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Distribution

La pièce technique ou la confirmation d'un marché à fort potentiel

Publié le 3 juillet 2024
Par Mohamed Aredjal
5 min de lecture
Portées notamment par un parc roulant vieillissant, les ventes de pièces techniques ne cessent de progresser depuis quelques années. Équipementiers et distributeurs adaptent leurs stratégies pour répondre à cette demande croissante, tandis que les ateliers s'équipent et se forment pour mieux gérer ces prestations autrefois réservées aux réseaux constructeurs.
pièces techniques
Porté par l'essor des ventes de pièces techniques, M&D France devrait enregistrer une nouvelle croissance de 20 % cette année, et dépasser le cap des 20 millions d'euros de chiffre d'affaires. ©M&D France

Faisons un jeu. Prenons plusieurs distributeurs et équipementiers du marché de la rechange, et interrogeons-les sur leur définition d'une pièce technique. Vous serez surpris de la diversité de leurs réponses. D'un interlocuteur à l'autre, le périmètre de cet ensemble de familles de produits se révèle effectivement plus ou moins large.

"Chacun a sa définition de la pièce technique. Y compris les distributeurs et les fournisseurs", reconnaît Christophe Court, category manager véhicules légers d'Alliance Automotive Group (AAG).

Chez Delphi, Thomas Julien, directeur force de vente, confirme qu'une définition précise reste complexe : "Chez Delphi, ça part de l'injection, en particulier du diesel, et ça s'étend à l'environnement moteur (débitmètres, capteurs, etc.)." Du côté de M&D France, on essaie de faire dans la simplicité : "La pièce technique, chez nous, concerne tout ce qui a un lien avec la gestion moteur", indique son président, Pierre-Loïc Olympie.

Un suivi plus précis dans les groupements

Face à cette terminologie aux frontières fluctuantes, les distributeurs doivent s'adapter. Chez IDLP, le spécialiste de la pièce technique, Christophe Combes, directeur des opérations, ajuste son discours en fonction de ses clients : "Dans le retail, la pièce technique, c'est le freinage, la PSD ou l'embrayage. Alors que chez nous, ça concerne plutôt la gestion moteur et la dépollution."

Pour suivre au mieux ce segment de marché et mesurer sa performance à périmètre constant, Alliance Automotive a décidé, il y a deux ans, de fixer un panier de pièces techniques, mis à jour avec l'évolution des références. "Nous avons essayé d'être en adéquation avec le marché tout en gardant quelques spécificités", précise Christophe Court. Exemple : ce panier intègre les pièces d'allumage ainsi que certains produits électriques, et notamment les machines tournantes.

"Dans ce panier, nous distinguons les produits avec des taux de rotation plus importants (bougies d'allumage, par exemple) de ceux aux besoins de disponibilité moins récurrents, comme les capteurs. Il y a donc les pièces techniques de grande vente, et les pièces « techniques-techniques » qui nécessitent un accompagnement plus poussé", complète Marc Ripotot, directeur achats et marketing d'AAG.

Dans les rangs d'Autodistribution, on a plus ou moins suivi la même stratégie avec une liste de sous-familles de produits apparentés comme pièces techniques. "Pour un suivi commun, c'était plus simple", affirme Nicolas Touchant, directeur commerce B2B et pricing. Cette liste comporte quatre gammes de produits majeures : les injecteurs, les turbos, les vannes EGR et les filtres à particules.

Croissance à deux chiffres

Si l'exercice de la définition reste complexe, une chose est sûre : la pièce technique a le vent en poupe. "C'est une famille en croissance permanente, de 15 % minimum, depuis au moins cinq ans", souligne Nicolas Touchant. Du côté d'IDLP, les hausses de volumes sont aussi au rendez-vous. "C'est une famille qui croît de plus de 15 % tous les ans. Depuis 2022, nous avons des augmentations plus importantes, supérieures à 30 %", confie Christophe Combes.

A lire aussi : Turbos : se distinguer pour exister

Ce dynamisme est également perceptible chez les fournisseurs. À l'image de Corteco, dont toutes les lignes de produits sont en hausse. "L'étanchéité progresse de 17 %, et l'antivibratoire de 10 %", précise Fabrice Boscharinc, directeur commercial France. Le groupe Bosch enregistre aussi une croissance de son activité sur ce segment de marché.

Une majorité de nos ventes sont animées par les capteurs (d'échappement et de gestion moteur), ce qui fait de cette gamme l'une des plus dynamiques. Les pièces d'allumage connaissent également un bon dynamismetémoigne Laëtitia Chopard, responsable commerciale Tech & Truck de l'équipementier allemand.

L'essor des ventes de capteurs est confirmé dans les rangs de Niterra, où Marjorie Mezghiche, responsable marketing, souligne la bonne forme des ventes de sondes lambda et de vannes EGR. "La marque NTK prend toujours plus d'importance, à tous les niveaux. […] C'est en cohérence avec la demande sur le marché."

