Distributeur de peinture, un métier à réinventer
À l'heure de la crise inflationniste et des évolutions de l'automobile, les différents maillons de la chaîne de valeur de la réparation-collision font aujourd'hui face à des problématiques de plus en plus aigües et de multiples contraintes. C'est dans ce contexte particulier que la Feda a réuni un panel d'assureurs (Covea, Allianz et Prefikar), de fabricants de peinture (AkzoNobel, Axalta, Lechler et PPG) et de distributeurs (Antonin, EPS Peinture, CPS Neovista, Autodistribution et Alliance Automotive) lors de son dernier CDA consacré à la peinture, le 11 avril 2023.
En préambule de l'évènement, la Feda a tenu à faire le point sur l'augmentation des tarifs des produits peinture, qui a suscité quelques crispations sur le terrain ces derniers mois. L'association s'est appuyée à cette fin sur les derniers chiffres de l'association SRA. Celle-ci a mesuré des hausses historiques des coûts de réparation (+7,9 % depuis 2021 et +24 % depuis 2018). Ces hausses sont évidemment dues aux nouvelles technologies (aciers spéciaux…), à l'augmentation des coûts de la main d'œuvre et des pièces mais aussi à l'envolée des prix de la peinture (+7,4 % depuis 2021 et +20 % depuis 2018).
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Et si le recalibrage des Adas n'est pas encore très important, leur taux a néanmoins doublé en un an et devrait continuer à augmenter. Et à la fin, ce sont les assureurs qui règlent une grande partie de la note.
Labelliser les services
Si ces hausses sont parfois mal vécues sur le terrain par les carrossiers, les fabricants de peinture les jugent pourtant indispensables. Outre la flambée des matières premières, ils doivent composer avec les exigences de l'Union européenne visant à supprimer les composants nocifs de leurs produits. Parallèlement, les industriels doivent aussi répondre aux besoins des carrossiers en matière de réparation rapide et d'économie d'énergie notamment. "L'économie est dans le produit et pas que dans le prix", insiste Yves Valor, indirect business manager France d'Axalta.
Les nouvelles gammes des fabricants deviennent de plus en plus techniques et nécessitent formations et supports des carrossiers – services précisément assurés par les distributeurs. Ces efforts sont aussi accompagnés d'un appui financier des distributeurs. Ceux-ci fournissent une aide très importante à l'investissement des carrossiers, pour machine, en plus du soutien des fabricants. "Nous faisons face à des charges importantes, rappelle Eric Mallen, patron d'EPS. L'installation d'une machine peinture nécessite entre 12 à 15 000 euros."
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Ce soutien financier se double d'un accompagnement technique indispensable dans un marché toujours plus technique. "L'accompagnement de notre distributeur Antonin est déterminant. Nous lui envoyons nos nouveaux peintres en formation de deux jours, avant même leur arrivée dans l'atelier", confirme Céline Sicre, co-directrice opérationnelle et responsable RH Fix Auto.
Mais avec l'inflation et la concurrence implacable des pure players (dont les prix sont parfois inférieurs jusqu'à 50 ou 60 %), les distributeurs peinent de plus en plus à pérenniser leurs activités. Les spécialistes sont donc plus que jamais condamnés à valoriser leurs services pour ne pas disparaître. Une volonté qui passe notamment par la labellisation Color+Distribution, mise en place par la Feda.
Digitalisation et RSE
De l'autre côté, les apporteurs d'affaires sont tributaires des exigences de leurs clients – prompts à changer d'assurance en cas d'insatisfaction – dans un contexte de grande concurrence. Ils poussent notamment les réparateurs vers la digitalisation, pour simplifier la gestion des dossiers des sinistres. "Le digital est indispensable pour gérer les pics de sinistralité. L'an dernier, avec la grêle, nous avons géré jusqu'à 30 000 sinistres en deux mois" souligne Sylvain Lagasse, responsable pôle support aux opérationnels filière automobile Allianz France.
Dans le cadre de leur stratégie RSE (responsabilité sociale et environnementale), ils les encouragent aussi à recourir à la PRE (pièce de réemploi). Outre ses vertus environnementales, celles-ci favorisent aussi des économie sur les réparations.
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Il faut rappeler que les assureurs incitent de plus en plus les réparateurs de leurs réseaux à réparer plutôt qu'à remplacer. Certains poussent la chasse aux économies jusqu'à passer des accords commerciaux avec les fabricants de peinture, voire avec des sites de vente en ligne de produits de peinture. A l'instar de Prefikar (plateforme de gestion de sinistres d'Axa) qui a noué un partenariat avec Caross. Ce qui fait évidemment grincer les dents des distributeurs... Dans ce contexte, Thomas Kretzschmar, président de Prefikar, se dit ouvert à de nouveaux "partenariats à trois" associant la distribution. Si cette idée était suivie d'effet, elle ouvrirait une nouvelle approche dans le paysage de la carrosserie.
Découvrez le compte-rendu exhaustif de ces échanges dans le J2R n°133 (mai).
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