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Centres autos

Réseaux, avec un R comme RSE

Publié le 6 février 2023
Par Florent Le Marquis
10 min de lecture
Désireux de limiter leur impact environnemental, les réseaux de centres autos affinent leur politique RSE. Mais ce concept à la définition personnalisable va plus loin, et l'aspect humain prend aussi toute son importance. Tour d'horizon des stratégies déployées dans ce domaine chez Autobacs, Carter-Cash, Norauto et Point S.
Dans un centre ou un point de vente, la question de l'éclairage et du chauffage est devenue importante, tant pour des raisons écologiques qu'économiques. Mais la RSE ne s'arrête pas à ces considérations… ©Autobacs
Dans un centre ou un point de vente, la question de l'éclairage et du chauffage est devenue importante, tant pour des raisons écologiques qu'économiques. Mais la RSE ne s'arrête pas à ces considérations… ©Autobacs

Le sigle peut apparaître vague, fourre-tout et peu clair. "Il y a parfois un peu à boire et à manger dans la RSE", confirme Anne-Danièle Fortunato, leader RSE de Norauto. Mais alors, une politique de "responsabilité sociétale des entreprises", c'est quoi, exactement ? Pour la représentante de Norauto, cela signifie "prendre conscience des enjeux sociaux, environnementaux et sociétaux, et les intégrer à la stratégie de l'entreprise". Si l'aspect collectif est primordial, ces enjeux restent difficiles à appréhender dans des organisations regroupant plusieurs dizaines, centaines, voire milliers de salariés.

Des écogestes qui se généralisent

Directeur de la stratégie et action développement durable chez Carter-CashWilliam Ternynck estime ainsi que tous les responsables RSE des réseaux de centres autos ont pour point commun de "se sentir seuls à un moment donné"… D'où la nécessité, selon Lionel Haberlé, directeur communication et marketing de Point S, d'impliquer tous les services concernés : "Il faut engager tous les niveaux de l'entreprise. Tout le monde doit se sentir impliqué, car contraindre ne sert pas à grand-chose."

Le président d'Autobacs France, Kar Wai Lau, résume sa pensée en quelques mots : "Nous avons une mission pédagogique." Selon lui, les politiques RSE sont cruciales dans le secteur automobile, "pour opérer un virage vers un fonctionnement moins polluant." S'il faut vivre avec son temps et adopter les écogestes dans les centres et les sièges, Lionel Haberlé se montre pragmatique : "Compte tenu de l'évolution du coût de l'énergie, ceux qui ne le feront pas pour des raisons écologiques le feront pour des raisons financières." Aujourd'hui, nul ne peut se soustraire aux contraintes environnementales.

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Moins consommer, diminuer ses déchets, recycler… Les enseignes doivent aussi s'y mettre, quand ce n'est pas déjà le cas. Dès l'été 2022, Point S a adopté dans son réseau des mesures simples mais efficaces. "Pas de climatisation en dessous de 26 °C", relate le directeur communication et marketing du réseau. Conformément aux recommandations, le chauffage n'excède pas les 19 °C cet hiver. En octobre, l'enseigne a signé la charte de la sobriété énergétique du Syndicat du Pneu, listant plusieurs gestes et pratiques à adopter pour réduire sa consommation énergétique.

Mais Point S ne s'est pas arrêté là. Le service informatique a sensibilisé les quelque 80 salariés du siège à la pollution générée par les mails, pour limiter les envois dispensables, et les collaborateurs ont commencé à être équipés d'un véhicule hybride. Forcément, une attention particulière est également accordée à la consommation électrique : coupure des ordinateurs la nuit, capteurs de lumière… Point S a aussi préconisé l'extinction des enseignes entre 22h et 6h. "Nous envisageons même d'uniformiser notre réseau et de ne plus avoir du tout d'enseignes lumineuses", souffle Lionel Haberlé.

Une consommation d'énergie à revoir

Le passage en LED pour l'éclairage s'impose d'ailleurs comme un incontournable, et presque tous les réseaux ont déjà entrepris ce changement. C'est cette initiative, parmi d'autres, qui a permis à Norauto de réduire la consommation énergétique de ses 410 centres de 23 % depuis 2019, quand l'objectif initial était de 20 %. Dans le détail, la diminution de la température de 19 à 14 °C en atelier et à 17 °C en surface de vente, et la coupure du chauffage dans les centres deux heures avant la fermeture ont évité près de 200 tonnes d'émissions de CO 2.

