Les réparateurs en route vers le réemploi
Ne dites plus "pièce d’occasion" mais "pièce issue de l’économie circulaire". Patrick Poincelet, président de la branche des recycleurs, y tient : alors que de nombreux termes coexistent aujourd’hui pour désigner les pièces de seconde vie, celui qui doit s’imposer est bien celui-ci. Car les Piec recoupent aujourd’hui une offre assez variée (pièces de réemploi, remanufacturées, reconditionnées, etc.) qui ne cesse de se structurer.
"Le dernier bilan de SRA publié en octobre 2023 montre que, dans la réparation-collision, 15,5 % des rapports d’expertise contiennent au moins une Piec, contre 11 % en 2022 et 2021, et 9 % en 2020", souligne Patrick Poincelet.
Et c’est justement pour accompagner cette dynamique que Mobilians lance aujourd’hui son baromètre consacré à cette filière en plein essor. Chaque année, l’organisation professionnelle prendra le pouls de ce marché à travers une étude réalisée avec le partenariat du Gipa.
Une pièce "verte" mieux perçue par la profession
Pour la première édition de cet observatoire, réalisée auprès de 500 réparateurs (toutes catégories confondues), Mobilians s’est penché tout d’abord sur la perception de la Piec dans les ateliers. Premier point encourageant, 71 % des professionnels interrogés affirment connaître la réglementation relative aux pièces de seconde vie. Mieux : 55 % d’entre eux se disent aujourd’hui favorables à leur utilisation.
"La pièce d’occasion avait autrefois une mauvaise connotation. Ce sentiment ne semble plus aujourd’hui majoritaire chez les réparateurs", se réjouit Régis le Goavec, président des agents de marque et indépendants de Mobilians.
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Plusieurs points peuvent expliquer ce regain d’intérêt : pour 80 % des interrogés, la Piec est une bonne solution en cas d’indisponibilité d’une pièce neuve. Signe de l'évolution du marché, 63 % des ateliers indiquent qu’elle permet de répondre aux enjeux climatiques.
54 % des garages concernés par la réglementation Piec
Pour autant, le chemin à parcourir reste encore long pour que la pièce de seconde vie s’impose définitivement dans les garages. Le baromètre révèle ainsi que 35 % des réparateurs ne savent pas ce qu’est une Piec. Plus alarmant, 45 % des sondés se disent réticents à son utilisation… L’étude du Gipa nous apprend également que seuls 54 % des ateliers se déclarent concernés par la réglementation liée à l’usage de ces pièces alternatives. Et parmi ces derniers, 43 % des garages ne les proposent que si le client le demande.
Pour justifier cet emploi encore très erratique des Piec dans les ateliers, Patrick Poincelet rappelle que la réglementation est non coercitive aujourd’hui. Le texte tient uniquement en une simple proposition du professionnel à son client, sans qu’il y ait obligation pour l’un ou l’autre de donner une suite à cette requête.
"L’arrêté définissant la gestion de la filière VHU intègrera les deux et trois roues ainsi que les quadricycles à moteur. Sa modification pourrait intégrer de possibles pénalités en cas de non-respect de la réglementation", prévient le président des recycleurs de Mobilians.
Des préjugés persistants sur la qualité des Piec
Parmi les autres freins à la pose de pièces de seconde vie, le baromètre de Mobilians met également en exergue plusieurs préjugés qui perdurent dans les garages. 70 % des sondés évoquent le manque de fiabilité, 50 % la crainte d’avoir des problèmes avec ces pièces, et 33 % l’absence de garantie. "Ce qui faux, insiste Julien Dubois, président du métier remanufacturing de Mobilians. La Piec présente les mêmes garanties que les pièces neuves." Patrick Poincelet complète en précisant que de nombreux centres agréés VHU bénéficient de la certification Qualicert, qui encadre notamment le démontage, stockage et la traçabilité des pièces.
Plus étonnant, 38 % des réparateurs indiquent que leur réseau leur impose de poser des pièces neuves… Un chiffre que tient à tempérer Odette Dantas, directrice adjointe de Gipa France. "Il ne s’agit pas à proprement dit d’une obligation du réseau. Il faut garder à l’esprit que de nombreux réparateurs sont rémunérés, dans la majeure partie des enseignes de groupements, sur le volume d’achats réalisés sur les pièces neuves. Ce qui ne les incite pas à favoriser la pièce issue de l’économie circulaire."
Notons toutefois que la rentabilité des Piec ne semble plus représenter un problème pour les professionnels interrogés : seuls 11 % d’entre eux estiment ne pas gagner assez d’argent avec ces pièces alternatives.
Aller au-delà de la pièce de carrosserie
Face aux interrogations et doutes exprimés par les garages, Mobilians entend poursuivre son travail de pédagogie en engageant une mobilisation collective. Outre ce baromètre annuel, le syndicat prévoit d’organiser des réunions d'information et des campagnes de communication auprès des professionnels afin de les informer et de valoriser les bonnes pratiques en la matière.
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En parallèle, des actions seront menées avec les experts pour les inciter à privilégier les pièces issues de l’économie circulaire y compris pour les prestations de réparation mécanique. "Certains acteurs ont tendance à croire que seules les pièces présentes dans le décret de 2016 sont autorisées. Or toutes les autres pièces non visées par la réglementation sont commercialisables", conclut Patrick Poincelet.