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Les ateliers face au défi du Sermi

Publié le 16 février 2024
Par Mohamed Aredjal
7 min de lecture
À compter du 1er juin 2024, le Sermi entrera en vigueur en France. Cette réglementation européenne impose aux réparateurs automobiles de disposer d'une certification pour accéder aux informations techniques liées à la sécurité des véhicules. À quelques mois de l'échéance, les garages doivent se préparer à cette exigence.
Sermi
Sans certification Sermi, l'accès aux informations sur les systèmes de sécurité et la commande de pièces liées à ces systèmes seront impossibles. ©AdobeStock

Cette fois, il sera difficile d'y échapper : le Sermi devrait entrer en vigueur le 1er juin 2024 dans l'Hexagone. À partir de cette date, les entreprises automobiles et leurs salariés souhaitant accéder à des informations techniques en lien avec la sécurité d'un véhicule devront obligatoirement bénéficier d'une autorisation.

Autrement dit, les ateliers et leurs opérateurs auront pour obligation d'être certifiés pour se connecter en toute sécurité aux portails RMI des constructeurs automobiles et obtenir les informations requises. Sont concernés : les véhicules légers (VL) et utilitaires (VUL) mis sur le marché depuis l'entrée en vigueur des normes Euro 5 et 6, ainsi que les camions et autobus commercialisés depuis la norme Euro 7.

Pour mémoire, le protocole Sermi aurait dû être appliqué dès le 1er août 2023 dans tous les États membres. Mais en raison du retard pris par certains pays pour identifier une instance d'évaluation de la conformité accréditée, le groupe opérationnel Sermi, en coopération avec la Commission européenne, a décidé de repousser son lancement. Sa mise en place progressive a été programmée entre octobre 2023 et août 2024. À l'issue de ce processus, environ 400 000 entreprises et leurs employés pourraient être certifiés dans toute l'Europe. La Suède a ouvert le bal, et la France devra donc être prête avant l'été. Mais à six mois de l'échéance, beaucoup reste à faire.

Une porte d'entrée incontournable pour les fonctions de sécurité du véhicule

Le Sermi, acronyme de "Security related repair and maintenance information" (en français, "informations sur les réparations et l'entretien en matière de sécurité"), n'est pas un sujet nouveau à l'échelle européenne. Ce dispositif a été rendu obligatoire par le règlement délégué n°2021/1244 (modifiant un texte de 2018), qui prévoit un accès uniformisé aux informations de réparation et de maintenance des véhicules (RMI) liées à la sécurité. Cet accès conditionné à la protection des normes de sécurité et certificats n'est autorisé qu'aux réparateurs et à leurs employés habilités à cet effet.

Ces derniers devront donc se soumettre à une procédure de vérification pour accéder aux sites des constructeurs automobiles contenant les informations liées à la sécurité d'un véhicule. Interrogé sur les opérations de réparation et de maintenance qui exigeront le Sermi, Amar Cheballah, consultant technique pour le compte de Mobilians, indique que ce protocole concernera toutes les interventions afférentes aux fonctions de sécurité du véhicule.

"Il s'agit principalement de codage de clés et de la maintenance de calculateurs, mais pas seulement. Le téléchargement de données pour leur mise à jour, leur reprogrammation, leur reconfiguration, etc. Cette certification Sermi sera aussi indispensable pour la commande de certaines pièces de rechange, à l'instar des transpondeurs", précise-t-il. Pour certaines marques, le Sermi sera également requis lors de la configuration d'un système d'attelage de remorquage, par exemple.

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Si toutes les opérations de maintenance et de réparation n'impliqueront pas le recours à cette certification, la FNA invite à adopter l'adage : "Qui peut le plus, peut le moins". La fédération entend accompagner tous les professionnels dans cette démarche, pour que ces prestations ne leur échappent pas au profit des réseaux constructeurs… "C'est tout l'enjeu ! Il faut que les réparateurs indépendants puissent aller au bout de leurs prestations, ce qui inclut les opérations liées à la sécurité du véhicule", confirme Émilie Repusseau, secrétaire générale adjointe FNA.

