Recyclage automobile : vers un essor de la filière illégale ?
La Feda a réuni le 4 avril 2024 les acteurs de l'écosystème de l'économie circulaire automobile pour son premier CDA de l'année. Les constructeurs, recycleurs et remanufacturiers ont abordé les nouveaux enjeux liés à la mise en place de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP). Les éco-organismes et systèmes individuels (SI) ont désormais 18 mois pour déployer leur réseau de centres VHU après obtention de leur agrément. Les centres VHU, quant à eux, vont devoir poursuivre la structuration de leurs activités pour répondre aux cahiers des charges des éco-organismes et SI.
Systèmes individuels et éco-organismes se mettent en place
Constructeurs, recycleurs et remanufacturiers : c’est tout l’écosystème de l’économie circulaire automobile qu’a choisi de réunir la Feda, le 4 avril dernier, pour son premier CDA de l’année. Au cours de trois tables rondes, les différents acteurs de la chaîne de valeur du recyclage de véhicules sont intervenus à tour de rôle pour aborder les nouveaux enjeux auxquels ils font face avec la mise en place de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP).
Parmi eux, les constructeurs se sont évidemment mis en ordre de marche pour respecter leurs nouvelles obligations. Depuis le 1er janvier 2024, ils doivent notamment déployer les éco-organismes et systèmes individuels (SI) tenus d'assurer notamment la collecte des véhicules hors d’usage (VHU). Chez Stellantis, on a logiquement fait le choix d’un système individuel avec Valorauto, coentreprise développée avec Galloo. Même stratégie du côté de VW qui s’est associé avec la marque MAN.
"Nous avons fait le choix d’un SI mais pas pour l’ensemble de nos marques, nuance Aymeric Jobelot, chef de programme environnement du constructeur. Certaines d’entre elles, comme Bentley et Lamborghini, feront le choix de l’éco-organisme qui est plus adapté à leur parc roulant. Les enjeux et attentes entre les marques généralistes et les marques premium ne sont évidemment pas les mêmes."
Compte tenu de sa représentativité sur le marché, le groupe Volvo a également opté pour l’éco-organisme. La marque a notamment rallié BMW, Mercedes-Benz et Mitsubishi Motors au sein de "Recycler mon véhicule", éco-organisme né dans le giron de la Csiam. "Nous avons déposé notre dossier, il est en bonne voie", souligne Jean-Marc Bigois, responsable support réseau du constructeur suédois.
Un maillage d’environ 800 centres pour couvrir le territoire
Pour répondre à leurs exigences, éco-organismes et systèmes individuels vont devoir, dans les prochaines semaines, constituer leur maillage de centres VHU. "La loi nous laisse 18 mois pour déployer notre réseau après obtention de notre agrément", précise Thomas Delgado, président de Valorauto.
L’entreprise s’est déjà attelée à cette tâche pour le compte de Stellantis, dont les marques représentent chaque année entre 500 000 et 800 000 véhicules mis au rebut (soit environ 45 % du parc total de VHU). "Nous comptons actuellement 350 centres VHU et nous avons l’ambition d’en réunir 600 à 800 centres à terme", précise Éric Consigny, responsable du recyclage et du développement durable dans la business unit Économie Circulaire de Stellantis.
Volkswagen, qui fédère aujourd’hui 380 déconstructeurs, vise un maillage similaire pour une couverture optimale du territoire. Une vision partagée par Florence Bailleul, directrice d’Indra Automotive Recycling, qui estime qu’il faudrait environ 800 centres VHU dans le pays pour proposer à chaque automobiliste une solution d’enlèvement dans un rayon de 30 km.
Or, il se trouve que parmi les quelque 1 700 démolisseurs du pays, 800 d’entre eux seraient suffisamment "matures", toujours selon Florence Bailleul, pour répondre aux nouvelles exigences de la REP, en particulier en matière de production de pièces de réemploi. Pas question toutefois pour les éco-organismes et SI d’ignorer les autres centres. "Nous ne signerons pas uniquement avec les centres producteurs de PRE, confirme Aymeric Jobelot. L’objectif est d’accompagner toute la profession qui réalise déjà un travail de grande qualité".
Quelles garanties pour les centres VHU ?
Du côté des centres VHU, les prochains mois s’annoncent effectivement très importants. Pour répondre aux cahiers des charges des éco-organismes et SI, ces derniers vont devoir poursuivre la structuration de leurs activités. "Ils vont faire face à de gros enjeux d’investissement", confirme Florence Bailleul. Selon la dirigeante, il est impératif de pérenniser les débouchés des déconstructeurs pour limiter leur dépendance aux fluctuations des cours des matières recyclables. "Il faut trouver les mécanismes pour sécuriser leurs investissements", insiste la directrice d’Indra Automotive Recycling.
Face à ces enjeux, Aymeric Jobelot invite d’ailleurs les déconstructeurs à signer avec tous les éco-organismes et SI du marché. Avec les éco-organismes, ça ne sera pas très compliqué : il suffira de répondre au cahier des charges de la filière REP. "Un éco-organisme ne pourra pas refuser un opérateur qui respecte ce cahier des charges. C’est une des exigences que nous avons obtenues du législateur", explique Patrick Poincelet, président de la branche des recycleurs de Mobilians.
Avec les SI, la situation sera différente, puisque les centres VHU devront également nouer avec chacun d’entre eux un contrat commercial dont les clauses restent encore confidentielles. Seule certitude, selon Patrick Poincelet, ces accords leur imposeront un certain nombre de contraintes. Pour quelle contrepartie ?
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"C’est toute la question ! Les systèmes individuels ne sont pas dans la capacité de s’engager sur un flux de VHU pour leurs centres partenaires, puisque la moitié des véhicules mis au rebut est aujourd’hui issue des particuliers. Compliqué dès lors de garantir que ces voitures seront bien collectées par les systèmes individuels des marques concernées", estime le dirigeant de Mobilians.
Des centres VHU pourraient "rester sur la touche"
Autre question qui reste en suspens : combien de déconstructeurs seront retenus par les SI et éco-organismes ? Si ces derniers semblent tous tabler sur un maillage d’environ 800 partenaires à l’échelle nationale, ce sont potentiellement plusieurs centaines de démolisseurs qui pourraient ainsi se retrouver sur le carreau… Et basculer alors dans l’illégalité.
"C’est une vraie menace, confirme Patrick Poincelet. On connaît les difficultés des pouvoirs publics à faire respecter la réglementation et mettre fin aux activités de cette filière illégale. Je crains que la situation empire si ces centres VHU restent sur la touche." Une crainte partagée par Thomas Delgado qui estime que l’État doit rester un garde-fou pour la filière et maintenir ses contrôles.
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Malgré ces préoccupations, Patrick Poincelet se veut confiant, estimant que les acteurs de l’écosystème VHU doivent désormais "se mettre autour de la table pour trouver une organisation dans laquelle chacun trouvera sa place".