Jean-Philippe Moyet, Distri Cash : "Global Auto Pièces, un concept de proximité"
Le Journal de la Rechange et la Réparation : Comment avez-vous vécu cet exercice 2023 ? Comment pensez-vous terminer l'année ?
Jean-Philippe Moyet : Pour ce qui concerne notre activité pneumatiques, nous réalisons une année correcte avec une progression de 7 à 8 %. C'est un bilan positif sur un marché peu porteur, voire négatif. Avec la pièce, en revanche, nous enregistrons de meilleurs résultats avec une progression de 20 %. Ce qui devrait nous permettre, finalement, de terminer l'année avec une augmentation globale de notre chiffre d'affaires de 10 %. Nous devrions atteindre environ 540 millions d'euros, contre 485 millions l'an dernier.
J2R : L'inflation a-t-elle eu des conséquences sur votre activité pneumatiques ?
J.-P. Moyet : L'inflation a effectivement eu quelques répercussions sur nos ventes. Nous avons enregistré un glissement du segment premium vers le quality et le budget. Les marques haut de gamme ont été impactées par les hausses de prix, même si ce phénomène s'est un peu estompé au cours du deuxième semestre 2023. Nous avons aussi observé un retardement de certaines commandes : des consommateurs ont probablement dû prioriser d'autres achats et décaler au maximum le renouvellement de leurs pneumatiques.
Au-delà de ce constat, l'inflation n'a pas eu de conséquences majeures sur notre activité, juste sur la répartition de nos volumes. Nos ventes restent positives et nous enregistrons un bilan très correct, même si nous n'avons pas atteint nos objectifs. Mais l'année n'est pas encore terminée et nous espérons bien profiter d'une météo plus favorable dans les prochaines semaines.
J2R : Le groupe Distri Cash s'est illustré ces dernières années par une progression très rapide, en particulier dans la distribution de pièces de rechange. Quel est le secret de cette réussite ?
J.-P. Moyet : Notre force tient, en premier lieu, à notre service, qui s'appuie sur le stock, la disponibilité et la rapidité. Nous sommes aujourd'hui capables de livrer sur 95 % du territoire national jusqu'à deux fois par jour, en H+4. C'est un véritable atout pour le pneumatique, mais surtout pour la pièce détachée. Sur le critère de la disponibilité, nous avons mené ces dernières années un important travail sur nos stocks. Nous nous sommes efforcés de renforcer la qualité de nos produits, la profondeur de nos gammes. Nous allons de plus en plus loin et faisons évoluer nos stocks en permanence pour répondre aux besoins du marché.
C'est un vrai parti pris dans ce secteur où de grands acteurs sont aujourd'hui détenus par des fonds d'investissement, dont la logique financière ne favorise pas toujours le renfort des stocks. De notre côté, nous essayons au contraire de développer fortement nos gammes, en essayant de le faire le plus intelligemment possible. Ce service est couplé à notre proximité ainsi qu'à une force de vente très étoffée, puisque nous comptons aujourd'hui 55 commerciaux sur le territoire. Cette équipe nous permet d'assurer des visites régulières chez nos clients, ce qui a évidemment un impact sur notre activité.
J2R : Cet exercice 2023 a été marqué par l'incendie de votre dépôt de Rouen. Comment avez-vous surmonté cette épreuve ?
J.-P. Moyet : C'est une situation et un événement que je ne souhaite à personne, même pas à mon pire ennemi. Ce type d'épreuve est franchement très difficile à vivre. D'autant plus quand vous n'êtes même pas responsable de cet incident et subissez ce qui se passe chez vos voisins. C'est très complexe et très long, puisque nous sommes toujours en train de travailler sur cette affaire avec les assurances. C'est un dossier qui devrait prendre un an et demi, voire deux ans pour se régler. En attendant, nous avons décidé d'être réactifs en ouvrant un petit dépôt de dépannage temporaire avec un stockage nettement inférieur à ce qu'on avait auparavant.
Nous avons toutefois voulu nous doter d'un large stock de pièces de rechange pour lancer cette activité au plus vite dans la région rouennaise. Le site dispose aussi de plusieurs gammes de pneumatiques. Finalement, nous avons envoyé un signal positif à nos clients en leur indiquant que nous étions déjà de retour. Ce qui nous a permis de reprendre pied. Les autres sites du groupe nous aident aussi en faisant le complément quand c'est nécessaire.
Et ce n'est qu'une première étape puisque nous avons pour objectif de rouvrir, pour fin 2004, ou début 2025, un nouveau site qui sera plus grand que celui qui a brûlé.
L'ancien entrepôt avait une superficie de 6 000 m². Nous visons désormais une plateforme de 15 000 m² pour faire de Rouen le plus gros site du groupe, puisqu'il est voué à assurer une majeure partie des livraisons pneumatiques dans la région parisienne. Nous avons plusieurs pistes, qui ne sont pas validées pour le moment.
J2R : Fin 2022, DCA a fait l'actualité en quittant le réseau GPI pour rejoindre Alternative Autoparts. Un an plus tard, quel bilan tirez-vous de cette opération ?
J.-P. Moyet : Un bilan très positif. De mon côté, du moins, et du leur aussi, je pense. Il faut rappeler que ce rapprochement est avant tout celui de deux groupes indépendants. Et nous ne sommes plus très nombreux de cette taille-là à rester indépendants, avec les mêmes idées, les mêmes objectifs et les mêmes mentalités. C'est ce qui a fait la réussite immédiate de ce partenariat. De plus, ce rapprochement nous a permis de développer l'activité de pneumatiques chez Alternative Autoparts.
