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ZFE : la prime à l'opportunisme

Publié le 18 septembre 2023
Par Florent Le Marquis
5 min de lecture
Face au flou qui entoure les restrictions liées aux zones à faibles émissions (ZFE), les réseaux de maintenance automobile et de contrôle technique situés dans les territoires concernés doivent réagir. Les premiers misent sur la diversification, quand les seconds aimeraient jouer un rôle dans une refonte du système Crit'Air.
Speedy ZFE
S'il est difficile de prévoir combien de centres pourraient pâtir d'un durcissement des ZFE, Speedy a déjà franchi le pas de la diversification pour compenser d'éventuelles baisses d'entrées en atelier de véhicules thermiques. ©Speedy

Attendre un calendrier définitif n'est pas une option. La loi Climat et résilience de 2021 prévoyait l'instauration de ZFE-m (zone à faibles émissions-mobilité) dans les 43 agglomérations françaises de plus de 150 000 habitants d'ici à 2025. Onze métropoles sont déjà concernées, les véhicules Crit'Air 5, 4 voire 3 y étant exclus selon les zones. Le comité ministériel du début de l'été a laissé entendre que seules Paris (qui a repoussé l'exclusion des Crit'Air 3), Marseille, Lyon, Strasbourg et Rouen devraient durcir les interdictions. Les métropoles n'ayant pas dépassé le seuil de pollution restent des "territoires de vigilance", où seuls les véhicules immatriculés avant 1996 connaîtront des restrictions d'ici au 1er janvier 2025. Selon le gouvernement, cela concerne 3 % du parc roulant (les Crit'Air 4 et 5 cumulés représentent 9 %, et les Crit'Air 3,22 %).

Du cas par cas, des dérogations et des décalages qui donnent des maux de tête aux acteurs qui pourraient pâtir des ZFE, notamment les réseaux automobiles situés dans les zones concernées. Parmi eux, les centres de contrôle technique s'interrogent sur les conséquences des restrictions liées à la circulation dans ces territoires. "Entre 30 et 40 % des 6 700 centres de France pourraient être concernés", alerte Karine Bonnet, directrice générale de Dekra Automotive, qui précise que de moins en moins de sites s'implantent en centre-ville des grosses agglomérations.

Du côté des enseignes de centres autos et de réparation rapide, les situations divergent. Point S n'a pas grand motif d'inquiétude. "Moins de 5 % de nos centres pourraient être concernés, car nous sommes historiquement implantés en zones semi-rurales voire périurbaines, avance Lionel Haberlé, directeur communication et marketing. Les ZFE ne nous impacteront donc que faiblement, contrairement aux fast-fitters qui sont très présents dans les centres-villes."

Des réseaux comme Speedy et Midas ont en effet, a priori, plus de soucis à se faire. Julien Gourand, directeur général de Midas France, rappelle que 40 % de son réseau est en centre-ville, mais tient à tempérer. "Le sujet est tellement mouvant qu'on ne peut pas savoir si ces 40 % subiront un impact."

S'adapter sans attendre

Logiquement, la question de l'avenir de ces garages dans les ZFE se pose. Et les réponses peuvent faire froid dans le dos. "Ils mettront la clé sous la porte", anticipe Laurent Palmier, PDG de Sécuritest. Il poursuit : "On parle de dérogations pour accéder aux centres… Mais l'automobiliste qui n'a pas la bonne vignette n'ira pas dans la zone concernée juste pour effectuer son contrôle technique. Beaucoup en changeront." De là à prévoir une délocalisation vers des espaces non concernés par les ZFE… Peut-être pour les centres de contrôle technique, mais cela semble moins vrai pour les garages.

Pourtant, Lionel Haberlé leur prédit un "double effet Kiss Cool" : "Non seulement il y aura moins de véhicules dans ces zones, mais ce seront des voitures moins âgées, car elles devront respecter les normes Crit'Air." Loin de tendre la joue, les fast-fitters préparent l'avenir. "Nous avons déjà lancé notre mouvement de transformation, et voyons ce contexte comme une opportunité", affirme Romain Vancappel, directeur de la stratégie de Speedy France. Le réseau aux quelque 500 centres en France a entrepris depuis quelques années de se positionner comme "apporteur de solutions de mobilité". Comprenez que Speedy ne veut pas se placer comme réparateur de voitures thermiques, mais comme enseigne s'adressant aussi à d'autres types de véhicules.

