Sermi : du retard à l'allumage
Reporté à plusieurs reprises, le déploiement de la certification Sermi en France connaît un démarrage plus compliqué que prévu, en particulier chez les garages indépendants. Selon nos informations, le nombre de réparateurs multimarques qui bénéficient aujourd’hui du précieux sésame – indispensable depuis le 1er novembre pour accéder aux informations liées à la sécurité des véhicules – est encore marginal.
Premier organisme d’inspection accrédité dans l’Hexagone, Dekra Certification a enregistré plusieurs centaines de demandes depuis l’entrée en vigueur de la réglementation, selon Karim Hadj-Ali, responsable du département certification.
Des interventions impossibles sans Sermi
De toute évidence, le démarrage du Sermi en France est plus poussif que prévu. Ce qui complique un certain nombre d’interventions dans les ateliers, en particulier dans le cadre d’opérations en remote diagnostic. "C’est simple : si l’atelier et le technicien ne sont pas certifiés, nous sommes tout simplement bloqués… Or un grand nombre de MRA n’ont toujours pas pris conscience de la nécessité d’obtenir leur certification", déplore Lilian Robert, dirigeant d’Autech Expert, distributeur des outils de diagnostic Autel.
Un constat partagé par Jacques de Leissègues, président de DAF Conseil : "Pour effectuer une opération concernée par le Sermi en remote, il est impératif que le fournisseur de service à distance (RSS) et l’opérateur soient tous deux certifiés, car c'est ce dernier qui initie la prestation à travers une application. Si l’un des deux n’est pas certifié, l’opération est impossible. Toutes les interventions en remote ne sont pas concernées par le Sermi, mais cette situation peut effectivement en bloquer certaines".
Et si les réparateurs indépendants tardent à se plier à ce nouveau protocole, les constructeurs ont, de leur côté, rapidement mis à jour leur interface respective. "Certains constructeurs avaient bloqué l’accès à leur portail avant l’entrée en vigueur en France. Les marques allemandes ont, par exemple, anticipé le 1er novembre pour se conformer aux exigences du Sermi", confirme Lilian Robert.
Dès lors, les réparateurs non certifiés se voient contraints de renvoyer leurs clients vers les concessionnaires les plus proches… Une situation dénoncée par le dirigeant d’Autech Expert qui y voit une entrave à la libre concurrence. "Les réseaux constructeurs bénéficient, de fait, d’un monopole ! Les MRA doivent se préparer dès maintenant à répondre à ces exigences pour éviter toute limitation dans leurs interventions techniques. Nous sommes tous concernés : techniciens, ateliers, et clients finaux", souligne-t-il.
Des garages mal préparés
Comment expliquer, dès lors, le nombre encore limité de réparateurs certifiés ? Dans les rangs de DAF Conseil, on plaide pour le manque de sensibilisation… "Les ateliers ne se sont pas saisis du sujet… À leur décharge, il n’y a pas eu assez d’informations sur le sujet et les réseaux ont tardé à se pencher dessus", analyse Jacques de Leissègues. Même sentiment du côté de Lilian Robert, qui regrette un "manque criant d’information et de communication à tous les niveaux".
Chez Dekra Certification, on rappelle que c’est l’ensemble du protocole Sermi qui a tardé à se mettre en place au niveau européen. "Le schéma devait être opérationnel en France pour août 2023. Or, rien n’était mis sur les rails début 2023. Nous avions donc pris l’initiative de demander nous-mêmes l’ouverture de l’accréditation pour les CAB (organismes d’inspection, ndlr) dès mai 2023 pour prévenir toute situation de blocage des activités de maintenance automobile. Mais la coordination entre les acteurs français et européens a pris beaucoup de temps. […] Après l’obtention de notre accréditation en juin 2024, Sermi a finalement fait le choix d’une entrée en vigueur de la certification au 1er novembre 2024. Finalement, cela a été beaucoup de temps, d’attente, de réorganisation…", détaille Karim Hadj-Ali.
