La loi Agec risque de fragiliser le maillage des centres VHU
Pour Federec, la filière VHU et la loi Agec ne font toujours pas bon ménage. Déjà à l’origine de plusieurs recours (rejetés par le Conseil d'État dans une décision du 18 novembre 2024) contre l'arrêté de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) pour le traitement des véhicules hors d’usage (VHU), l’organisation professionnelle a profité du salon Pollutec pour pointer les "incohérences" de cette évolution réglementaire lors d’une table ronde réunissant plusieurs professionnels du recyclage automobile.
"Pourquoi remettre en cause l’équilibre d’une filière qui fonctionnait très bien depuis des années ?", s’interroge, en préambule, Jean-Pierre Labonne, président de la filière déconstruction automobile de Federec.
Une multiplication des systèmes individuels qui inquiète
Parmi ses griefs, le dirigeant déplore notamment les restrictions auxquelles vont devoir se soumettre les centres VHU, contraints notamment de se conformer aux contrats fixés par les constructeurs dans le cadre des systèmes individuels (SI). "Nos agréments ne valent plus rien et vont être remplacés par des contrats qui peuvent être liés à une relation commerciale. Ce qui peut inquiéter…", confirme Fabrice Henriot, PDG d'Allo Casse Auto.
Des préoccupations d’autant plus légitimes que le nombre de SI sur le marché pourrait être non négligeable. "Ils sont déjà 13 ou 14 à avoir obtenu leur agrément et, à terme, ils pourraient être une vingtaine", indique Nicolas Brec, président de l’éco-organisme Recycler Mon Véhicule. Un chiffre qui tracasse la profession. "Nous craignons une multiplication des cahiers des charges… On va passer notre temps à faire des audits", s’alarme Fabrice Henriot.
Précisons d’ailleurs qu’une majeure partie de ces systèmes individuels seront, en réalité, pilotés sur le terrain par des prestataires : Indra Automobile Recycling (qui gérera les VHU de Renault et de Toyota), Valorauto (Stellantis) et Tracauto (Volkswagen). Cette organisation suscite, là encore, des questions dans les rangs de Federec où l’on se demande s’il n’aurait pas été plus simple de réunir toutes les marques au sein d’un même éco-organisme…
La centralisation des données : un défi encore non résolu
La réflexion est d'autant plus pertinente que la question de la centralisation des données issues des centres VHU reste en suspens. "Comment allons-nous consolider toutes ces datas de manière confidentielle au niveau national ?", s’enquiert Jean-Pierre Labonne.
Autre sujet qui cristallise la colère de Federec : le "droit de préférence" inclus dans les contrats de SI qui donne aux constructeurs un accès prioritaire aux matières recyclées des centres VHU et broyeurs. Pour la fédération professionnelle, cette mesure risque d’entraver leur liberté commerciale et met donc en péril l’équilibre financier de leurs activités. "À terme, nous craignons une mainmise des constructeurs sur la matière", s’inquiète Jean-Pierre Labonne.
Plus grave encore, Federec estime que la mise en place de cette filière REP pourrait finalement entraîner des conséquences contreproductives sur la lutte contre la filière illégale.
Les risques d’une concentration accrue dans la filière
En effet, le cahier des charges des éco-organismes et systèmes individuels obligera les déconstructeurs à démanteler des pièces de réemploi. Objectifs fixés : atteindre 8,5 % de la masse des voitures et utilitaires en 2024, 10 % en 2026 et 16 % en 2028. Autrement dit, les déconstructeurs qui ne produisent pas de pièces auront du mal à poursuivre légalement leurs activités.
"Il y a environ 900 centres qui font de la pièce détachée aujourd’hui parmi les quelque 1 700 sites agréés. Que vont devenir ces centres qui ne pourront pas satisfaire à cette obligation ? On ne peut pas exclure tous ces acteurs de la filière qui font leur travail de façon correcte et reconnue depuis des années", insiste Jean-Pierre Labonne.
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Pour Nicolas Brec, cette situation devrait conduire à une concentration du maillage de sites de déconstructions. "Depuis plus de cinq ans, on a l'impression qu'un certain nombre d'entreprises sont à un moment clé de leur existence, avec l’éventualité d'une cession ou d’une transmission." Reste à savoir combien d’entre elles franchiront ce cap.