La stratégie de Midas est similaire. "Nous voulons être capables de traiter toutes les solutions technologiques : les véhicules thermiques avec des critères de pollution plus stricts, mais aussi les VE qui vont être de plus en plus présents en centre-ville, expose Julien Gourand. C'est un marché particulier qui demandera peut-être moins d'opérations de maintenance mais beaucoup de réparations, avec des factures moyennes qui nous permettront de continuer le business."

La diversification comme solution

Pour accéder aux nouvelles compétences requises par l'entretien des VE, Midas a mis l'accent depuis trois ans sur la formation des réparateurs de son réseau. Il en va de même pour Speedy. "Tous nos techniciens sont formés pour intervenir sur des véhicules électriques", insiste Romain Vancappel.

La stratégie de diversification du fast-fitter va même plus loin. "Étant un réseau de proximité, nous avons décelé une opportunité à saisir sur les bornes de recharge, dont le déploiement en France n'est pas optimal. Nous installons donc progressivement des bornes dans les centres Speedy, poursuit le directeur de la stratégie. Nous sommes par ailleurs le réseau de réparateurs numéro un sur la conversion au bioéthanol, avec plus de 12 000 boîtiers vendus. Cela permet à nos clients qui ont un véhicule âgé de basculer vers une situation plus propre et plus économique. Enfin, nous nous lançons sur l'entretien des scooters et motos dans les grandes villes avec, dans un premier temps, deux centres pilotes en région parisienne."

Contrôle technique ZFE

Les réseaux de contrôle technique aimeraient être pris en compte pour définir si un véhicule peut pénétrer dans une ZFE. Selon eux, le contrôle pollution le permet. ©Sécuritest

Côté deux-roues, Midas a choisi, à l'instar de Point S avec son concept Écomobilité, de se dédier à l'électrique. Le fast-fitter a lancé Cycloo en 2022, espace consacré à la réparation de vélos et trottinettes électriques. "Cela ne viendra pas remplacer le business voitures, reconnaît Julien Gourant. C'est du service complémentaire qui nous aide à nous positionner comme acteur des nouvelles mobilités."

Quoiqu'il en soit, les ZFE ne semblent pas inquiéter les réseaux de centres autos sur leur avenir. Speedy entend continuer d'améliorer son maillage territorial pour "accroître [sa] proximité" avec ses clients. Le fast-fitter est prêt à adapter sa façon de faire si nécessaire, entre digitalisation et intervention à domicile. "Nous travaillons sur des concepts de corners Speedy en cas d'impossibilité de monter un centre. Ce peut être un comptoir que l'on installe dans une gare ou un parking. Grâce à la digitalisation, on récupère le véhicule, on effectue l'intervention dans un garage, puis on va le rendre", détaille Romain Vancappel. Un test est en cours dans un parking francilien, et des projets sont prévus en province.

Et si la règle changeait ?

Ces prestations additionnelles doivent permettre de combler les éventuels creux que l'activité des garages pourrait subir avec la baisse d'affluence des véhicules thermiques et l'arrivée en masse des électriques. Mais elles n'effacent pas toutes les craintes. "Les ZFE génèrent une inquiétude pour certains centres, mais aussi plus généralement pour le marché automobile et sur un plan social. Les plus modestes ne pourront plus aller entretenir leur voiture. Ils n'auront pas non plus les moyens d'en acheter une neuve", pointe Laurent Palmier. Une dimension sociale qui renforce la volonté, chez certains, de voir un système individualisé se mettre en place.

Fin juin 2023, le rapport d'une mission flash du Sénat menée par Philippe Tabarot, sénateur des Alpes-Maritimes, a notamment mis cette idée en avant : instituer une vignette Éco Entretien pour les véhicules a priori exclus des ZFE mais qui respectent les seuils d'émissions polluantes définis dans le cadre du contrôle technique.

Une idée notamment soutenue par la Feda, et que les réseaux approuvent. "Nous connaissons l'intérêt du contrôle technique pour la sécurité routière depuis trente ans, mais le contrôle pollution a été renforcé depuis plusieurs années. Il faut montrer son utilité, lance Karine Bonnet. Il faudrait refondre le système Crit'Air et renforcer les critères sur les émissions polluantes, et par la même occasion les contrôles sur les particules fines lors du contrôle technique. Sans parler des NOx…" Une initiative qui aurait le mérite de maintenir sur la route de nombreux véhicules thermiques, de préserver le pouvoir d'achat des ménages concernés, tout en limitant les conséquences des ZFE sur l'activité des professionnels.

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