Mathieu Séguran, Feda : "La question de l'adhésion à la Feda ne se pose plus aujourd’hui"
Le Journal de la Rechange et de la Réparation : Quel bilan global tirez-vous de vos six ans à la Feda ?
Mathieu Séguran : À mon arrivée, la Feda était un peu la "Belle au bois dormant". Alain Landec [président de la fédération, ndlr] avait déjà beaucoup modifié la physionomie du conseil d'administration et revu l'organisation de la fédération pour un meilleur fonctionnement. Par la suite, avec Alain Landec et l'appui du conseil d'administration, nous avons réorganisé en profondeur les équipes et surtout remis la Feda sur les rails, en nous focalisant sur les sujets qui avaient de l'intérêt pour la profession. J'ai toujours considéré les adhérents de la Feda comme des clients auxquels nous devions apporter un service.
J'ai fait mienne la doctrine d'Alain Landec, dont le travail au sein de la Feda repose sur quatre piliers : le lobbying auprès des pouvoirs publics français et à Bruxelles avec la Figiefa, la formation, que je pense avoir plutôt bien relancée avec les promotions régulières de l'ECFA, la gestion de la convention collective, qui semble parfois très lointaine aux distributeurs mais qui est extrêmement importante.
Nous avons aussi œuvré à renforcer nos liens avec la CGF, qui est aujourd'hui en ordre de marche grâce notamment à sa déléguée générale, Isabelle Bernet-Denin, avec laquelle je me suis parfaitement entendu au cours de ces six dernières années. Si la Feda jouait un rôle mineur au sein de la CGF à mon arrivée, elle en est aujourd'hui l'une des fédérations qui compte. C'est important car la confédération des grossistes, qui fait partie du Medef, nous permet de porter plus haut la voix de la Feda. Il faut aussi saluer le service juridique, social et fiscal de la Feda, assuré par Sabrina Lequeux. Elle apporte un accompagnement de grande qualité aux adhérents qui peuvent la joindre très régulièrement.
Je dois aussi souligner toutes les actions entreprises par les groupes de travail Diesel et Nouvelles Technologies, VI, Moteur et Peinture qui sont pour nous extrêmement importants. On ne le dit pas assez, mais ils nous permettent de faire remonter tous ces sujets fondamentaux pour la profession et pour lesquels il faut se battre. J'ajouterais un cinquième pilier à nos actions : le CDA. Ce grand rendez-vous de notre filière fonctionne aujourd'hui parfaitement. Nous l'avons modernisé avec des interventions qui répondent aux besoins de nos adhérents, et délocalisé dans un lieu plus propice au networking. Aujourd'hui, je pars de la Feda avec, comme je l'ai écrit aux adhérents, un petit pincement au cœur. Mais je rends les clés d'une maison qui est debout et prête à relever les défis de demain.
J2R : Dans le message que vous avez adressé à vos adhérents, vous indiquiez que la Covid-19 avait marqué votre gouvernance. Comment cette crise a-t-elle affecté le marché de la rechange et les distributeurs de la Feda ?
M. S. : Il y a eu un avant et un après Covid. C'était une période inédite et un peu insensée. Avant, on me demandait parfois quelle était l'utilité d'une fédération. Cette question-là, je crois que je ne l'ai plus jamais entendue après le Covid. Nous avons été extrêmement présents auprès de nos adhérents qui étaient perdus pendant cette crise, sans repères. On s'est battus pour rendre la profession de distributeur automobile indispensable au fonctionnement du pays.
Nous l'avons fait en partenariat avec la CGF, ce qui a permis à nos entreprises de rester ouvertes et de continuer à faire fonctionner le pays alors qu'il était à l'arrêt. Nous nous sommes efforcés d'informer, heure par heure, au quotidien, sur les démarches que les uns et les autres avaient à faire. Et ça, je crois que ça a été unanimement apprécié. Y compris par des professionnels non adhérents de la Feda… La question de l'adhésion à notre fédération ne se pose plus aujourd'hui. C'est quelque chose dont je suis assez fier.
J2R : Quels défis avez-vous relevés, et quelles sont vos réalisations les plus marquantes ?
M. S. : Notre réalisation la plus marquante, c'est le combat mené par la Feda depuis près de 40 ans sur les pièces captives. C'est un des dossiers auxquels je me suis personnellement attelé et que nous avons gagné. Ou du moins partiellement gagné, parce que le combat continue tant que la libéralisation ne sera pas pleinement efficiente. Mais la profession attendait cette ouverture depuis 40 ans… C'est donc un sacré pied dans la porte.
Cette victoire, nous la devons d'ailleurs à notre approche : nous avons réussi à mettre en évidence des sujets de société pas simplement sous l'angle professionnel, mais aussi sous l'angle consommateur. Ce qui nous a permis de faire identifier la Feda comme un acteur majeur de la filière, à la fois auprès du grand public mais aussi des pouvoirs publics qui, par moments, ne voyaient l'automobile que par le prisme des constructeurs.
