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Equipementiers

Les équipementiers automobiles réclament un "filet de protection" face à la déferlante chinoise

Publié le 7 juin 2025
Par Jean-Baptiste KAPELA
3 min de lecture
Les membres du Clifa, qui réunit réunissant les six organisations représentant les équipementiers automobiles français, ont tenu à réaffirmer leur position en faveur de la mise en place d’une règle imposant aux véhicules européens 80 % de pièces produites sur le continent. Pour les fournisseurs, ce dispositif est vital pour faire face à la concurrence chinoise.
Clifa
Si rien n'est fait, la concurrence chinoise pourrait détruire entre 30 000 et 45 000 emplois dans les cinq prochaines années, d'après l'étude du Gerpisa. ©AdobeStock/BlackMediaHouse

Il faut sauver le soldat automobile européen ! Réunis à Paris le 5 juin 2025, les présidents des organisations professionnelles membres du Comité de liaison des industries fournisseurs de l’automobile (Clifa) ont réitéré l’importance d’instaurer une règle imposant un "contenu local européen substantiel dans le secteur automobile". Une mesure jugée cruciale pour soutenir la filière continentale, fragilisée par une concurrence chinoise de plus en plus agressive. Pour étayer leur position, les représentants du Clifa s’appuient sur une étude confiée au Groupe d'étude et de recherche permanente sur l’industrie et les salariés de l’automobile (Gerpisa).

Comme l’a rappelé en préambule Jean-Louis Pech, président de la Fédération des équipementiers automobiles (Fiev), la filière est menacée par de nombreux défis, à commencer par l’instauration des 25 % de droits de douane sur les véhicules importés aux États-Unis. S’ajoute à cela un effondrement durable des ventes de véhicules particuliers en Europe, accentué par un contexte économique tendu, marqué par une inflation persistante. Résultat : un "décalage compétitif majeur avec l’Asie".

À cette équation déjà complexe vient s’ajouter une échéance décisive : l’interdiction de vente des véhicules thermiques neufs en 2035. Une transition qui contraint les équipementiers à investir massivement. "Cela représente une charge financière considérable, alors que les volumes écoulés restent totalement insuffisants", souligne le Clifa dans sa présentation.

La Chine, première menace

Parmi les menaces identifiées, la Chine occupe une place centrale. L’Empire du Milieu est désormais le principal exportateur mondial de véhicules légers et de pièces détachées. En 2024, comme le rappelle le Clifa, la Commission européenne a ouvert deux enquêtes portant sur les subventions illégales et les distorsions commerciales orchestrées par Pékin. Elles montrent comment le gouvernement chinois soutient de manière coordonnée l’expansion internationale des marques nationales, qu’il s’agisse de constructeurs automobiles ou de fabricants de pièces. Ces entreprises bénéficient d’aides directes, d’avantages fiscaux, de financements publics et de soutiens en capital-risque.

Selon les chiffres fournis par Eurostat, l’UE serait déficitaire de 1,6 milliard d’euros sur les pièces détachées avec la Chine en 2024. Alors qu’il y a dix ans, l’Union européenne était excédentaire de 7,7 milliards d’euros. Le déficit, qui se creuse avec tous les pays du Vieux Continent sauf l’Allemagne, s’élève à 2,6 milliards d’euros contre 0,5 milliard en 2014.

Concernant nos voisins d’outre-Rhin, si leur balance commerciale reste dans le vert, le Clifa note toutefois que l'excédent des pièces automobiles avec la Chine a diminué de 2,2 milliards d’euros depuis dix ans. Les pièces chinoises importées, incluant les batteries lithium-ion, représentent un déficit commercial de 21 milliards d’euros en 2024. 

Vers une politique de contenu local

Face à cette situation, 108 chefs d’entreprise français interrogés dans l’étude du Gerpisa estiment que la concurrence chinoise pourrait faire disparaître entre 30 % et 50 % de la production nationale de composants automobiles, soit une perte de 30 000 à 45 000 emplois d’ici cinq ans.

Pour éviter ce scénario, le Clifa propose une réponse claire : imposer une règle européenne fixant à 80 % le taux de contenu local des véhicules produits sur le continent. Jean-Louis Pech évoque un véritable "filet de protection" pour préserver les fournisseurs. Aujourd’hui, si les véhicules électriques chinois sont taxés entre 18 % et 45 %, les pièces détachées importées ne le sont qu’à hauteur de 3 % à 4 %, et les batteries seulement à 1,3 %.

Comme l'explique Tommaso Pardi, directeur du Gerpisa, ce genre de règle était surtout appliqué au sein des économies émergentes. Mais depuis la crise de la Covid-19, la règle s’est développée dans divers secteurs à l’échelle internationale. "Il n’y a que l’Europe qui ne fait pas de politique de contenu local alors que les États-Unis, le Japon ou encore la Corée ont très tôt protégé les fournisseurs locaux par ce genre de réglementation. Le dispositif pourrait être mis en place en moins d’un an, explique Tommaso Pardi. Autre bénéfice de ce genre de règle : elle permettrait d’éviter que les constructeurs chinois contournent les taxes douanières sur le véhicule électrique en implantant simplement une usine sur le continent. Ils seraient obligés de s'approvisionner localement et non depuis la Chine", ajoute-t-il. 

Ce type de clause existe déjà dans le cadre du commerce international : les véhicules doivent intégrer 60 % de contenu local pour bénéficier des accords de libre-échange. Mais pour qu’une règle similaire s’applique à l’échelle européenne, un consensus entre les États membres est indispensable. Et les constructeurs automobiles eux-mêmes ne partagent pas nécessairement l’avis des équipementiers.

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