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Carrosserie

Patrick Cléris : "La présidence de la FRCI implique d'avoir le sens du bien commun"

Publié le 16 septembre 2023
Par Nicolas Girault
7 min de lecture
Patrick Cléris a récemment lancé un appel à candidatures pour le remplacer à la présidence de la Fédération des réseaux de carrossiers indépendants (FRCI). Pour le J2R, il dresse le bilan de ses sept années de mandat et présente quelques pistes de travail à son successeur. Objectif : continuer à servir les six principaux réseaux et l'ensemble de la profession.
Patrick Cléris, président de la FRCI
Patrick Cléris, président de la FRCI depuis 2016. ©FRCI

J2R : Vous êtes le second président de la FRCI. Aussi, pouvez-vous revenir sur la genèse de la Fédération ?

Patrick Cléris : La FRCI a été créé autour des années 2010, à l'initiative de Guy Martin, l'ancien président de la Fédération française de carrosserie (FFC). Il avait considéré à l'époque qu'il fallait que les carrossiers se regroupent, comme commençaient à le faire les experts automobile et les assureurs. Ils devaient avoir la même éthique, la même philosophie pour travailler ensemble.

Les premières réunions de la FRCI se sont donc tenues au sein de la FFC. Puis après, il a été question de bien séparer la problématique syndicale de celle des réseaux [Acoat Selected, AD Carrosserie, Autoneo, Axial, Five Star et Precisium Carrosserie/Top Carrosserie, ndlr]. Il y a donc eu un arbitrage pour se démarquer.

Le premier président de la FRCI a été Philippe Gervasoni, six ans de suite. Il avait déjà présidé Axial et possédait des carrosseries dans l'Est de la France. Il commençait à les confier à ses enfants, prendre du recul et ainsi dégager du temps pour s'occuper de la Fédération.

 

J2R : Quels ont été les principaux apports de la fédération à l'époque ?

P.C. : L’objectif était de faire travailler les réseaux existants. Il fallait les mettre ensemble autour d'une table sur une thématique commune, afin de porter des projets. Le point de départ de ce socle commun a été la mise en place de la norme Afnor des carrossiers dès 2011. Celle-ci visait à donner une référence, une image de marque en commun, à présenter notamment aux apporteurs d'affaires. Encore aujourd'hui, elle met en avant les process, les contraintes et les conditions de réparation des véhicules dans les règles de l'art.

"Le point de départ de ce socle commun a été la mise en place de la norme Afnor des carrossiers dès 2011."

Ensuite, la FRCI a aussi effectué un travail de valorisation des réseaux. Celle-ci a été matérialisée à l'époque par une collaboration avec Décision Atelier, pour organiser la soirée du Panorama des réseaux. La Fédération y valorisait les métiers de la carrosserie avec l'appui de la presse… Depuis quatre ans nous avons renouvelé la formule en l'organisant nous-mêmes avec les As des Réseaux, au moment d’Equip Auto, pour récompenser des réparateurs exemplaires.

 

J2R : Précisément, quel bilan dressez-vous de votre mandat ?

P.C. : En sept ans, nous avons beaucoup avancé. La FRCI est désormais mieux reconnue par l'ensemble des acteurs de la mobilité. Concrètement, nous avons mis pas mal de chose en place. Parmi elles, nous avons facilité le contrôle de sécurité obligatoire dans les entreprises en signant un accord avec un prestataire national (Dekra). Ensuite, un médiateur national entre carrossiers et experts automobile a été mandaté – Jean-Pierre Chevrot, pour trouver des solutions sur les dossiers litigieux. Un groupe de travail avec la CFEA (Confédération française des experts automobile) a été aussi activé. Ce rapprochement a permis de mieux appréhender les métiers de chacun.

"La FRCI constitue une boîte à outils. Cela étant, les carrossiers restent libres de les prendre ou pas, selon leurs besoins."

Aujourd'hui une commission travaille avec BCA Expertise sur la formation croisée des experts et des réparateurs sur la valeur du contradictoire. Auparavant, nous avons œuvré à améliorer les EAD, ainsi que l'outil informatique d'échange entre assureur, expert et réparateur. Ces travaux sont concrets et parlent à chaque entreprise. Et cela fait maintenant deux ans que nous travaillons ensemble. Nous restons aussi en contact avec la FFEA (Fédération française de l'expertise automobile).  Cela commence à se ressentir sur le terrain. J'ai l'impression qu'il y a moins de tensions entre carrossiers et experts, même si certaines persistent… Et c'est normal. Il reste encore du travail à faire dans ce domaine.

