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Le freinage affronte l'inflation et prépare l'avenir

Publié le 26 avril 2023
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Par Nicolas Girault
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7 min de lecture
Après la reprise du marchĂ© en 2022, les spĂ©cialistes du freinage font face Ă  un contexte Ă©conomique incertain marquĂ© par l'inflation. Dans le mĂªme temps, ils doivent continuer Ă  anticiper les Ă©volutions induites par l'Ă©lectrification et la future norme Euro 7.
ATE freinage
ATE exploite sa position de fournisseur de première monte pour se positionner parmi les marques premium. ©ATE

En dépit d'un contexte atypique, le marché du freinage a une nouvelle fois fait preuve de stabilité l'an dernier, et s'est plutôt bien comporté selon les fournisseurs que nous avons interrogés. "En 2022, nous avons ressenti un marché plutôt stable. Mais il a été nettement impacté par l'inflation", résume Yvon Granier, directeur général de MGA. Cependant, aucun chiffre global n'est encore disponible, le Gipa n'ayant pas publié son baromètre annuel, habituellement diffusé au début de l'été.

Le dernier en date indiquait qu'en 2021, son volume s'élevait à 6,8 millions de jeux de plaquettes et 2,9 millions de disques. Globalement stable d'un exercice à l'autre, ce marché reste très dépendant du kilométrage parcouru. "Les intervalles de remplacement sont uniquement conditionnés par l'usure et ne tiennent pas compte d'une échéance particulière, comme pour le liquide de frein, qu'il faut régulièrement vidanger", précise Thibault Danieli, responsable produits de freinage du groupe Bosch.

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C'est ainsi que le marchĂ© du freinage avait Ă©tĂ© fortement touchĂ© par la baisse du kilomĂ©trage parcouru lors de la crise Covid-19. La distribution globale de plaquettes avait chutĂ© de 4 points entre 2019 et 2020. “Leur taux d'opĂ©ration Ă©tait passĂ© de 18 % Ă  14 %. En 2021, il est revenu Ă  15 %. Les disques ont connu le mĂªme phĂ©nomène : leur taux d'opĂ©ration est passĂ© de 6,1 % Ă  6,8 % entre 2020 et 2021« , se souvient Thibault Danieli. Depuis la fin de la crise sanitaire, les Français ont repris la route, malgrĂ© la hausse des prix du carburant.

Le secteur observe cependant une érosion progressive de ses volumes en raison de l''évolution globale du kilométrage moyen parcouru, qui tend à diminuer depuis les années 2000. Mais si les ventes unitaires se réduisent, le marché progresse en valeur… "Le volume des plaquettes (60 % du marché) est décroissant. Cependant, leur prix moyen augmente. Parallèlement, les disques restent à un niveau étal. Ce marché est désormais mature", affirme Georges-Henry Descos, responsable marketing de DRiV (Ferodo, Champion, etc.).

Hausse des coûts de 20 % pour le freinage

Cette hausse en valeur du marché s'est accélérée ces derniers mois avec l'inflation, comme mentionné plus haut. La plupart des équipementiers ont procédé en 2021 et 2022 à plusieurs revalorisations de leurs tarifs. Du fait, tout d'abord, des coûts de transport toujours élevés. Il faut rappeler qu'environ 7 disques sur 10 sont fabriqués en Asie. Or, si les prix des containers de fret maritime sont actuellement à la baisse, ils sont restés à des niveaux élevés l'an dernier.
Ă€ ce facteur s'ajoute la hausse du coĂ»t des matières premières et de l'Ă©nergie… "Rien que sur la seconde moitiĂ© de 2022, nos coĂ»ts sur les pièces de freinage ont subi une hausse de près de 20 %, souligne Daniel Rochefort, directeur France et Benelux de Delphi Technologies. NĂ©anmoins, afin de limiter la surenchère des prix observĂ©e dans le secteur et maintenir la qualitĂ© de nos relations commerciales, nous avons limitĂ© la rĂ©percussion de ces hausses sur les prix publics." Un choix partagĂ© par de nombreuses autres marques. Certaines ont cependant Ă©tĂ© gĂªnĂ©es par la pĂ©nurie ponctuelle de matières premières, qui a affectĂ© leur taux de service et leur capacitĂ© Ă  rĂ©pondre aux besoins du marchĂ©.
"Delphi Technologies a Ă©tĂ© l'un des rares Ă©quipementiers Ă  maintenir un taux de service moyen supĂ©rieur Ă  90 % en 2022 afin de garantir la satisfaction de nos clients", se fĂ©licite Daniel Rochefort. Le dirigeant prĂ©cise que cette performance est avant tout due Ă  la maĂ®trise de la chaĂ®ne de production et d'approvisionnement. "GrĂ¢ce Ă  la soliditĂ© de nos partenariats avec les plateformes nationales et rĂ©gionales de nos clients, et Ă  notre maillage dĂ©pĂ´ts en France (8 dĂ©pĂ´ts logistiques), nous avons pu maintenir des livraisons en H+4", ajoute-t-il. Un atout certain pour gagner des parts de marchĂ© auprès des rĂ©parateurs.

