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Distribution

Philippe Paillet (Autolia) : "L'esprit coopératif n'est pas entièrement démodé"

Publié le 29 juin 2023
Par Nicolas Girault
5 min de lecture
À l'issue d'une carrière bien remplie, Philippe Paillet fait valoir ses droits à la retraite. À cette occasion, le directeur de référencement du groupe Autolia revient sur son parcours, ainsi que sur près de quarante ans d'histoire de la distribution de pièces automobiles.
Autolia Philippe Paillet
Philippe Paillet, ancien directeur de référencement du groupe Autolia. ©Autolia

J2R : Tout d'abord, après toutes ces années de carrière dans le monde de la rechange auto, quittez-vous définitivement cet univers ?

Philippe Paillet : J'ai débuté ma carrière il y a quarante ans et il était temps que je laisse ma place à des jeunes. Ma passation organisée avec Denis Descosse s'est très bien passée. Je souhaite cependant rester encore quelques années dans la profession en tant que consultant afin d'apporter aux organisations intéressées par mon expérience dans le domaine des achats, notamment sur de nouvelles opportunités fournisseurs et produits, avec mon expertise sur le plan contractuel en adéquation avec la législation en vigueur.

 

J2R : Quels sont les événements qui vous ont le plus marqué durant votre carrière ?

P. P. : J'ai vécu la fin des coopératives de distributeurs, marquée par le rachat de Précisium par Alliance Automotive Group (AAG). J'étais attaché à cette philosophie de groupement coopératif au service de ses membres, à l'opposé des organisations financières. Il y avait un véritable esprit de famille qui se forgeait lors des congrès, générateurs de liens forts entre les adhérents et avec les fournisseurs. Certains sont d'ailleurs devenus des amis. Mais cet état d'esprit s'est éteint avec l'arrivée d'organisations financières détenant jusqu'à la moitié de leur business. De par le poids que cela représente, elles sont donc bien plus fermes et exigeantes envers les fournisseurs. Aujourd'hui, ces groupements, d'abord gérés par des fonds d'investissement, ont été rachetés par des industriels du métier. Ainsi, l'état d'esprit coopératif est progressivement passé de mode, mais pas entièrement… Comme le démontrent le parcours de l'Agra et la réussite d'Alternative Autoparts. D'ailleurs, je pense que Patrice Godefroy a su recréer un « Starexcel bis » en intégrant dans ses équipes les meilleurs éléments de l'époque.

Ensuite, après le départ de Précisium, j'ai œuvré au rebond d'Autolia sous la présidence d'André Brutinel. Cela a été la plus belle décennie de ma carrière. Mon seul regret étant de ne pas avoir pu éviter le départ d'Alternative Autoparts d'Autolia…

 

"Je veux rester encore un peu dans le milieu en tant que consultant"

 

J2R : Comment pourriez-vous résumer votre parcours ?

P. P. : J'ai toujours été au service de coopérateurs ou d'actionnaires avec cet état d'esprit coopératif. Dans ma carrière, j'aurai finalement travaillé pendant quarante ans dans trois rues parallèles (sourire), à Sainte-Geneviève-des-Bois (91) jusqu'à la pandémie en 2020. Le siège de la Copafa s'y trouvait à l'époque, puis celui de Starexcel a déménagé à côté. Et enfin, lorsque Autolia a été domicilié à Lyon, j'ai été accueilli dans un des points de vente de notre actionnaire Flauraud, situé également à deux pas de là.

Je suis tombé dans la distribution de pièces automobiles par hasard, après un premier emploi à la sortie de mon service militaire. J'ai débuté comme attaché commercial à la Copafa, coopérative de distributeurs créée en 1961, pour évoluer vers la direction des achats avec, comme temps fort, la mise en place et l'animation de commissions d'achats constituées d'adhérents, et la conception de catalogues et documents d'aide à la vente : matériel, carrosserie, y compris des flyers pour la vente au détail au grand public. Je n'y connaissais rien, mais je m'y suis mis… À cette époque, le métier était beaucoup plus facile qu'aujourd'hui…

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J2R : Vous poursuivez ensuite l'aventure chez Starexcel-Précisium, puis Autolia…

P. P. : Effectivement, en 1996, la fusion entre la Copafa et la Carda donne naissance à Starexcel. Cette union de 160 distributeurs a donné un groupe avec la capacité de négocier des conditions d'achat suffisantes pour faire face aux deux gros concurrents de l'époque. En 1999, le groupement coopératif se rapproche de Groupauto pour créer Star G. Mais finalement, la fusion-absorption prévue échoue, à la suite d'une opposition forte des adhérents.

