S'abonner
Equipementiers

Marlène Carrias-Iked (Valeo Service) : "Les MDD ne sont pas une menace"

Publié le 18 avril 2024
Par Mohamed Aredjal
8 min de lecture
Au terme d'une année 2023 marquée par une croissance soutenue, Valeo Service affiche un chiffre d'affaires record de 2,27 milliards d'euros. En charge du marketing, du digital et de l'innovation, Marlène Carrias-Iked dévoile les clés de cette réussite, portée par une offre produits en constante évolution, et par les engagements du groupe en matière d'économie circulaire et de réduction des émissions de CO2.
Carrias Iked Valeo
Marlène Carrias-Iked estime que l'essor des MDD constitue une réelle opportunité pour Valeo Service, qui accompagne depuis plusieurs années ses clients distributeurs dans le développement de leur marque. ©Valeo

Pouvez-vous nous présenter les résultats de l'activité aftermarket de Valeo Service pour l'année écoulée ?

 Nous sommes, pour la cinquième année consécutive, dans une dynamique de croissance. L'activité de Valeo à l'après-vente a dégagé un chiffre d'affaires de 2,27 milliards d'euros. C'est le record du groupe à l'aftermarket. Cette performance est probablement aidée par le marché. Mais nous pensons qu'elle est aussi portée par notre stratégie, baptisée "Steps", qui doit préparer notre futur. Le groupe a, en effet, l'ambition de rester un partenaire de confiance, intelligent et durable, qui offre à ses clients une expérience haut de gamme, des produits révolutionnaires et des services de qualité supérieure. Cette stratégie, que nous déployons depuis trois ans, oriente de plus en plus nos projets.

Qu'en est-il du développement de l'offre produits de Valeo Service ?

C'est certainement l'un des catalogues les plus larges du marché avec 13 familles de produits en tourisme, et 10 en poids lourd. Il est en développement permanent. Pour vous donner un ordre de grandeur, nous mettons sur le marché près de 4 000 nouvelles références par an.

Parmi nos gammes principales, nous avons bien sûr tous les produits autour de l'embrayage, qui connaissent un succès avéré depuis plusieurs années, en particulier les DVA (doubles volants amortisseurs) qui s'étoffent cette année de 100 nouvelles références. Notre catalogue s'est également renforcé avec les kits à actionneurs hydrauliques issus de l'intégration de notre marque FTE.

La deuxième famille de produits pour laquelle nous enregistrons une vraie dynamique, c'est celle des balais d'essuie-glaces. Pour cette gamme, qui a longtemps été banalisée, nous avons deux mots clés : innovation et création de valeur. Ces deux dernières années, nous avons lancé la gamme Evergarde, les premières lignes d'essuyage avec du silicone en Europe, qui offrent une durée de vie prolongée. Nous avons aussi innové avec l'Aquablade, qui améliore l'efficacité d'essuyage et donc la sécurité du conducteur. Et évidemment, le groupe a lancé l'an dernier Valeo Canopy, le premier balai d'essuie-glaces écoconçu.

Nous avons également beaucoup travaillé sur la famille freinage, qui s'est enrichie avec le lancement d'une nouvelle gamme, Valeo E-Performance, dédiée aux véhicules hybrides et électriques.

Un focus aussi sur la gamme éclairage : c'est la plus complète du marché, y compris sur les produits avec un marquage d'origine visible. C'est notamment le cas des véhicules du groupe Stellantis, avec lequel nous avons un accord. Un dernier mot, enfin, sur la gestion thermique. Cette gamme devrait connaître une seconde jeunesse du fait des enjeux de refroidissement des batteries des véhicules électriques.

L'électrification du parc roulant s'accélère depuis quelques années. Comment préparez-vous l'arrivée de ces véhicules sur le marché de la rechange indépendante ?

