S'abonner
Rechange

Comment Cotrolia veut industrialiser le remanufacturing électronique

Publié le 12 juin 2024
â– 
Par Mohamed Aredjal
â– 
5 min de lecture
L'échange standard de composants électroniques automobiles a désormais son usine dédiée : la Reman Factory de Cotrolia. Ce nouveau site de 1 300 m² installé près de Nantes (44) marque un tournant pour le spécialiste de la rénovation de pièces, qui entend répondre à l’intérêt des ateliers pour des solutions de réparation plus durables.
Cotrolia
Fort de sa croissance, Cotrolia double de taille en moyenne tous les trois ans. Un rythme très soutenu qui implique des recrutements permanents pour l’entreprise qui compte aujourd’hui un effectif de 100 personnes. ©Cotrolia

Le plus difficile quand on grandit très vite, c’est souvent de trouver chaussure à son pied. Vincent Nicot et Jean-Charles Trochon ne vous diront pas le contraire. Fondateurs de Cotrolia, les deux dirigeants ont dû sillonner pendant plusieurs semaines la région nantaise avant de trouver leur bonheur. C’est finalement à Nort-sur-Erdre, à une vingtaine de kilomètres de leur siège actuel de Couëron, qu’ils ont ouvert, en avril 2023, leur Reman Factory.

Derrière ce nom se cache une véritable usine dédiée à l’échange standard de composants électroniques automobiles. Une petite révolution pour la société qui s’était jusqu’ici spécialisée dans l’échange réparation. Avec une superficie de 1 300 m² et une dizaine d'opérateurs, la Reman Factory doit permettre à Cotrolia de passer à la vitesse supérieure.

C’est un projet né de la demande grandissante pour des réservoirs d’AdBlue. Nous avions le souhait de prendre en charge des volumes de pièces plus importants pour répondre plus efficacement aux attentes de nos clientsexplique Vincent Nicot.

Avec la Reman Factory, le dirigeant ne cache pas ses ambitions de passer d’un métier encore très artisanal à une organisation industrielle. Dans ce site, les process de remis à neuf ont été rationalisés pour accroître la productivité de l’équipe et réduire les délais de traitement. Les étapes du reconditionnement ont également été standardisées pour être appréhendées facilement par les opérateurs, qui peuvent ainsi se montrer plus polyvalents.

Une expertise articulée autour de quatre pôles

Avec ce nouveau site, Cotrolia va surtout mettre à profit un savoir-faire patiemment bâti ces 15 dernières années. Pour Jean-Charles Trochon et Vincent Nicot, tout a, en effet, commencé en 2008. À l’époque, l’économie circulaire dans l’électronique automobile est encore balbutiante. C’est alors que les deux ingénieurs prennent connaissance des défaillances répétées des compteurs de Renault Scénic. Ils parviennent à trouver une solution à ces pannes en série et se font un nom dans le secteur. L’histoire est lancée.

Progressivement, l’équipe grandit au fil de l’élargissement du champ de compétences du remanufacturier : tableaux de bord, multimédia, moteur, démarrage, direction, boîtes de vitesses automatiques (BVA), etc. Cotrolia franchit une étape importante en 2011, avec la création de ses premiers bancs de test dédiés à la réparation des calculateurs moteurs. De quoi lui donner une avance technologique primordiale… Aujourd’hui, l’entreprise en compte plusieurs dizaines "faits maison" pour couvrir l’ensemble du parc roulant.

En 2021, alors que le remanufacturing semble s’imposer de plus en plus dans les ateliers, les deux dirigeants font construire de nouveaux ateliers de plus de 2 000 m² – toujours à Couëron – et structure leur activité autour de quatre pôles : mécatronique, habitacle / compteur, multimédia et moteur. Ce dernier pôle, chargé notamment de la remise à neuf des blocs ABS ou encore des BVA, a enregistré une forte progression l’an dernier. "Son activité a doublé en 2023", glisse Jean-Charles Trochon.

D’un métier technique à un métier de service

Pour accompagner ces quatre pôles, Cotrolia a engagé des investissements importants pour constituer son service de recherche et développement, le Cotro'lab. Cette équipe, qui compte une dizaine de personnes, est chargée de développer les différents processus de réparation.

"C’est la partie caché de notre métier, explique Jean-Charles Trochon. Pour chaque pièce, nous partons de zéro en faisant de l’ingénierie inversée. On décortique ce qu’on fait les équipementiers… Par exemple, pour les calculateurs, il faut apprendre à déchiffrer les lignes de codes qui pilotent leurs différentes fonctionnalités." Ce travail précieux va d’ailleurs nécessiter de nouveaux recrutements dans les puisque Cotrolia espère doubler les effectifs de sa cellule R&D dans les prochains mois.