Les deux années suivantes sont très compliquées pour Starexcel, qui a failli disparaître… Mais l'esprit de famille des distributeurs indépendants – avec Patrice Godefroy à la présidence du conseil de surveillance, et moi-même au directoire – permet de rebondir. C'est à cette époque, en 2002, qu'Alain Landec est recruté à la présidence. Puis nous fédérons les groupements de distributeurs indépendants de l'Agra, du Gefa/GAGF, Temot France et Starexel au sein du LGIR-Autolia Group en 2007, pour peser sur le marché. Nous créons ainsi le troisième groupement de la rechange indépendante en France, renforcé par l'arrivée de Flauraud en 2008. J'y suis alors détaché en tant que directeur des référencements, tout en restant salarié de Starexcel. À cette époque, nous adhérons également à Temot International.

Dans l'intervalle, Starexcel qui, pour réaliser ses projets de développement, a besoin de recapitaliser ses fonds propres, fait entrer dans son capital le fonds d'investissement Pechel Industries. Celui-ci le vend en 2013 à AAG. Précisium quitte alors Autolia Group, mettant fin à mes fonctions après trente années passées au service de ce groupement. Dans la foulée, André Brutinel, nouvellement élu président d'Autolia, me recrute au même poste. À cette époque, la situation est très compliquée, car la sortie de Précisium ampute le groupement de près de 65 % de son chiffre d'affaires. Mais en dix ans, avec André Brutinel et les trois associés restants d'Autolia, Agra, Flauraud, TF, rejoints par TVI en 2015, nous avons tous ensemble relevé le défi de redimensionner le groupement, tout en améliorant les conditions de rémunération pour les actionnaires.

 

"Le distributeur doit trouver des niches de produits techniques en assurant des services complets aux agents et MRA"

 

J2R : Quelles sont les principales évolutions de la rechange indépendante que vous avez vécues ?

P. P. : Dans les années 1980, les gammes étaient beaucoup plus petites. Elles répondaient principalement aux cinq types de véhicules les plus courants dans le parc de l'époque : 205, Supercinq, R21, Ford Escort et Golf I. Les distributeurs étaient également encore de vrais stockistes. Certains groupements, dont la Copafa, proposaient une facturation centralisée aux fournisseurs afin de leur apporter une garantie financière. Aujourd'hui, pour les distributeurs de taille modeste ou moyenne, il est extrêmement compliqué de stocker des gammes longues du fait d'une capacité limitée, tant sur le plan physique que financier.

Les groupements et les plateformes régionales se sont donc substitués aux distributeurs. Avec pour conséquence que certaines plateformes peuvent être tentées de vendre directement aux réparateurs, Internet ayant accéléré cette tendance. Tout est maintenant décloisonné à tous les niveaux.

Par exemple, au sein d'Autolia, on retrouve des réseaux de distributeurs, de recycleurs et le constructeur. Tandis que d'autres organisations amalgament aussi bien des réseaux de distributeurs, de plateformes régionales, de réparation rapide et d'acteurs ayant une activité sur le web. Mais nous faisons tous le même métier : du négoce de pièces de rechange pour l'auto. Internet a surtout bousculé la profession au niveau des marges. C'est maintenant un livre ouvert auquel tout le monde a accès, professionnels et particuliers. Certains produits peuvent même être vus à des prix plus bas que ceux auxquels le distributeur a accès sur sa plateforme de groupement.

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J2R : Comment voyez-vous l'avenir ?

P. P. : À côté de la croissance constante des ventes de véhicules électriques, le parc auto va continuer à vieillir et à avoir besoin de pièces de rechange. Le distributeur doit se tourner vers des pièces toujours plus techniques. Il doit pouvoir proposer un panel de gammes et de produits le plus complet possible afin d'assurer toujours plus de services à ses clients, notamment en termes de disponibilité et de conseil.

Il doit également s'intéresser à l'autre spécialité qui monte en puissance, la pièce de réemploi (PRE). C'est une démarche vertueuse qui répond à une demande à la fois économique et écologique du consommateur, avec maintenant l'appui des compagnies d'assurance.

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Bio express

Comptable de formation, Philippe Paillet est devenu une personnalité incontournable de la rechange indépendante. Après un passage au service achats de la Société Mécanique de Corbeil (constructeur de machines agricoles), il entre à la Copafa en 1984. Le jeune cadre y apprend toutes les ficelles du secteur de la rechange indépendante. Douze ans plus tard, il poursuit l'aventure Starexcel-Précisium à la direction des achats. Après le rachat par AAG en 2013, il intègre le groupe Autolia comme directeur des référencements. Celui qui se définit comme un « homme de l'ombre » et un autodidacte y répondra encore à d'énormes défis.

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