Autrement, la FRCI constitue une boîte à outils. Nous proposons des sujets aux directeurs de réseaux, qui sont habituellement adoptés à l'unanimité. Cela étant, les carrossiers restent libres de les prendre ou pas, selon leurs besoins. Nous avons essayé de trouver des solutions pour préserver la trésorerie des entreprises en travaillant avec un cabinet spécialisé (Taxsaving) sur les taxes foncières. Car, les carrosseries paient souvent des impôts fonciers importants, à partir de coefficients faussés, par manque de connaissance au moment des déclarations. En les réexaminant, notre service a permis de récupérer pas mal d'argent. Certains réseaux ont vu jusqu’à 65 % de leurs adhérents faire appel à ce prestataire.

"J'ai l'impression qu'il y a moins de tensions entre carrossiers et experts, même si certaines persistent… Et c'est normal. Il reste encore du travail à faire dans ce domaine."

Autre sujet : nous avons mis à disposition des adhérents de réseaux une structure permettant aux entreprises de glaner des subventions (avec la société Subventis), car, cela prend beaucoup de temps. Notre partenaire les accompagne pour trouver des aides financières dans leurs régions, selon leurs besoins (renouvellement d'équipements, travaux sur des matériaux composite, etc.), selon leur localité, leur environnement…

Des partenariats nationaux ont aussi été associés pour fournir de la main d'œuvre aux carrossiers. Nous avons ainsi signé un contrat avec l'Armée – il y a maintenant quatre ans – pour l'aider à reconvertir ses jeunes retraités qualifiés dans les ateliers. Parallèlement, nous allons signer une collaboration dans les semaines à venir avec les Compagnons du Tour de France. Nous étudions aussi quel sera notre rôle dans les prochaines Worldskills Monde, à Lyon en 2024.

 

J2R : Précisément, dans les domaines du recrutement, de la formation et de la valorisation des métiers de la carrosserie, vous avez aussi lancé Choc.media en septembre 2022. Un an après, où en est cette plateforme digitale ?

P.C. : Effectivement, Choc.media représente peut-être le point culminant de mon mandat. Cette plateforme valorise notre métier auprès de tous les publics, au travers de la publication de vidéos et de reportages sur la carrosserie… Mais elle constitue la première pierre d'un édifice plus vaste. Ainsi, nous devrions passer de Choc.media à Choc.emploi avant la fin de l'année.

Nous allons ainsi officialiser une nouvelle plateforme de recrutement pour répondre à ces besoins énormes au sein de la FRCI. Elle devrait centraliser des offres directes et indirectes venant d’autres plateformes – avec entrées et sorties – pour aider les carrossiers à embaucher du personnel.

 

J2R : Y-a-t-il un évènement ou une initiative qui vous a particulièrement marqué ?

P.C. : Le Covid a beaucoup modifié notre façon de travailler. Cet épisode a été à la fois très fort et très dur. Mais nous nous sommes aperçus qu'il y avait du sens à partager des sujets. L'enjeu n'était plus de développer les réseaux, mais de sauver les entreprises.

Il a fallu travailler groupés, avec les syndicats et la filière, en créant notamment un observatoire. Car, il fallait transmettre des informations descendantes et montantes chaque jour : savoir ce que le gouvernement mettait en place pour aider les entreprises et remonter les besoins et ressentis du terrain.

"Le Covid a beaucoup modifié notre façon de travailler. Cet épisode a été à la fois très fort et très dur."

Nous avons tourné une émission sur les réseaux sociaux avec des experts et des assureurs à Pau (64). Cela nous a permis par ailleurs d'échanger avec les assureurs et les syndicats, pour adapter un certain nombre de mesures comme le forfait Covid de 35 € aux carrossiers pour indemniser les mesures sanitaires, etc. Tandis que la mise en place de l'observatoire a permis de partager des dossiers au niveau national.

Aujourd'hui, nous nous interrogeons sur son avenir. Allons-nous faire un observatoire économique, social, sur l'emploi ou sur la RSE ? Nous en discutons pour identifier le sujet le plus important et le plus opportun. Il suffira ensuite de le reconnecter et de le réactualiser selon les besoins de chacun pour le réactiver.