Cotrolia bancs test

En 2011, Cotrolia investit massivement dans la recherche et développement et développe toute une gamme de bancs de tests. ©J2R

Autre service indispensable pour l’entreprise nantaise : le support client. Cette équipe compte aujourd’hui huit personnes, dont deux techniciens chargés plus spécifiquement d’accompagner les réparateurs dans le diagnostic des pannes. Au total, 300 appels quotidiens sont ainsi gérés par ces opérateurs.

"Toutes les pièces électroniques ne sont pas réparables. Tout l’enjeu est d’identifier celles qui peuvent être réparées pour éviter à toutes les parties de perdre du temps", précise Samuel Tschannen, directeur commercial de Cotrolia. Arrivé début 2023, après 17 ans passés chez IMA Technologies, ce dernier veut d’ailleurs renforcer la dimension de service de l’entreprise nantaise. Avec un objectif clair : mieux répondre aux exigences des professionnels de l’automobile.

Cotrolia en quête de "vieilles matières"

Pour parvenir à ses fins, le spécialiste du remanufacturing entend notamment fluidifier sa logistique et accélérer ses délais de réparation. "Chaque jour, nous recevons et envoyons environ 150 boîtiers. Chaque pièces bénéficie d’un code-barre pour une meilleure traçabilité. En général, il nous faut 48 h pour nos interventions", indique Samuel Tschannen.

Si ce processus est aujourd’hui maîtrisé, Cotrolia espère encore améliorer son parcours client pour faire du remanufacturing un service aussi "simple que l’achat d’une pièce neuve".

Et c’est justement l’ambition portée par la Reman Factory. Avec ce site industriel, le remanufacturier peut répondre immédiatement aux besoins de ses clients, sans attendre la réception de la pièce défectueuse. Mais ce changement de modèle exige, en amont, la collecte de "vieilles matières" pour se constituer des stocks suffisants. "Il faudra être en mesure de répondre à la demande", reconnaît Jean-Charles Trochon. À cette fin, des relations ont été nouées avec plusieurs déconstructeurs.

A lire aussi : Les réparateurs en route vers le réemploi

Mais Cotrolia ne veut pas griller les étapes. Pour le moment, la Reman Factory se concentre sur deux familles de produits – les réservoirs d’AdBlue et les boîtiers BPGA – avant d’élargir progressivement son champ d’activité. À terme, une fois que le site aura trouvé son rythme de croisière, le spécialiste du remanufacturing n’exclut pas de fournir directement les distributeurs, comme n’importe quel fournisseur.

Ce modèle nous offre un potentiel plus important que l’échange réparationjuge Samuel Tschannen.

Des perspectives optimistes pour l’entreprise qui a déjà enregistré l’an dernier une croissance de 75 %.

Cotrolia se rapproche des réparateurs

Privilégiant une approche exclusivement BtoB, Cotrolia entend rester très proche de ses clients réparateurs. Une proximité d’autant plus importante que le remanufacturing de pièces électroniques n’a pas toujours été une évidence pour les ateliers. "À une époque, la réparation automobile, c’était finalement avant tout du changement de pièces, estime Jean-Charles Trochon. Finalement, on allait donc à l’encontre de la culture des réparateurs."

Si le sujet de la durabilité émerge aujourd’hui sur le marché de l’après-vente, il reste encore du chemin à parcourir pour que les pratiques plus vertueuses s’y imposent définitivement. Cotrolia reconnaît qu’un travail d’évangélisation doit être mené sur le terrain. "Un réparateur sur deux ne connaît pas nos services", juge Samuel Tschannen.

Cotrolia Nicot Trochon Tschannen

De g. à d. : Vincent Nicot, Jean-Charles Trochon et Samuel Tschannen (co-fondateurs et directeur commercial de Cotrolia). ©J2R

Raison pour laquelle l’entreprise a multiplié les supports de communication ces derniers mois, développant notamment un nouveau site web avec toutes les références constructeurs et équipementiers. Cotrolia participe également régulièrement aux événements de la filière, notamment aux salons Equip Auto. En juin et en septembre, le remanufacturier sera notamment présent aux trois étapes (Montpellier, Reims et Rennes) de l’édition régionale du salon.

A lire aussi : Five Star s’attaque à l’électronique avec Cotrolia

Cet investissement est plutôt payant puisque le remanufacturier a noué récemment ses premiers partenariats avec des réseaux de centres autos (Norauto) et de fast-fitters (Midas), après avoir bâti jusqu’ici son développement avec les enseignes de MRA, en particulier les réparateurs AD. Cotrolia entretient, en effet, des liens très forts avec le réseau du groupe Autodistribution, pionnier en matière d'économie circulaire dès 2016. Décidément, tout semble tourner rond pour l’apôtre de l’économie circulaire.

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

cross-circle