C'est une offre qui progresse de plus en plus. Nous leur avons apporté un savoir-faire, des conditions, etc. Du côté d'Alternative Autoparts, cette alliance a permis de développer leur chiffre d'affaires global afin d'avoir un impact sur les achats. Ce qui nous a permis d'améliorer nos conditions et d'accéder à des fournisseurs avec lesquels nous ne travaillions pas précédemment.
J2R : Alternative Autoparts fait partie de Nexus Automotive France. Participez-vous à la vie du groupement ?
J.-P. Moyet : Jusqu'ici, je pense que c'était trop tôt. Il nous a déjà fallu un an ou deux pour apprendre à nous connaître avec Alternative Autoparts, et mettre en place les réglages pour uniformiser notre communication. D'ici à la fin de l'année prochaine, nous devrions commencer à intervenir un peu chez Nexus Automotive France et participer au développement du groupement.
J2R : Outre votre projet de réouverture à Rouen, vous travaillez aussi sur une implantation à Toulouse…
J.-P. Moyet : Nous projetons effectivement la création d'une plateforme DCA à Toulouse pour la fin d'année prochaine. Nous prévoyons l'ouverture entre décembre 2024 et janvier 2025. Ce nouveau dépôt tout neuf disposera notamment d'un mix pneus, à l'instar de nos autres sites DCA. Parmi nos autres projets de développement, nous envisageons d'agrandir et de moderniser plusieurs entrepôts. Nous allons agrandir Logic System à Vitrolles (13), avec une augmentation de sa capacité de stockage de 30 % à 40 %. Nous allons également augmenter la capacité de notre dépôt Distri Cash d'Anglet (64), de 30 à 40 %.
Enfin, et c'est un projet important pour le groupe, nous allons déménager notre plateforme DCA de Gennevilliers (92).
Nous allons nous installer juste à côté, à Villeneuve-la-Garenne, à trois minutes en voiture de l'ancien site. Grâce à cette nouvelle plateforme, l'objectif sera de relever notre capacité de stockage de 60 à 70 % tout en bénéficiant d'infrastructures plus modernes. Avec ce déménagement, nous espérons atteindre nos objectifs de chiffre d'affaires avec la plateforme francilienne qui restera la plus importante en termes de pièces détachées.
J2R : Il ne vous restera plus que l'Est à couvrir, si je ne me trompe…
J.-P. Moyet : Effectivement. Mais nous allons attendre de finaliser ces projets d'agrandissement et ces déménagements avant de nous pencher sur le sujet d'une implantation d'un site DCA dans l'Est de la France. Ça ne sera pas avant 2025.
J2R : Ne vous sentez-vous pas à l'étroit en France ?
J.-P. Moyet : Pour le moment, l'objectif reste de parfaire notre implantation en France. Il y a encore tellement de choses à faire sur le territoire national que l'objectif était de ne surtout pas nous disperser. Mais clairement, une fois que nous aurons avancé sur tous les projets évoqués précédemment, il est possible que nous envisagions des implantations sur des marchés européens limitrophes.
J2R : Souhaitez-vous ouvrir votre catalogue à de nouvelles gammes ? La carrosserie, la peinture…
J.-P. Moyet : Non, ce n'est pas à l'ordre du jour. Il n'y a pas de velléité de notre part dans la carrosserie. Nous préférons nous concentrer sur les produits que nous maîtrisons. Évidemment, il y a le pneumatique que nous développons assez fortement avec plusieurs familles de produits. C'est le cas du pneu poids lourd depuis trois ou quatre ans, et le deux-roues que nous travaillons. Nous nous concentrons aussi sur la pièce détachée, sur toute sa largeur de gamme. Il y a également le matériel et l'outillage d'atelier que nous développons aussi. Mais nous n'irons pas plus loin.
J2R : Un mot sur votre franchise Global Auto Pièces ?
J.-P. Moyet : Avec Global Auto Pièces, nous développons un concept de proximité. Nous croyons énormément aux grossistes de proximité apportant, en local, un service client plus rapide et plus réactif. C'est ce qui nous a conduits à définir Global Auto Pièces comme un concept "léger", avec des surfaces et des stocks réduits, adossés à des centres DCA pour leur livraison. Pour le stock, nous nous sommes donc concentrés sur la pièce et le pneu. Ce n'est évidemment pas un concept que nous avons inventé, mais nous essayons de le travailler différemment, avec notre indépendance et nos valeurs d'entreprise familiale.
Notre ambition est avant tout de nous concentrer sur la qualité du réseau.
La franchise Global Auto Pièces a été lancée cette année, et nous espérons fédérer sept magasins d'ici à décembre. Nous ne nous sommes pas fixés d'objectif de maillage. Notre ambition est de nous concentrer sur la qualité du réseau. C'est la raison pour laquelle ce concept s'adresse en priorité à des professionnels de l'automobile, ça nous semble important. Si nous arrivons à ouvrir 20 magasins par an, ce sera tant mieux. Mais si nous n'en ouvrons que cinq ou sept, ce n'est pas très grave, nous mettrons juste plus de temps à développer le réseau.
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J2R : Quel est l'investissement moyen pour créer un magasin Global Auto Pièces ?
J.-P. Moyet : Il faut compter un montant d'environ 150 000 euros. C'est évidemment un investissement moyen qui peut varier en fonction de la taille du bâtiment, du stock de départ, etc.
J2R : Le concept Global Auto Pièces sera-t-il associé à une enseigne de réparation ?
J.-P. Moyet : Nous sommes conscients qu'une enseigne de réparateurs est effectivement importante pour un groupement de grossistes. Pour le moment, nous ne sommes pas suffisamment nombreux pour concrétiser ce projet. Mais c'est une réflexion que nous gardons à l'esprit. Dès que nous aurons atteint un maillage suffisant, nous envisagerons le développement de cette enseigne.