 

J2R : Récemment, vous avez annoncé votre intention de quitter la présidence de la FRCI. Pour quelle raison décidez-vous de passer la main ?

P.C. : Effectivement, nous souhaiterions organiser la passation de pouvoir entre moi et mon successeur en décembre prochain. Je suis arrivé à la présidence de la FRCI lorsque Philippe Gervasoni a voulu partir pour des raisons personnelles… Comme moi aujourd'hui. Car, il faut savoir passer le flambeau au bon moment.

Dans nos statuts, il n'y a pas de période limite indiquée pour le mandat de président. Il s'agit d'un engagement volontaire et bénévole. Aussi, lorsque mon prédécesseur a exprimé son désir de partir, les six directeurs de l'époque, ont décidé de regarder autour d'eux et de réfléchir à qui pouvait prendre la suite. Si je me souviens bien, quatre candidats avaient été auditionnés à l'époque. Chacun a passé une demi-journée pour se présenter, expliquer ce qu'il avait fait, d'où il venait, ce qu'il pouvait apporter aux réseaux... Finalement, je pense avoir été choisi à la fois pour mon expérience de chef d'entreprise – à la tête de la carrosserie familiale depuis 30 ans et directeur d’une carrosserie industrielle dans le poids lourd 3 ans – sans oublier mon attachement à la vie publique et associative, engagée très jeune au service de ma commune Billère, près de Pau (64).

 

J2R : Quel est le profil recherché pour répondre aux besoins des réseaux ?

P.C. : Le rôle du président de la FRCI est de travailler pour 2 400 entreprises. Il doit savoir écouter, trouver des solutions et des passerelles pour réunir les réseaux sur certains dossiers. Nous travaillons sur le terrain avec des gens très intéressants : trois directrices et trois directeurs très complémentaires. Le président doit les fédérer pour avancer ensemble sur la technologie, les formations, le positionnement des réparateurs dans la mobilité de demain… On ne peut pas passer à côté.

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Je pense donc que mon successeur doit venir du milieu automobile, être de préférence une carrossière ou un carrossier passionné par son métier. Il ou elle doit bénéficier de suffisamment de temps pour prendre de la hauteur sur la profession. Sa maîtrise du métier lui permettra de répondre aux questions techniques, notamment lors des colloques. La présidence de la FRCI implique aussi d'avoir le sens du bien commun, du partage, de savoir se faire écouter, d'ouvrir des portes, d’apporter autour de la table des idées à forte valeurs ajoutées ou de faire rencontrer des nouveaux partenaires pour compléter encore et toujours notre caisse à outils.

 

J2R : Quels conseils donnerez-vous à votre successeur ?

P.C. : Une fois élu, il faut d'abord apprendre avec qui vous travaillez. On défend une cause passionnante : le métier de la carrosserie. Mais une fois qu'on a dit ça, on œuvre avec des réseaux commerciaux qui sont là pour porter leur modèle économique sur le terrain en suivant des trajectoires qui peuvent être différentes mais complémentaires. Il est donc primordial de savoir ce qu'ils attendent de toi…

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Pendant les premières années, j'ai passé beaucoup de temps à rencontrer individuellement chacun des directeurs de réseaux, pour bien comprendre qui ils étaient, comment ils travaillaient, quelles étaient leurs ambitions, ce qu'ils attendaient de la FRCI, comment ils voyaient l'avenir de la carrosserie et ce que je pouvais faire pour eux. Cela m'a pris un an sans mettre en avant des projets. Mais je pense avoir ainsi gagné la confiance de chacun et j'ai évité de commettre des erreurs. Les réseaux sont concurrents sur le terrain et il faut trouver à chaque fois des dénominateurs communs. Ainsi, on a réussi à se parler pour toutes circonstances et même à devenir amis ! C’est le principal.

Le président de la FRCI doit savoir faire émerger le métier de carrossier. Mon successeur devra développer et ajuster la plateforme Choc, pour l'adapter aux évolutions du métier… Il devra continuer à fédérer les réseaux pour les faire avancer ensemble sur l’évolution de la technologie, les formations, le positionnement des réparateurs dans la mobilité de demain… Pour l'aider, nous avons prévu que je l'accompagne pendant les six premiers mois de 2024. Elle où il peut compter sur moi.

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