Nous nous y préparons depuis très longtemps. Depuis maintenant plus de quatorze ans, la réduction des émissions de CO 2 est au cœur de notre stratégie. Cet engagement en première monde place Valeo comme l'un des leaders mondiaux de l'électrification, tant sur la transmission que sur la gestion thermique.

Nous capitalisons sur cette expertise pour aider nos clients dans cette transformation.

Et ce, avec deux axes clés. Le premier, c'est la mise à disposition de tous les produits qui sont dédiés à l'équipement des véhicules électriques et hybrides. Au catalogue, en 2024, nous disposons ainsi d'onduleurs, d'"on-board chargers", de systèmes de gestion thermique des batteries, de convertisseurs, etc. Le deuxième volet porte sur l'évolution des compétences techniques des ateliers.

Le support technique est effectivement devenu un enjeu majeur pour l'après-vente. Quelles sont les solutions mises à la disposition des réparateurs par Valeo Service ?

C'est un virage que nous avons vraiment pris il y a cinq ans, avec le développement progressif d'une expertise en termes de support technique et de formation. Le support technique repose chez nous sur une plateforme d'assistance : TechAssist, accessible en ligne dans plus de 20 pays. Au sein de TechAssist, les réparateurs peuvent retrouver notre outil Pathfinder, qui permet d'identifier les bonnes pièces pour chaque véhicule. Ils peuvent aussi accéder aux informations sur les instructions de montage et aux tutoriels, que nous essayons de rendre le plus pragmatiques possible.

TechAssist, en 2023, a compté 1,2 million d'utilisateurs professionnels dans le monde. Et chaque année, ce chiffre grossit.

Afin de partager ce support technique au plus grand nombre, nous avons construit notre module TechAssist sous un format de connecteur API. Ce qui signifie, pour faire très simple, qu'il est possible d'intégrer ce contenu directement dans l'extranet de nos clients. TechAssist existe déjà dans une dizaine d'interfaces de clients partenaires.

L'autre volet de notre accompagnement technique porte sur la transformation des compétences. Dans ce domaine, nous avons déployé en 2023 plus de 135 000 sessions de formation dans le monde. Ce sont notamment des formations digitales avec des modules assez courts. En parallèle, nous avons aussi développé nos formations en face-à-face. L'an dernier, nous estimons avoir formé l'équivalent de 15 % des mécaniciens dans les pays européens où nous sommes présents. Sur le marché chinois, nous avons formé près de 10 % des mécaniciens dans les principales villes du pays.

Prévoyez-vous d'enrichir cette offre avec de nouvelles solutions ?

À partir de cet été, nous allons franchir dans ce domaine une étape dans plusieurs pays d'Europe, et notamment en France. Nous préparons, en effet, un nouveau pack pour accompagner les mécaniciens dans la transition vers toutes les nouvelles technologies, en particulier l'électrique et les nouvelles technologies d'assistance à la conduite. Je ne peux pas encore le détailler précisément, mais il a été conçu avec une approche très pragmatique et très opérationnelle, avec des outils inédits sur le marché de la rechange indépendante. Notre objectif, c'est de permettre aux mécaniciens de maintenir et entretenir ces nouvelles technologies de façon sécurisée, efficace et certifiante. Ce projet devrait voir le jour au cours de l'été.

Les MDD sont en vogue sur le marché de la rechange. Leur progression pourrait-elle pénaliser les marques premium ?

Déjà, il faut rappeler que les MDD ont toujours existé. Avec le vieillissement du parc roulant dans le monde et les problématiques de pouvoir d'achat, c'est effectivement un segment qui est en croissance significative. Or, nous nous positionnons sur ce marché puisque le groupe est un fournisseur de MDD. Et sur ce sujet, nous proposons, là encore, le portefeuille de produits le plus large du marché : essuie-glaces, transmission, étriers de frein et machines tournantes. Nous bénéficions d'une vraie reconnaissance sur le volet qualité de la part de nos clients distributeurs qui nous font confiance. Il y a un autre aspect important concernant les MDD : lorsque nos équipes se lancent sur ces projets, elles le font avec un panel de services étendus intégrant la conception d'emballage, le support marketing, le "cataloguing", etc. Donc, non, les MDD ne sont pas une menace, elles font même partie de nos activités.