Baisse de l'inflation en vue ?

Dans cet environnement inflationniste, d'autres tentent de s'adapter Ă  la situation et Ă  en tirer parti. C'est le cas de MGA. "Nous avons profitĂ© du contexte pour repositionner nos tarifs, afin d'Ăªtre plus percutants", explique Yvon Granier. Il positionne son offre parmi les marques alternatives aux leaders haut de gamme. "Mais pas low cost !", insiste-t-il. La marque cible notamment la seconde voiture des foyers. "Les automobilistes choisissent plutĂ´t des marques de plaquettes Ă  40 euros pour leur vĂ©hicule principal, et des modèles Ă  32 euros pour le second", observe Yvon Granier.

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De fait, la hausse gĂ©nĂ©rale des tarifs pèse naturellement sur les choix des automobilistes et leur pouvoir d'achat. Cette pression risque de se traduire par des dĂ©cisions davantage axĂ©es sur le prix, ce qui incite les marques premium Ă  affĂ»ter leurs arguments. Or, pour ces dernières, le prix ne fait pas tout. "La qualitĂ© doit Ă©galement Ăªtre prise en compte, sinon une dĂ©faillance ou une usure prĂ©coce pourrait annuler le bĂ©nĂ©fice", prĂ©vient Thomas Gorkow, responsable produit et marketing d'Hella Pagid. Optimiste, il prĂ©voit d'ailleurs une baisse de l'inflation au second semestre 2023.

Nous avons profitĂ© du contexte pour Ăªtre plus percutantsajoute Yvon Granier, directeur gĂ©nĂ©ral de MGA.

Prime Ă  l'innovation pour les freins

Au-delĂ  de l'inflation, l'un des principaux dĂ©fis qui attend les Ă©quipementiers est celui des Ă©volutions technologiques automobiles. Celles-ci sont marquĂ©es Ă  la fois par le poids croissant des vĂ©hicules Ă©lectriques (VE) dans le parc roulant, et par les discussions autour de la future norme Euro 7. Du cĂ´tĂ© de l'Ă©lectrification, les fournisseurs des constructeurs automobiles ont Ă©videmment pris de l'avance. "Lorsqu'on est prĂ©sent en première monte, cela reprĂ©sente beaucoup de travail pour respecter le cahier des charges des constructeurs. Mais l'avantage, c'est que nous pouvons proposer les mĂªmes produits en rechange", tĂ©moigne Georges-Henry Descos.

Freinage Hella

Avec l'ajout de plus de 230 nouvelles références à son catalogue en 2022, Hella Pagid couvre 6 611 applications supplémentaires. ©Hella

Cette position représente un réel atout pour ces équipementiers qui peuvent valoriser leur stratégie d'innovation et capitaliser sur leur stratégie first to market. Chez DRiV, on n'hésite pas à rappeler que Ferodo a été la première marque à formuler un liquide de frein spécifique pour VE et hybrides. "Sa viscosité est étudiée pour fonctionner à froid, afin de répondre à des sollicitations différentes à chaud du thermique, et avec moins de conductivité aussi."

Mais s'ils sont de plus en plus nombreux sur la route, les modèles électrifiés n'arriveront pas chez les MRA avant quelques années. "Le volume actuel de réparation de véhicules électriques dans des ateliers indépendants est encore minime, car ils bénéficient souvent d'une période de garantie prolongée pour l'entretien et la réparation effectués dans les ateliers de la marque", indique Sylvain Rousseau, directeur commercial rechange d'ATE. Les véhicules ayant dépassé cette durée de garantie restent rares. Ils sont donc pour l'instant encore majoritairement captifs des réseaux agréés.

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Ce qui n'empĂªche pas les acteurs de l'IAM de prĂ©parer leur offensive. "Nous suivons de près l'Ă©volution du paysage des pièces dĂ©tachĂ©es pour les vĂ©hicules Ă©lectriques. Cela nous permettra de dĂ©cider rapidement lesquels de nos produits nous devrions introduire sur le marchĂ© de la rechange indĂ©pendante", confirme Sylvain Rousseau. Il prĂ©cise qu'une partie des 1 500 rĂ©fĂ©rences de disques et plaquettes du catalogue d'ATE devrait aussi convenir aux VE.

