SRA explore l'avenir de la réparation-collision

Pour ses 45 ans, SRA avait mis les petits plats dans les grands pour sa Journée technique. De nombreux spécialistes techniques de la réparation automobile, constructeurs, équipementiers, recycleurs et représentants de syndicats professionnels ont été réunis pour revenir sur les grandes évolutions de l'industrie automobile et leurs conséquences sur la réparation. "Nous avons trouvé des liens et des liants entre chacun des acteurs présents", se félicite Rodolphe Pouvreau, directeur de SRA.
Pour ouvrir cette journée, François Brodier, ingénieur du Cesvi France (technocentre de Covéa), a présenté les ruptures technologiques majeures de l'automobile, s'appuyant sur un exemple concret pour illustrer l'évolution de la structure des voitures. "Entre la BMW E21 Série 3 de 1975 et la BMW G20 Série 3 d'aujourd'hui, les normes et le comportement aux crash-tests de 50 km/h ont énormément évolué en sept générations de voitures", explique-t-il.
Le recours aux aciers spéciaux (HLE, THLE et UHLE, de plus en plus résistants), ainsi qu'à l'aluminium a amélioré le comportement des véhicules, alors que les normes de sécurité n'ont pas cessé de se durcir. Jusqu’à l'électrification des modèles actuels, qui impose une révolution du schéma de rigidification de leur structure.
Préserver la réparabilité
A ce sujet, Jean-Paul Drai, directeur projet VE Renault, est intervenu pour détailler les spécificités appelées à se généraliser avec les véhicules électriques. Petite dernière de la marque au losange, la Megane E-Tech "introduit des innovations sur l'architecture, la conduite et la sécurité, par rapport à un modèle thermique". Elle est ainsi dotée de 26 Adas pour soulager le conducteur sur les longues distances et réduire les risques d'accidents.
Parallèlement, pour la conception de son modèle, la marque a souhaité faciliter son entretien et sa réparation. Par exemple, le système de contrôle de sa batterie indique au réparateur l'état exact de chaque cellule électrique. Tandis que pour le pire des scénarios – l'incendie de la voiture – le constructeur a notamment breveté un dispositif permettant aux pompiers de noyer la batterie.
Cette vision est partagée par la plupart des autres constructeurs, à une exception près. En répondant à une question de l'assistance, l'ingénieur égratigne la marque d'Elon Musk. Il précise que "Tesla dégrade la réparabilité et le recyclage, du fait de sa jeunesse et de l'absence d'un parc ancien à entretenir, car la marque préfère recourir à des pièces moulées plutôt qu'assemblées [et donc remplaçables en toute sécurité]". Raison pour laquelle le passage au marbre de ses modèles est proscrit.
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Michel Forissier, directeur R&D et marketing de Valeo, a ensuite pris la parole pour revenir sur l'évolution générale du parc automobile. Recherche de la neutralité carbone, de la sécurité, de la connectivité, essors des nouvelles mobilités et des services changent progressivement le paradigme des garagistes. "Les nouvelles voitures se dilueront dans un parc vieillissant. Les réparateurs vont connaître de véritables opportunités avec un boom de la réparation jusqu'à l'interdiction des motorisations thermiques en 2050", affirme-t-il. Les réparateurs devraient avoir le temps et les moyens de s'adapter aux nouvelles habitudes de mobilité.
70 % des ateliers à réorganiser
La seconde partie de cette JournĂ©e technique a Ă©tĂ© consacrĂ©e aux prĂ©occupation sociales et environnementales. "La RSE, c'est l'affaire de tous : carrossiers, experts et assureurs. Elle implique une approche mĂ©tier, qui dĂ©marre avec le dĂ©bat contradictoire allouant un temps de main d'Å“uvre correct. Tandis que du cĂ´tĂ© de l'approche client, les assureurs doivent communiquer sur l'Ă©conomie circulaire", souligne Nicolas Baran, de BCA Expertise.
Toutefois, dans les entreprises, "la RSE coûte très cher si on l'applique sérieusement", prévient André Courtois, dirigeant de Weinmann Technologies. Le concepteur de cabines de peinture précise que son entreprise a embauché une chercheuse spécialisée dans l'accompagnement du changement, pour y travailler à temps plein. Cependant, il insiste sur l'importance de réorganiser et rééquiper 70 % des ateliers, pour protéger les salariés, améliorer leur productivité et réduire leur empreinte environnementale. Car, réduire la pénibilité des carrossiers, c'est aussi rendre leurs métiers plus attractifs.
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Point de vue partagé par les fabricants de peinture. "Nous ne vendons pas que des produits. On s'attaque à la logique économique, en rentabilisant mieux les carrosseries, avec par exemple des robots de fabrication de peinture", expose Jean-Marc Pettinotti de PPG. Ce dernier a rappelé que son groupe entend réduire son propre impact sur l'environnement en accompagnant les réparateurs. Mais les bonnes pratiques prônées – notamment en matière d'économies d'énergies – apparaissent primordiales dans le contexte de la crise énergétique actuelle. Cet aspect intéresse évidemment tous les acteurs de la réparation collision pour des raisons environnementales et surtout économiques…
Soutenir la PRE
Autre aspect intĂ©ressant pour les assureurs : la pièce de rĂ©emploi (PRE). De sĂ©rieux progrès peuvent Ăªtre rĂ©alisĂ©s en la matière. Les marchĂ©s ibĂ©rique, scandinave ou nord-amĂ©ricain sont très en avance dans ce domaine. En France, 15 PRE sont prĂ©levĂ©es en moyenne sur les VHU recyclĂ©s contre 60 en Suède et 120 aux États-Unis. Le tout rĂ©cent dĂ©cret sur la filière REP devrait favoriser cette alternative.
"La Piec perd son statut de dĂ©chet et doit maintenant Ăªtre traçable. Elle ne peut plus Ăªtre vendue sur les plateformes internet gĂ©nĂ©ralistes", se fĂ©licite Patrick Poincelet, prĂ©sident des recycleurs de Mobilians. Il prĂ©vient nĂ©anmoins que certains points restent Ă prĂ©ciser. Il dĂ©plore ainsi notamment la volontĂ© de certains recycleurs ne produisant pas de PRE de conserver un gisement de 400 000 vĂ©hicules par an pour rĂ©cupĂ©rer de la matière première. Du cĂ´tĂ© des assureurs prĂ©sents dans la salle, une voix s'Ă©lève pour lui assurer que ceux-ci continueraient Ă soutenir les spĂ©cialistes de la PRE.
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Finalement, le contour des diffĂ©rentes thĂ©matiques abordĂ©es lors de cette journĂ©e dessine d'importants changements autour de la rĂ©paration-collision. Certains seront profonds. Pour les prĂ©parer, "la RSE est une opportunitĂ© de mieux connaĂ®tre les problĂ©matiques de tous les acteurs, dans l'intĂ©rĂªt du client final", pense Nicolas Baran. AndrĂ© Courtois n'a pas manquĂ© de rĂ©agir en rappelant aux assureurs qu'ils devront "rĂ©inventer" leur modèle pour "nouer des partenariats plus justes et Ă©quitables". Et pour cause, le secteur aura besoin de carrossiers en bonne santĂ© et maĂ®trisant les techniques de rĂ©paration les plus avancĂ©es pour satisfaire les assurĂ©s.
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