L'éclairage, diminué de moitié avant l'arrivée des clients et coupé dès la fermeture, a quant à lui sauvé 30 tonnes de CO 2. Depuis 2021, la totalité de l'électricité utilisée par les centres et le siège de Norauto est d'origine renouvelable. "Tout cela s'inscrit dans notre trajectoire bas carbone : nous voulons réduire notre empreinte de 5 % par an pour contribuer à la neutralité carbone en 2050", indique Anne-Danièle Fortunato, qui ne compte pas s'arrêter là : "Nous visons une nouvelle baisse de 6 % de notre consommation énergétique en 2023."

RSE

Le recyclage apparaît comme un élément central des différentes politiques RSE des centres autos. ©Carter-Cash

Norauto a signé la charte EcoWatt, dispositif porté par RTE et l'Ademe pour favoriser l'adoption d'une consommation d'énergie responsable pour les entreprises. En 2023, 18 centres Norauto vont par ailleurs tester le niveau 1 de la GTB (gestion technique du bâtiment), système permettant la supervision et le contrôle du chauffage, de la ventilation, de l'éclairage ou encore du conditionnement d'air. L'objectif est de trouver le meilleur équilibre possible entre les besoins et les conditions environnementales. Norauto envisage aussi le déploiement de revêtements réflectifs sur les toits de ses centres, améliorant l'isolation thermique pour réduire l'utilisation du chauffage et de la climatisation.

Enfin, dans un souci d'"autoconsommation" , une ombrière avec panneaux photovoltaïques devrait être installée d'ici la fin 2023 sur le centre de Toulon (83). S'adapter aux conditions environnantes est essentiel, mais les économies réalisables en sont également tributaires. "Nous pensons pouvoir consommer 20 % de chauffage et d'électricité en moins, mais si les températures extérieures restent négatives pendant plusieurs semaines, ce sera plus compliqué que si elles sont douces", confie William Ternynck.

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Si Carter-Cash a aussi multiplié les mesures pour réduire sa consommation énergétique (chauffage à 19 °C, éclairage LED, nouveaux compresseurs d'air moins énergivores, etc.), le respect de l'environnement dans ses magasins va encore plus loin, selon William Ternynck : "La consommation d'énergie ne représente que 10 % des émissions de de l'activité. Nos émissions de CO2 sont en premier lieu liées à nos produits."

Pour cette raison, Carter-Cash a d'ores et déjà choisi de retirer de ses gammes six produits composés de matériaux polluants ou difficiles à recycler et non réparables, dont une dizaine de références de lingettes jetables ou le couvre-volant en silicone. Mais pour ne pas pénaliser l'offre, l'enseigne doit imaginer des alternatives. "Il y a une demande sur le couvre-volant, il nous faut donc trouver une solution de remplacement à proposer, souligne le directeur développement durable. Nous travaillons sur tout ce qui tourne autour de l'économie circulaire et nécessite moins de ressources."

Objectif : réduction des déchets

Dans son centre de Lambres-lez-Douai (59), Carter-Cash expérimente sa stratégie RSE et met en avant ses produits responsables, comme les batteries et huiles régénérées, les pneus reconditionnés et d'occasion. Ce site dispose aussi de trois bars à liquides et fluides. "Le client peut acheter 22 produits, entre huiles, liquides de nettoyage et de refroidissement, à la proportion qu'il souhaite, détaille William Ternynck. Cela répond à sa problématique de pouvoir d'achat, et nous supprimons la surquantité et l'emballage. C'est une baisse du gaspillage financier et matériel. Mais pour nous, c'est un investissement. Il faut concevoir la machine, et donc faire du volume derrière pour la rentabiliser. Au départ, cela peut être coûteux de faire du développement durable, mais le gain en émissions de CO 2 prime."

En termes de réduction de déchets, les atouts de ce dispositif ne sont pas négligeables, puisque le client prend uniquement la quantité de produit dont il a besoin. Par ailleurs, Carter-Cash va faire progressivement disparaître ses emballages plastiques au profit de packagings plus durables.