Démocratisation en cours

Pour justifier l'essor de ces familles de produits, plusieurs raisons peuvent être avancées, dont le vieillissement du parc. L'âge moyen des véhicules s'élève à 11,9 ans, selon AAA Data. Mécaniquement, les ateliers sont amenés à remplacer plus fréquemment ces pièces arrivant en fin de vie.

"Le parc circulant est de plus en plus vieux, ce qui soutient la demande", analyse Guillaume Denormandie, directeur des achats et marketing de MS Motorservice. Il pointe aussi le taux d'équipement des véhicules roulants. "Nous observons une hausse des ventes de pompes à eau électriques. Ce produit, autrefois réservé aux véhicules haut de gamme, s'est généralisé en première monte."

Cette évolution du parc automobile a conduit les professionnels de la rechange à élargir leur expertise. À commencer par les grossistes. "Les distributeurs ont vu une opportunité commerciale, confirme Guillaume Denormandie. Ils ont pu développer cette nouvelle source de chiffre d'affaires avec l'accompagnement des fournisseurs."

Un sentiment partagé par Pierre-Loïc Olympie, témoin d'une démocratisation de ces pièces pour lesquelles on avait le "réflexe constructeur". Mais le sourcing de ces familles de produits reste complexe : les distributeurs doivent composer avec plusieurs équipementiers pour couvrir les besoins des réparateurs. Chez AAG, Marc Ripotot reconnaît qu'il est plus difficile de proposer des "offres complètes" pour ces produits.

Sur les familles traditionnelles, nous avons des fournisseurs capables de répondre à 80/90 % des besoins du parc. Pour couvrir l'intégralité des besoins sur une gamme de pièces techniques, il faut parfois quatre à six fournisseurs différentsconfirme Nicolas Touchant.

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Outre les distributeurs, les réparateurs ont, eux aussi, suivi l'évolution du parc. Ce qui s'est traduit par un étoffement de leur portefeuille de services. "Il y a une montée en compétences de la majorité des MRA", juge Fabrice Boscharinc. Même constat pour Thomas Julien : "Les garagistes n'ont plus peur de changer ces pièces. Le développement des outils de diagnostic a bien aidé aussi. […] C'est tout un environnement technique qui a progressé avec la formation et la professionnalisation des ateliers."

Chez Bosch, Laëtitia Chopard a également observé un changement de mentalités dans les ateliers : "Là où, il y a quelque temps, les garagistes avaient tendance à acheter leurs pièces auprès du réseau constructeur pour être sûrs d'avoir la bonne référence, ils s'investissent maintenant dans la formation pour mieux appréhender la technicité des véhicules."

Hotlines dédiées

Pour les accompagner dans cette montée en compétences, de nombreux équipementiers ont développé des services et un support spécifiques. Bosch propose des formations, campagnes de communication et actions commerciales ciblées. Même stratégie chez Delphi, qui a fait de la formation un pilier de son offre, capitalisant notamment sur son programme Masters of Motion.

Chez les distributeurs, on n'hésite pas non plus à fournir un support adapté pour la vente de ces produits. À l'image d'Alliance Automotive et ses deux hotlines dédiées : l'une consacrée au référencement produits et répondant aux besoins des grossistes, l'autre destinée aux garages.

Cette hotline explose : les produits sont de plus en plus complexes, et les réparateurs veulent faire le moins d'erreurs possibletémoigne Christophe Court.

La pièce technique et les VE devraient faire bon ménage

Si elle représente un marché en plein essor, la pièce technique risque-t-elle toutefois de décliner avec l'électrification du parc roulant ? La question est légitime, puisque de nombreuses gammes de produits devraient disparaître avec la généralisation des véhicules électriques. Mais sur ce sujet, les équipementiers restent confiants, estimant que de nouvelles prestations émergeront avec ces motorisations.

"Le développement des joints de moteurs électriques et de batteries va, à moyen terme, s'accélérer. Ce ne seront pas vraiment des pièces techniques, mais il est bon de noter que de la maintenance sera encore nécessaire sur nos produits avec les véhicules électrifiés", indique le directeur commercial France de Corteco.

Chez les distributeurs, ce travail prospectif a aussi été engagé. AAG commence à préparer la transition énergétique du parc avec le programme Nexdrive, qui comprend une gamme de pièces spécifiques, des formations ciblées pour les techniciens et plusieurs équipements indispensables pour la prise en charge de ces véhicules.

"Aujourd'hui, de plus en plus de pièces pour ces véhicules sont disponibles chez les fournisseurs. Ce qui nous manque, en revanche, c'est l'historique des plans d'entretien. Il est difficile d'identifier les pièces d'usure prévues dans les programmes de maintenance."

Autrement dit, du chemin reste à parcourir avant que l'offre des acteurs de la rechange indépendante s'ajuste à la conversion du parc roulant. Mais pas d'inquiétude chez ces acteurs, qui n'oublient pas que l'inertie de la transition énergétique joue en leur faveur.

"Nous avons encore dix à quinze années pendant lequel le parc thermique devrait rester majoritaire. D'autant que les VE n'arriveront pas dans les ateliers indépendants avant cinq ans. On regarde donc tout ça un peu de loin…", conclut Nicolas Touchant.

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