recommandations des constructeurs, les difficultés à faire réparer ces calculateurs et les délais d’interventions parfois longs viennent ainsi brouiller le contradictoire entre l’expert et le réparateur dans ce genre de situation", regrette-il. Optimiste, ce dernier indique toutefois que la raréfaction des semi-conducteurs pourrait inciter les acteurs de la filière à opter pour la réparation plutôt que le remplacement.
De nouvelles formations pour les réparateurs
Un sentiment partagé par Yves Riou, directeur du pôle contrôle maintenance et réparation de Mobilians, qui estime que ce problème a été pris à bras le corps par son organisation. Un groupe de travail d’experts techniques a notamment été mis en place pour accompagner les professionnels de l’après-vente automobile. Cette initiative a notamment permis la résolution de bugs sur les solutions proposées par plusieurs constructeurs.
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Autre objectif de Mobilians : la formation. Déplorant l’effet parc qui "anesthésie" les réparateurs ne se souciant pas des évolutions technologiques, Yves Riou a rappelé la nécessité pour les ateliers de se former et de s’équiper pour préparer l’avenir. "C’est pourquoi nous avons mis en place, avec le GNFA, un module de formation d’une journée dédié à la maintenance des calculateurs", souligne Yves Riou. Un autre de module de formation a également été élaboré avec le Garac pour être diffusé auprès de plusieurs CFA pilotes.
Lutter contre la "culture de la pièce neuve"
Parmi les solutions mises à la disposition de la filière, plusieurs spécialistes de la réparation électronique proposent désormais leurs services aux réparateurs. Parmi eux, Cotrolia fait figure de pionnier. Créée en 2008 par deux ingénieurs électroniciens, l’entreprise a démarré son activité avec la maintenance des tableaux de bord des Scénic 2.
Progressivement, elle a élargi son champ de compétences pour faire face aux ruptures récurrentes de disponibilités de pièces électroniques captives chez les constructeurs… "Soit le calculateur n’est plus du tout commercialisé, soit il l’est dans des délais beaucoup trop longs", observe Jean-Charles Trochon, co-fondateur de Cotrolia. Ce n’est pas tout : l’appairage des calculateurs empêche souvent les réparateurs de se tourner vers les centres VHU. "Un calculateur moteur récupéré à la casse ne peut pas être remonté sur un autre véhicule en raison des systèmes de sécurité", ajoute Jean-Charles Trochon. Résultat : la réparation s’impose de plus en plus comme la seule solution disponible pour les ateliers.
Seul hic, un tiers seulement des garages savent que la remise à neuf des calculateurs électroniques est possible...
La culture de la pièce neuve est très forte en France. Seules 4 pièces sur 100 sont aujourd'hui réparées alors qu'il serait possible d'en réparer 90... Nous nous battons encore pour évangéliser notre métierinsiste Jean-Charles Trochon.
Ce dernier met aussi évidence les vertus écologiques de ses services puisqu’un calculateur réparé représente environ l’émission de 7 kg de CO2 contre plus de 56 kg pour une pièce neuve. Face à ce constat, Cotrolia entend inciter l’ensemble de la filière à promouvoir la remise à neuf des calculateurs, en prenant le soin de faire appel à des "spécialistes établis". Une position partagée par Yves Riou qui espère que ces "expérimentations positives" aideront les professionnels à franchir le cap de la pièce rénovée.