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De son côté, Autobacs a déjà considérablement réduit son utilisation de papier et de plastique. Sa gestion des déchets va même plus loin. "Nous commençons à changer notre mode d'affichage en magasin, assure Kar Wai Lau. Nous proposons des promotions différentes chaque mois, ce qui nous oblige à remplacer les affiches et génère du gâchis. Il faut changer cela, utiliser moins de papier, et nous développons donc l'affichage digital." Un parti pris qui devrait d'ailleurs s'étendre à l'ensemble de la stratégie de communication du réseau. "Il y a beaucoup de déchets dans les centres. Nous ouvrons 7/7 jours. La quantité de batteries remplacées, de pneumatiques usagés ou d'huiles souillées est conséquente… Il faut soit recycler et réutiliser, soit neutraliser le matériau usagé pour limiter son impact environnemental", poursuit le président d'Autobacs France.

De manière globale, le réseau vise une réduction de 20 % de sa consommation d'énergie à court terme. "Nous ne pouvons pas mettre ce sujet de côté, car c'est à la fois une question d'environnement et de coût pour l'entreprise", avance Kar Wai Lau. La gestion des coûts pour chaque mesure est d'ailleurs primordiale : réduire ses consommations fait baisser la facture, mais il ne faut pas non plus prendre trop de risques. C'est notamment à cette fin que Carter-Cash teste sa stratégie RSE de façon isolée dans son centre de Lambres-lez-Douai. "Il s'agit de tout mettre bien en place et d'éviter de déséquilibrer notre modèle, car ce sont des mesures impactantes", justifie William Ternynck. Avoir un impact positif sur la société, mais rester économiquement viable.

Cap sur les mobilités et énergies alternatives

Un réseau automobile qui se soucie de l'environnement, c'est bien. Un réseau automobile qui engage avec lui les automobilistes sur cette voie, c'est mieux. "Nous avons la responsabilité d'entretenir les véhicules pour qu'ils soient moins polluants. Nous avons toujours besoin d'utiliser les voitures, mais il faut le faire d'une façon écoresponsable et durable", insiste Kar Wai Lau. Outre l'entretien du thermique, Autobacs a développé toute une gamme de trottinettes, vélos et scooters électriques. Un corner de services dédiés à ces nouvelles mobilités est en test dans son point de vente de Rosny-sous-Bois (93).

En parallèle, l'enseigne affiche ses ambitions sur l'électrique, et s'est notamment rapprochée de BYD, la marque de VE au Japon. "Il sera cependant difficile d'atteindre les objectifs en termes d'émissions de CO 2 avec seulement des VE neufs, tempère son président. Nous cherchons donc de nouvelles solutions, et le rétrofit en est une. Remplacer le moteur thermique en électrique permet de réduire les émissions du véhicule."

Autobacs travaille sur le sujet avec Rev Mobilities et ouvrira cette année, dans le même atelier de Rosny-sous-Bois, un espace dédié aux solutions de conversion électrique. "Nous voulons nous assurer du respect de nos exigences de qualité et de sécurité. Aussi le déploiement dans l'ensemble du réseau se fera-t-il progressivement", ajoute Kar Wai Lau. Point S aussi a des prétentions élevées. "Devenir le plus grand réseau européen certifié en entretien de véhicules électriques et hybrides d'ici à 2026", lance Lionel Haberlé. Le concept Écomobilité, lancé en 2022 et dédié à l'après-vente des deux-roues électriques, est une étape.

Avec son concept Écomobilité, Point S veut peser sur l'après-vente des deux-roues électriques. Un élément à part entière de sa stratégie RSE. ©Point S

Avec son concept Écomobilité, Point S veut peser sur l'après-vente des deux-roues électriques. Un élément à part entière de sa stratégie RSE. ©Point S

L'humain au cœur de la RSE

Mais puisque la RSE ne touche pas qu'à l'environnement mais aussi au social, se préoccuper de l'automobiliste est une priorité. "Nous avons la responsabilité de permettre à chaque citoyen d'avoir une mobilité, car c'est nécessaire pour trouver un emploi, affirme Anne-Danièle Fortunato. Le programme solidaire de Norauto permet aux personnes au quotient familial faible d'entretenir leur voiture." Dans une période d'inflation comme celle que nous vivons actuellement, la difficulté première des clients des centres autos est le pouvoir d'achat.

Encore plus pour ceux de Carter-Cash, enseigne positionnée sur le segment des produits à prix bas. "Nous nous devons de tout faire pour que nos clients restent mobiles dans de bonnes conditions de sécurité. Ils ont un profil bricoleur car ils n'ont pas les moyens de faire faire leurs réparations. Notre rôle est de leur offrir des services et des produits de qualité à prix bas, en nous passant de ce qui a un impact sur le prix mais n'est pas nécessaire, pour préserver leur pouvoir d'achat, détaille William Ternynck. Autour de nos magasins, nous organisons un écosystème pour accompagner l'automobiliste sur un maximum d'étapes de son problème : si nous ne pouvons pas appréhender nous-mêmes son problème, nous l'orientons vers un acteur qui le peut."