L'autre combat majeur que nous avons livré ces dernières années, c'est celui des ZFE. Nous avons mené d'importantes opérations sur ce sujet avec Pierre Chasseray de 40 millions d'automobilistes, en particulier notre recours juridique contre la ZFE de Rouen. Il faut d'ailleurs rappeler que le recul du gouvernement sur ce dispositif est dû en partie à notre travail. Nous avons fait un tour de France pendant lequel nous avons rencontré des élus, des automobilistes, des professionnels, etc. Nous étions les premiers à nous alarmer de la bombe sociale qui nous attendait avec ces ZFE. Et cet argument a depuis été repris par tout le monde…
Autre point qui me semble important : l'adaptation des métiers de l'après-vente aux évolutions de leur marché, notamment technologiques. C'est parfois long et difficile, mais ils s'adaptent. Je pense en particulier à la transition vers l'électrique. Là aussi, la position de la Feda, sous mon impulsion et celle d'Alain, a évolué. Il y a six ans, quand je suis arrivé, personne ne voulait entendre parler du véhicule électrique.
Et puis, juste avant la Covid, nous avons sorti notre livre blanc dédié à ces motorisations avec une vision prospective s'articulant autour de trois scénarios, dont un misant sur leur essor. Et nous avons été visionnaires puisque c'est ce qui est en train de se passer… C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons présenté au CDA du 5 décembre 2023 une rétrospective sur ce livre blanc, avec plusieurs tables rondes pour nous projeter dans l'avenir.
J2R : Pendant ces six ans, on a en effet vu la Feda mener de plus en plus d'actions de lobbying. Est-ce devenu indispensable pour votre fédération d'orienter ainsi votre action auprès des pouvoirs publics ?
M. S. : C'est fondamental. Il faut être présent dans les médias pour faire pression sur les pouvoirs publics et agiter un peu le landerneau. Aujourd'hui, si on est trop policé et pas assez bruyant, on n'est malheureusement pas écouté. Je reprends l'exemple des pièces captives. Nous avions écrit à ce sujet au Premier ministre de l'époque, Édouard Philippe. Il a repris quasiment mot pour mot nos propos à l'occasion de l'anniversaire de l'Autorité de la concurrence. Une étape avait alors été franchie : nous avions été entendus.
Ce lobbying est fondamental parce que c'est la raison d'être d'une fédération qui se doit de défendre ses adhérents. C'est pourquoi il est indispensable de connaître parfaitement les mécanismes institutionnels, et d'être en contact régulier avec l'administration. Je parle des fonctionnaires d'État, que ce soit à Bruxelles ou à Paris, parce que les élus passent, mais l'administration reste.
J2R : Quel message souhaitez-vous transmettre aux membres de la Feda à l'approche de votre départ ?
M. S. : Je veux d'abord les remercier pour leur confiance puisque, à mon arrivée, je ne venais pas du tout de ce monde-là. Malgré ça, ils m'ont fait confiance. Je remercie donc encore une fois les membres de la fédération et le conseil d'administration de m'avoir appuyé toutes ces années. Ils m'ont aidé à changer en profondeur la fédération. J'aimerais encourager leur attitude proactive pour s'adapter au changement et ne pas le refuser. Cette résistance au changement que j'ai parfois sentie quand je suis arrivé à la Feda, je ne la perçois plus du tout aujourd'hui. La filière compte dans ses rangs des entreprises modernes, et je ne parle pas simplement des grands groupements, mais aussi des indépendants. Si j'ai un dernier message à leur confier, c'est de continuer à s'adapter et à se battre.
J2R : Quels conseils donneriez-vous à votre successeur pour aborder les futurs défis du secteur ?
M. S. : Je l'inviterai à aller à la rencontre des entreprises, à s'imprégner fortement de la culture de la distribution automobile. C'est un secteur animé par de vrais entrepreneurs qui ont beaucoup de suite dans les idées ! Je lui dirai aussi d'être extrêmement attentif à toute l'actualité, aux sujets de société, pour prendre la défense des entreprises mais aussi des consommateurs. Il faut toujours avoir en tête que la défense du consommateur sera toujours plus audible que celle du business seul.
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J2R : Que peut-on vous souhaiter pour votre prochaine aventure ?
M. S. : Je souhaite que cette nouvelle étape soit tout aussi passionnante et enrichissante que les six années écoulées à la Feda. Même si je m'éloigne du secteur automobile pour rejoindre la fédération Syntec, qui regroupe des entreprises du numérique et du conseil, mon ambition est de connaître des réussites encore plus importantes que celles obtenues avec la Feda, tout en poursuivant mon engagement constant dans la défense de mes futurs adhérents.