Le sourcing de ces MDD semble pourtant exotique pour certaines d'entre elles…

Ce n'est pas le cas pour Valeo. La qualité reste un maître mot chez nous. Nous travaillons avec plusieurs groupements que je ne peux évidemment pas citer, mais c'est une réalité de notre activité. Depuis les deux dernières années, nous avons même une personne dédiée à ces sujets dans nos équipes marketing Europe.

Il y a une vraie demande, et nous avons donc d'importants projets derrière. Ce ne sont pas que des effets d'annonce.

Pour répondre aux besoins du parc vieillissant, le groupe envisage-t-il de développer une seconde marque dépositionnée ?

Le groupe s'est déjà positionné sur ce sujet puisque nous avons, pour certaines gammes de produits, des offres d'entrée de gamme. C'est le cas pour des produits de maintenance comme l'essuyage et le freinage avec la gamme Valeo First. Et c'est le cas sur l'embrayage avec une gamme qui s'appelle Valeo Classic. Là encore, c'est une tendance marché que nous avons intégrée dans notre offre.

Valeo Service a fait de l'économie circulaire l'un de ses axes de développement prioritaires avec sa stratégie "I care 4 the planet". Que représente cette activité aujourd'hui pour le groupe ?

Ce programme "I care 4 the planet" vise à réduire les impacts négatifs sur l'environnement de l'activité de l'après-vente automobile. Il s'articule autour de trois grands thèmes. Le premier, c'est l'innovation, avec notamment des produits écoconçus comme Valeo Canopy qui permettent de réduire de plus de 60 % les émissions de CO 2. Le deuxième axe, c'est la préservation des ressources naturelles. À cette fin, nous développons nos produits issus de l'économie circulaire, en particulier avec le reman' qui permet de réutiliser 80 % de la matière de ces pièces. Enfin, le troisième thème porte sur la décarbonation des mobilités. Ce qui inclut tout ce dont on a déjà parlé sur les équipements des véhicules électriques.

Mais ce n'est pas tout : désormais, nous accompagnons également les acteurs du rétrofit pour leur permettre de transformer des véhicules conventionnels en électriques. Nous nous appuyons sur notre savoir-faire autour de l'électrification pour créer des packs de composants. Nos experts assistent également les rétrofiteurs sur des sujets liés à l'ingénierie. Nous venons de lancer cette offre, destinée en particulier aux véhicules utilitaires légers. Enfin, pour parfaire nos solutions autour de la décarbonation, nous avons lancé Valeo Ineez, une gamme complète de solutions de recharge électrique. Cette famille de produits comprend des câbles, des chargeurs mobiles et des stations de recharge.

Valeo veut doubler son volume de pièces remanufacturées d'ici à 2030. Comment comptez-vous parvenir à cet objectif ?

Le remanufacturing chez Valeo, ce n'est pas nouveau. Le groupe s'appuie sur quarante ans d'expertise. Aujourd'hui, cette activité représente un million de pièces re-manufacturées pour 8 000 références. Ce portefeuille très large inclut les démarreurs, les alternateurs, les compresseurs de climatisation, les étriers de frein et les embrayages pour poids lourds. Il y a trois axes majeurs pour étendre notre activité reman'. Le premier, c'est l'extension du catalogue à d'autres familles de produits, et notamment à des technologies plus récentes.

C'est une stratégie que nous avons déjà lancée puisque nous proposons désormais du remanufacturing pour les volants bimasse, les convertisseurs de couple, les doubles embrayages humides ainsi que les dernières générations d'alternos-démarreurs. Notre plan de développement prévoit aussi la remise à neuf de phares, d'écrans et de caméras frontales. Le groupe s'est d'ailleurs illustré l'an dernier en lançant, avec son partenaire Stellantis, la première caméra remanufacturée. Outre l'extension de notre offre de produits, nous étendons aussi notre périmètre géographique. Nous sommes très bien implantés en Europe avec trois sites en France, en Pologne et en Slovaquie. Mais notre activité est perturbée par les réglementations actuelles qui classent les carcasses comme des déchets. Ce qui entrave l'importation de pièces remanufacturées. Raison pour laquelle nous recherchons des solutions locales adaptées.