Les "CAB" dans les starting-blocks

Sermi 2

La certification Sermi prévoit deux niveaux d'autorisation pour l'entreprise et ses salariés. ©AdobeStock

Pour gérer le déploiement de cette certification, la Commission européenne a confié cette responsabilité à l'association Sermi. Gérée conjointement par les constructeurs et les opérateurs indépendants (AIRC, Cecra, FIA et Figiefa), celle-ci a pour mission de développer, d'exploiter et de maintenir le système et le processus requis pour autoriser les accès visés. Concrètement, le dispositif reposera sur un « trust center” (centre de vérification) chargé de conserver les informations de toutes les entreprises et salariés autorisés.

C'est cette plateforme qui sera chargée de délivrer aux garages une clé électronique pour la gestion, et un code d'identification unique pour chaque opérateur agréé. Pour gérer l'autorisation des ateliers et de leurs employés dans chaque pays européen, l'association Sermi va s'appuyer sur des organismes de certification, les CAB (Conformity assessment bodies), qui seront préposés au traitement des demandes au niveau local. "Ce seront essentiellement des sociétés comme Dekra, SGS, Bureau Veritas, etc.", indique Amar Cheballah.

Parmi ces opérateurs, l'un des acteurs les plus avancés sur le sujet est le groupe néerlandais Kiwa, qui a déjà mis en œuvre ce process de certification en Europe du Nord. "Nous avons l'accréditation Sermi pour une majeure partie des pays européens, dont la France. En Suède et en Norvège, c'est déjà opérationnel et nous travaillons actuellement sur le déploiement en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne. Pour l'Hexagone, les outils et la procédure doivent être adaptés, mais nous serons prêts en mars", promet Arjon van der Harst, directeur général de Kiwa France.

Du côté de Mobilians, on rappelle que le Cofrac a été mandaté pour ajuster le référentiel Sermi aux spécificités françaises. "Une première version du référentiel devrait être connue en janvier", confie Dorothée Dayraut Jullian, directrice des affaires publiques et de la communication de l'organisation professionnelle. Ce document permettra de fixer avec précision les conditions requises pour bénéficier de la certification.

Un coût "accessible"

Si on se fie au texte européen, le cahier des charges semble plutôt accessible. "Les informations demandées sont principalement en lien avec l'exercice de l'activité de réparation automobile. Il y a aussi des données sociales, dont le contrat de travail. Mais je n'ai pas vu de choses vraiment très contraignantes dans les textes", assure Émilie Repusseau.

Même discours du côté d'Amar Cheballah, qui voit plusieurs points à retenir pour les salariés et leur entreprise. Parmi ceux-ci, il sera indispensable d'avoir un casier judiciaire vierge, tandis que les ateliers ne devront pas proposer d'opérations de réparation ou d'entretien qui auraient une "incidence négative sur les performances en matière d'émissions du véhicule". C'est le cas des prestations de défapage, de dépose de la vanne GR, etc. "En France, une loi interdit déjà ce type de pratique, mais il a fallu unifier cette mesure pour le reste de l'Europe", indique Amar Cheballah.

Pour les techniciens, un autre point important concerne le niveau de formation exigé. "Pour l'opérateur, son autorisation nécessitera un niveau de formation qui lui permettra de réaliser des opérations de reprogrammation ou de programmation sur des systèmes antivol. Chaque pays a identifié un niveau de qualification avec des référentiels nationaux. Ça fait partie des choses que nous devons finaliser avec le Cofrac. En France, pour ouvrir un garage, il faut un CAP mécanique. Mais ça ne signifie pas qu'il suffit d'un CAP pour reprogrammer un calculateur correctement… Nous avons la chance d'avoir en France des organisations proposant des modules de formation sur la maintenance des calculateurs. Je pense que les opérateurs autorisés devraient avoir au moins suivi ce type de formation", estime le consultant technique de Mobilians.