RSE Autobacs Rev Mobilities

En 2023, dans son centre de Rosny-sous-Bois (93), Autobacs va ouvrir avec Rev Mobilities un espace dédié aux solutions de conversion électrique. ©Autobacs

Cet aspect de son activité fait pleinement partie de la politique RSE menée par le réseau, en accord avec une partie de la définition qu'en donne son directeur développement durable : "Être le plus impactant positivement sur l'aspect humain. L'entreprise doit jouer un rôle pour apporter une valeur ajoutée à une population qui peut avoir des difficultés d'accès à l'emploi."

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Cet aspect humain ne s'applique pas qu'aux clients. "Tout ce qui concerne le social vaut également pour nos collaborateurs, martèle Anne-Danielle Fortunato. D'ici à 2030, nous souhaitons réduire de 30 % nos accidents du travail." Du côté de chez Point S, la prime est à la jeunesse, avec quelque 200 alternants et stagiaires dans le réseau. "Nous travaillons beaucoup pour l'insertion des jeunes dans l'entreprise, car si cela se passe bien pour eux, ils auront envie de rester", argumente Lionel Haberlé. Avec 640 centres en France, le réseau dispose d'un véritable nid pour la formation, dont il a dispensé quelque 6 000 heures en 2022, étant certifié Qualiopi. À noter que le tiers des formations concerne les véhicules hybrides, soit une hausse de 80 % par rapport à 2021.

RSE Carter-Cash pneumatiques

Carter-Cash propose plusieurs produits reconditionnés, dont des pneumatiques. ©Carter-Cash

Carter-Cash promeut la personnalité de ses salariés, en embauchant sans CV depuis 2022. Par ailleurs, depuis sa création en 2002, le réseau garantit l'égalité salariale entre hommes et femmes, et s'attelle de plus en plus à faciliter l'intégration de ces dernières aux différents postes dans les magasins. "Nous travaillons sur notre organisation pour intégrer des équipes féminines et investissons dans du matériel, comme des chaînes de montage de pneus qui évitent les postures inconfortables, comme devoir se plier le dos", illustre William Ternynck. Pour s'assurer qu'il ne fait pas fausse route, Carter-Cash organise régulièrement des tables rondes pour obtenir des remontées et ajuster sa politique si besoin.

Mais que faire de plus ou de mieux ? "Il faut toujours être ambitieux et jusqu'au-boutiste. On sait que l'on ne pourra pas toujours trouver la solution parfaite, mais il faut faire au mieux avec les moyens dont nous disposons", préconise le directeur développement durable de Carter-Cash. Parmi ses futurs projets, le réseau envisage de proposer de la location ou de l'abonnement (en parallèle du traditionnel achat de produits), toujours pour limiter le gaspillage. Pour sa part, Norauto a placé la biodiversité en haut de sa liste de chantiers pour 2023. "Comment un centre auto peut-il contribuer et agir sur la biodiversité ? interroge Anne-Danièle Fortunato. C'est un point sur lequel nous allons travailler : faire un état des lieux, puis se fixer des objectifs." Les politiques RSE des réseaux n'ont pas fini de se développer…

Les définitions officielles de la RSE

La Commission européenne définit la RSE comme la "responsabilité des entreprises vis-à-vis de leurs impacts sur la société". Celles-ci doivent "intégrer les préoccupations sociales, environnementales, éthiques, relatives aux droits de l'homme et aux consommateurs dans leurs opérations commerciales et leur stratégie de base, en étroite collaboration avec leurs parties prenantes". Il est bien précisé que la nature de la politique RSE d'une entreprise dépend de sa taille et que, pour les TPE et PME, le processus peut rester "informel et intuitif".

Et surtout, qu'il faut prendre en compte les risques d'une telle politique pour éviter d'éventuels impacts négatifs. Dans la même lignée que la Commission européenne, mais plus succinctement, la norme ISO 26000, premier standard international en matière de RSE, définit son périmètre autour de sept thématiques : gouvernance de l'organisation ; droits de l'homme ; relations et conditions de travail ; l'environnement ; loyauté des pratiques ; questions relatives aux consommateurs ; communautés et développement local.

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