Une usure réduite, mais une plus grande sensibilité à la corrosion

L'enjeu autour des voitures électrifiées est d'autant plus important qu'on néglige parfois leurs besoins en maintenance. En effet, si certaines prestations liées à l'entretien de la chaîne de traction de ces véhicules vont inévitablement se réduire, en particulier dans le domaine du freinage, d'autres devraient croître, voire émerger. Et offrir ainsi de possibles opportunités dans les ateliers.

"Le système de freinage par rĂ©cupĂ©ration dans les VE reporte de nombreux coups de frein sur le moteur Ă©lectrique lui-mĂªme, explique-t-on chez Brembo. Le freinage hydraulique est donc moins utilisĂ©. Cela rĂ©duit l'usure de leurs composants. Mais leur manque d'action les rend Ă©galement vulnĂ©rables Ă  une corrosion dangereuse, qui peut compromettre non seulement la durabilitĂ© d'un système de freinage , mais aussi ses performances et sa sĂ©curitĂ©."

Moins sollicitĂ©e, l'Ă©paisseur des disques spĂ©cifiques aux VE est souvent rĂ©duite pour gagner du poids. NĂ©anmoins, les freins des VE doivent Ăªtre extrĂªmement puissants et particulièrement rĂ©sistants Ă  la corrosion. "C'est un conflit d'objectifs qui ne peut Ăªtre rĂ©solu qu'avec des composants de très haute qualitĂ©", rĂ©sume Thomas  Gorkow.

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Freinage TMD Friction

La gamme de disques de TMD Friction répond à la norme de qualité ECE R90. ©TMD

Autre caractéristique émergente avec l'électrification du parc : le frein à tambour devient de plus en plus populaire sur les essieux arrière des véhicules en raison de ses propriétés. "Encapsulé", il est en effet moins sensible à la corrosion. "»Nous avons déjà reçu des commandes de fabricants renommés pour l'équipement d'origine, y compris la famille VW ID", annonce Sylvain Rousseau. La généralisation de ce type de système entraîne des répercussions sur l'entretien. En effet, le frein à tambour se remplace moins souvent (environ tous les 100 000 km) que son homologue à disque (tous les 40 000 à 80 000 km).

En consĂ©quence, Thomas Gorkow estime que la frĂ©quence de remplacement des pièces de freinage , actuellement comprise entre 3 et 4 ans, pourrait Ăªtre Ă©tendue Ă  6 ou 8 ans. "La principale raison pour un remplacement ne serait alors plus nĂ©cessairement l'usure, mais le vieillissement du disque (rouille dans les aubes de refroidissement) ou des fissures dans le revĂªtement dur qui peuvent entraĂ®ner des taches de rouille dans le disque." Pour Ă©viter ces dĂ©faillances, plusieurs marques haut de gamme protègent d'ailleurs leurs disques d'une couche de revĂªtement.

Cependant, l'extension des Ă©chĂ©ances de remplacement ne reprĂ©sentera pas nĂ©cessairement un manque Ă  gagner pour les rĂ©parateurs. Le prix plus Ă©levĂ© de ces pièces spĂ©cifiques devrait compenser leur longĂ©vitĂ©. "Le  chiffre d'affaires total de l'industrie des freins pourrait ne pas Ăªtre affectĂ©", pense Thomas Gorkow.

Un nouvel avenir pour le freinage avec Euro 7

Mais cette perspective reste lointaine, et l'activité des réparateurs devrait se concentrer sur le parc thermique pendant encore une dizaine d'années. "Le  parc de véhicules thermiques va continuer à progresser jusqu'à atteindre un pic en 2030. Il baissera ensuite sensiblement en faveur des VE, mais restera encore largement majoritaire en 2040", rappelle Daniel Rochefort.

Les fabricants et distributeurs ont donc un peu de temps devant eux pour s'adapter à cette mutation. Cette évolution pourrait d'ailleurs se doubler de nouvelles avancées technologiques pour les systèmes de freinage avec l'adoption de la norme Euro 7, actuellement en discussion au sein des institutions de l'Union européenne. La première ébauche du texte imposerait aux constructeurs de réduire les émissions de particules de freins et de pneumatiques à 7 mg par kilomètre.

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Pour rĂ©pondre Ă  cette norme, plusieurs Ă©quipementiers ont mis au point un dispositif de filtration des particules liĂ©es Ă  l'Ă©rosion des plaquettes et disques de frein. D'autres industriels privilĂ©gient la voie de nouveaux matĂ©riaux de friction pour les plaquettes. De quoi offrir, peut-Ăªtre, de nouvelles opportunitĂ©s dans les ateliers…

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