Mais Dekra Certification a aujourd’hui pris les devants. L'organisme indique mener un important travail de sensibilisation sur le sujet Sermi auprès des ateliers, des organisations professionnelles et de toutes les parties prenantes du secteur.
Du côté des enseignes de MRA, le sujet semble progressivement s'imposer auprès des têtes de réseaux. Ainsi, chez Alliance Automotive, le Sermi fait partie des priorités qui ont été évoquées lors des conventions organisées pendant le dernier Forum Automotive Business (FAB), le 16 novembre 2024 à Villepinte (93). Dans les rangs du réseau AD, Fabien Guimard, directeur des réseaux de réparation, confirme qu'une sensibilisation sera engagée dans les prochains jours. "Nous allons profiter notamment de l'AD Tour pour encourager nos réparateurs à amorcer les démarches de certification", indique-t-il.
Un investissement trop important ?
Outre des informations insuffisantes, beaucoup de réparateurs semblent également retarder l’échéance en raison d’une démarche jugée trop fastidieuse et, surtout, trop onéreuse. "De nombreux MRA ont le sentiment que cette certification est trop coûteuse pour le nombre d’opérations réalisées", confirme Lilian Robert. Un responsable d'enseigne nous a également confié qu'il préférait attendre que plusieurs organismes de certification soient accrédités pour bénéficier de tarifications plus attractives... "Nous voulons faire jouer la concurrence", confirme-t-il.
Chez Dekra Certification, le coût de la certification, variable selon les structures, débute à 1 300 euros pour un cycle de cinq ans incluant l’audit documentaire et les inspections inopinées. Sur ce sujet, Karim Hadj-Ali tient d’ailleurs à démentir certaines fausses informations : "On entend beaucoup de contre-vérités sur ce sujet… Mais il faut savoir de quoi on parle. Notre service tient compte de l’inspection documentaire et de l’audit inopiné. Certains concurrents avancent des tarifs inférieurs mais qui n’intègrent pas l’ensemble des prestations".
Côté délai de traitement, Dekra Certification précise que la prestation peut être prise en charge rapidement si l'ensemble des pièces nécessaires pour l'entreprise et les techniciens est présenté. "Le délai moyen pour obtenir le certificat est variable selon la complétude du dossier mais on est autour de deux à trois semaines avec des aller-retours. Il faut d’ailleurs parler non pas du certificat mais des certificats, puisque l’un concerne le garage ou centre de maintenance automobile et les autres concernent le personnel."
Un cadre réglementaire encore flou
Moins complexe qu'elle n'y paraît, la certification Sermi n'en soulève pas moins, dans son implication, quelques interrogations. Chez DAF Conseil, Jacques de Leissègues se questionne notamment sur la diversité, selon les marques, des prestations concernées par cette certification. "D’un constructeur à l’autre, des opérations peuvent nécessiter la certification et d’autres non. Il n'y a donc pas de définition exacte de ce qui entre dans le périmètre du Sermi. Autant la démarche est vertueuse, autant on a le sentiment que la réglementation n’est pas allée au bout…", regrette le dirigeant.
Une préoccupation partagée par Lilian Robert, qui déplore ce flou entourant le champ d'application de cette certification. "De Renault à BMW, en passant par Kia, chaque marque a sa propre définition du Sermi. Or, certaines prestations relevant de la certification concernent des éléments sans lien direct avec la sécurité du véhicule. Dans le contexte actuel, le Sermi s’apparente davantage à une contrainte pour les MRA qu’à la simplification d’accès aux données, comme cela avait été initialement présenté par les constructeurs."
Face à cette réglementation encore perfectible, les MRA ont d'autant moins de raison de rester en marge de cette certification. Car, au-delà d’une obligation, le Sermi pourrait bien devenir, demain, un véritable avantage concurrentiel.