Une fois les documents requis rassemblés, la demande de certification devrait pouvoir être réalisée en ligne assez facilement, quel que soit le CAB. “L'objectif est de faciliter le process avec le moins d'interactions possible. C'est la raison pour laquelle nous privilégierions le support digital, avec une hotline en support, pour gérer une partie des échanges, notamment le paiement", souligne Arjon van der Harst.

Interrogé sur le coût global de cette certification pour le réparateur, le directeur général de Kiwa France n'a pas souhaité se prononcer sur un montant précis, précisant juste qu'il sera "accessible". "Ce devrait être un montant inférieur à 1 000 euros, en fonction évidemment du nombre d'employés. Ce tarif comprend le coût d'adhésion au « trust center » que nous devons répercuter. Nous travaillons encore sur ces éléments de facturation qui sont variables d'un pays à l'autre. Ça devrait s'éclaircir à partir du 1er avril."

L'accès à la donnée, un enjeu global pour la filière

Sermi remote

Les fournisseurs de services de remote diagnostic sont aussi concernés par la certification Sermi. ©AdobeStock

Une fois l'accord du "trust center" obtenu, les techniciens recevront leur jeton logiciel de sécurité ainsi que leur PIN (d'une validité de cinq ans) permettant d'accéder aux systèmes RMI des constructeurs. Responsables de l'utilisation de ces précieux sésames, ils ne doivent pas les partager avec un autre productif de l'atelier. En cas de perte ou d'utilisation illicite de leur jeton de sécurité, ils sont d'ailleurs tenus d'informer leur employeur dans les 24 heures.

Autre élément important : les entreprises se doivent d'avertir leur CAB de la fin du contrat de travail de l'un de leurs salariés autorisés. En effet, les certifications Sermi sont individuelles et ne peuvent pas être "transférées" à un autre technicien. De même, un opérateur certifié quittant son employeur devra renouveler sa demande une fois qu'il aura rejoint sa nouvelle entreprise.

"Il faut également préciser qu'un technicien perd sa certification automatiquement si sa société est suspendue", complète Arjon van der Harst, indiquant que l'autorisation délivrée par le CAB fera aussi l'objet de contrôles périodiques qui auront lieu pendant la durée de certification. "Au moins une inspection est prévue pendant cette période de cinq ans", confirme le directeur général de Kiwa France.

Face à ces multiples enjeux, les organisations professionnelles, à commencer par Mobilians et la FNA, entendent bien jouer leur rôle et accompagner les réparateurs dans tout ce processus. "Dans un premier temps, il me semble indispensable d'informer les professionnels en vulgarisant les processus, et en expliquant la réglementation. Nous devrons ensuite faciliter chaque étape de cette démarche", décrit Émilie Repusseau.

A lire aussi : Accès aux données automobiles : l'après-vente tape du poing !

Pour la secrétaire générale adjointe de la FNA, pas question de rater l'étape du Sermi alors que l'accès aux données nécessaires à la réparation et l'entretien demeure un enjeu essentiel pour le professionnel. "Nous devons avoir une vision prospective sur l'exercice du métier et sur les compétences qu'il faudra acquérir pour continuer à réparer les véhicules. Aujourd'hui, c'est le Sermi, mais il y a aussi le Pass-Thru, les passerelles de sécurité, etc.", précise-t-elle.

Même son de cloche du côté de Mobilians, où Dorothée Dayraut Jullian rappelle que plusieurs échéances importantes se profilent pour la filière : "Plusieurs dossiers majeurs sont inscrits à l'agenda de 2024. Il y a le Sermi, mais il y aura aussi la suite du Data Act, avec le texte sectoriel."

Sur ce dernier sujet, particulièrement sensible, les attentes des métiers des services de l'automobile sont très fortes, tant ils ne partagent pas les mêmes intérêts que les constructeurs. Dans le domaine de l'accès aux données, l'année 2024 promet donc des changements majeurs pour l'après-vente.

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