Bertrand Thorette, Feda : "Nous défendons une meilleure réparabilité et durabilité des véhicules"
Le Journal de la Rechange et de la Réparation : Après un an en poste, comment évaluez-vous la situation de la Feda et de ses adhérents ?
Bertrand Thorette : La Feda est une fédération pleinement reconnue par son écosystème. Alain Landec a une formule très juste pour résumer son rôle : active, réactive et attractive ! Il est important que la Feda "joue collectif", agisse en réseau et construise des alliances. C'est ce que je me suis attaché à faire depuis un an : réactiver des relations qui s'étaient assoupies et en créer de nouvelles, au sein de notre filière mais aussi en dehors.
La Feda entretient ainsi des liens forts et constructifs avec les acteurs de l'amont et de l'aval de la filière automobile, et des partenaires comme AAA Data, SRA ou Equip Auto. En dehors de notre filière, nous avons noué en 2024 une collaboration avec l'association HOP ! sur le sujet de l'obsolescence des véhicules.
La force de la Feda, c'est aussi la solidarité entre ses adhérents, en particulier au sein de son conseil d'administration. Lorsque nos 16 administrateurs se réunissent, ils défendent entre confrères l'intérêt général de notre filière. Il y a une véritable unanimité dans notre gouvernance quant aux objectifs à poursuivre. Lorsque j'ai pris mes fonctions, ma priorité a été de maintenir la vitesse de croisière de la Feda, malgré un changement de délégué général. Le pari a été réussi, grâce à l'équipe talentueuse de collaboratrices qui m'entoure, qui connaît parfaitement notre secteur et nos adhérents, et qui agit avec efficacité.
J2R : Quels chantiers prioritaires souhaitez-vous mettre en œuvre avec le président de la Feda, Alain Landec ?
B. T. : Avec le président, nous partageons la même passion d'agir ! S'agissant de nos actions de lobbying, elles sont influencées par les pouvoirs publics : verdissement des flottes, ZFE, décarbonation… Tous ces sujets impactent notre secteur et mobilisent logiquement notre énergie. En plus d'être nationale, notre action se déploie aussi au niveau européen aux côtés de la Figiefa.
Nous souhaitons également développer les services apportés à nos adhérents pour la gestion et la performance de leurs entreprises. Les outils actuels sont très appréciés : notre service juridique, nos lettres d'information, notre baromètre d'activité, notre annuaire professionnel et nos CDA. En 2025, nous créons de nouveaux services : un baromètre social avec une cinquantaine d'indicateurs RH et un panorama chiffré du parc automobile, avec la contribution d'AAA Data et de SRA. De plus, notre baromètre passe à un rythme mensuel.
J2R : Quels sont les principaux défis auxquels la rechange indépendante est confrontée, et comment la Feda peut-elle aider à les relever ?
B. T. : Le défi qui est dans toutes les têtes se résume par une date : 2035 ! Si cette échéance est perçue comme une menace par nos distributeurs, elle peut aussi représenter une opportunité pour ceux qui s'y préparent. La décarbonation de la mobilité est aujourd'hui synonyme d'électrification. Même si nous avons des doutes sur la promesse écologique des véhicules électriques, cette transition laisse entrevoir un potentiel de croissance.
Si les garages indépendants ne se positionnent pas comme des experts de ces motorisations, alors les consommateurs fréquenteront les réseaux des constructeurs, et ce potentiel échappera à l'aftermarket…
J2R : La Feda a repris l'an dernier ses réunions locales, avec l'ambition de fédérer les distributeurs sur le terrain afin de faire le point sur les enjeux de la filière. Souhaitez-vous poursuivre ces rendez-vous ?
B. T. : Une fédération, c'est aussi des liens entre membres d'une même famille professionnelle. C'est pourquoi la Feda a renoué avec ses réunions régionales pour incarner cette proximité. Avec Alain Landec, nous allons au contact des distributeurs pour faire le point sur leur métier.
Après un premier déplacement dans l'Ouest en novembre dernier, nous poursuivons en 2025 notre tour de France des régions : le 23 janvier dans la région Sud-Ouest, puis nous irons dans l'Est, le Centre, le Nord et le Sud-Est. Tous les distributeurs, adhérents ou pas, sont les bienvenus ! J'en profite pour rappeler qu'un évènement va nous fédérer en 2025 : le salon Equip Auto, du 14 au 18 octobre. Rendez-vous donc sur le stand de la Feda !
J2R : Pouvez-vous faire le point sur le développement de la labellisation Color+, qui doit valoriser l'expertise des distributeurs en peinture ?
B. T. : L'une des missions de la Feda est de valoriser l'expertise de ses adhérents. C'est l'objet de nos groupes métiers spécialisés dans le moteur, le diesel et les nouvelles technologies, les véhicules industriels ou la peinture. Pour mettre en avant la valeur ajoutée des distributeurs de peinture, nous avons, dans un premier temps, défini les critères du référentiel métier (stockage, logistique, approvisionnement, environnement, etc.) avant de créer le label Color+.
Nous déployons cette année cette labellisation sur le terrain. Un club de partenaires associant les plus grands fabricants du marché de la carrosserie s'est constitué pour accompagner cette démarche d'excellence : 3M, AkzoNobel, Axalta, BASF, Lechler, Mirka, PPG, RR Équipements et SDB. Merci pour leur confiance !
J2R : Paris, Lyon, Montpellier et Grenoble ont durci les règles de leur ZFE depuis le 1er janvier avec l'interdiction des véhicules Crit'Air 3. Faut-il s'attendre à des conséquences dans ces agglomérations pour les acteurs de la rechange automobile ?
B. T. : La Feda s'est impliquée très tôt sur la question des ZFE. Nous restons vigilants sur le sort des métropoles concernées et sur ces millions de véhicules, et donc de Français, qu'on exclut des centres-villes. Pour la rechange indépendante, ces restrictions d'accès ne sont pas sans conséquences : nos adhérents doivent revoir leur circuit logistique ou repenser leur outil de production.
C'est tout l'enjeu du verdissement des flottes logistiques, qui impose de réelles contraintes aux grossistes : l'offre en VUL électriques est pour l'instant inadaptée aux spécificités de notre secteur (capacité de chargement, autonomie) et très coûteuse, sans compter que le réseau de recharge n'offre pas la densité ni le maillage suffisants à une exploitation professionnelle.
J2R : Ces dernières années, la Feda a souvent été un interlocuteur auprès des pouvoirs publics. Quelles sont vos priorités en termes de plaidoyer et de défense des intérêts des professionnels de la rechange ?
B. T. : Les professionnels de la Feda jouent un rôle essentiel dans la réparabilité et la durabilité du parc automobile et PL. En défendant l'intérêt de l'aftermarket, nous défendons donc l'intérêt général des Français qui se déplacent, et des entreprises qui livrent. Notre fédération est en contact avec au moins cinq ministères : l'Économie, les PME, l'Industrie, les Transports et la Transition écologique. Notre lobbying repose sur un plaidoyer responsable et de bon sens, afin que les réformes industrielles et environnementales prennent en compte les contraintes des entreprises et les besoins des clients.
Nos priorités visent donc à assouplir les contraintes liées au verdissement des flottes et aux trajectoires de décarbonation. Nous défendons également une meilleure réparabilité et durabilité des véhicules. Depuis plus d'un siècle, la voiture puis le poids lourd ont été deux outils puissants d'émancipation sociale et de développement économique. Restreindre la mobilité routière, c'est affaiblir notre économie et marginaliser une partie des Français. La Feda continuera à défendre la mobilité, source d'enrichissement et vecteur de liens.