Enfin, le troisième volet est un acte un peu plus militant. Tout d'abord, nous voulons faire tomber un certain nombre d'idées reçues, dont tous les problèmes liés à la perception de la qualité.

Notre credo chez Valeo, c'est que le re-man' est "as good as new" (comme neuf, ndlr). Pour cela, nous nous appuyons sur un processus industriel extrêmement exigeant. Ce qui nous permet de proposer une garantie de deux ans sur toutes les pièces remises à neuf.

L'autre sujet qui nous mobilise, c'est la simplification du processus de collecte de carcasses. Pour lever les contraintes sur ce sujet auprès des garagistes, tous les produits Valeo remanufacturés disposent désormais d'une consigne à prix unique. Il n'y a plus de calculs compliqués, et ça permet d'avoir une évaluation immédiate de la note de crédit. Et nous nous sommes engagés à établir les notes de crédit sous 48 h après le tri des carcasses.

Vous avez inauguré en 2023 votre catalogue de produits biosourcés et écodesignés, avec l'offre de balais d'essuie-glace Canopy. Les premiers résultats sont-ils à la hauteur de vos attentes ?

Cette gamme a été présentée l'été dernier et commercialisée en fin d'année. Canopy est à ce jour distribuée dans plus de 18 pays en Europe, et en Chine. C'est donc très prometteur. Autre élément positif : tous les différents canaux de distribution ont répondu positivement à ce lancement, aussi bien la distribution traditionnelle que le retail et les e-commerçants. Le démarrage est très intéressant, mais il faut attendre un cycle complet de commercialisation pour tirer un vrai bilan.

Quelles prochaines familles de produits seront commercialisées dans ce catalogue de produits écoresponsables ?

Nous travaillons sur plusieurs nouveaux produits écodesignés, dont l'un – voire plus si affinités – sera lancé au second semestre. Je ne sais pas encore s'il portera le nom Canopy mais une chose est sûre, ce sera un produit designé autour de deux axes : la préservation des ressources naturelles et l'allongement de la durée de vie.

La décarbonation du secteur passe également par une optimisation des flux logistiques. Comment travaillez-vous sur ce sujet avec vos clients distributeurs ?

Sur l'optimisation des flux usines/ clients, il y a trois volets importants. Dans un premier temps, dès que c'est possible, nous encourageons les livraisons directes, sans passer par des entrepôts intermédiaires, comme c'est souvent le cas dans la profession. En 2023, 14 millions de pièces ont transité en direct de nos usines vers les entrepôts de nos clients. Et parce que nous sommes investis dans une démarche vertueuse, nous nous sommes engagés à planter un arbre à chaque fois que nous livrons une tonne de produits directement chez nos clients. L'an dernier, nous en avons planté 62 000. En parallèle, nous avons aussi travaillé plus en amont sur nos sites pour les rendre moins énergivores. Nous disposons notamment d'usines certifiées ISO 50001.

A lire aussi : Matthieu Simon (Roland Berger) : "Améliorer les flux de l'aftermarket pour réduire son bilan carbone"

Enfin, nous portons une attention très particulière au packaging de nos produits, qui est de plus en plus respectueux de l'environnement. Pour notre gamme essuyage, par exemple, 100 % des emballages sont en carton recyclable. Nous avons aussi éradiqué les petits composants plastiques de l'intérieur des emballages des machines tournantes, des embrayages ou encore ceux des compresseurs de climatisation. Tous ces efforts ont permis d'éviter 435 tonnes de plastique !

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

cross-circle