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Vers un label pour les pièces issues de l'économie circulaire

Publié le 13 janvier 2025
Par Mohamed Aredjal
4 min de lecture
Face à l'augmentation des coûts de réparation et aux exigences environnementales croissantes, la pièce issue de l'économie circulaire (Piec) s'impose comme une alternative incontournable. Avec le lancement d'un label dédié, la filière veut accompagner les centres VHU dans une démarche de qualité et de durabilité.
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Le recours aux pièces de réemploi progresse dans les ateliers en France. ©J2R

Le 15 novembre dernier, l'association SRA (Sécurité et Réparation Automobiles) a réuni les professionnels de l'automobile pour présenter son label destiné aux pièces issues de l'économie circulaire (Piec).

Ce projet, qui cible en premier lieu les centres VHU (véhicules hors d'usage), marque une étape cruciale pour le réemploi automobile en répondant aux enjeux économiques et environnementaux actuels. Rodolphe Pouvreau (directeur de SRA) et Claire Lichawski (consultante indépendante chez Eurocycling) nous ont exposé les enjeux et objectifs de ce futur label.

Un contexte économique et environnemental porteur

En dix ans, le coût des réparations a augmenté de 59 %, principalement en raison de l'augmentation des prix des pièces détachées (+73 %). De plus, les assureurs sont confrontés à la nécessité de réduire leur empreinte carbone. Un impératif renforcé par des objectifs plus stricts de responsabilité environnementale.

La pièce de réemploi s'impose donc comme une solution incontournable. Elle permet de diminuer les coûts de réparation – les Piec étant jusqu'à 70 % moins chères que les pièces neuves – et de limiter significativement l'impact environnemental. Pourtant, malgré une légère hausse du recours aux produits de seconde vie en France, leur part reste faible dans l'après-vente : seulement 5 % des pièces remplacées en 2022, contre 10 % à 20 % dans d'autres pays.

Un cadre réglementaire favorable à l'usage de Piec

Le label Piec s'inscrit dans une dynamique législative encourageante. En France, la loi Agec (Anti-gaspillage pour une économie circulaire) de 2020 a marqué une étape clé en révisant la filière REP (Responsabilité élargie des producteurs). Ainsi, le législateur impose des taux annuels d'incorporation de Piec, adaptés à chaque catégorie de véhicules. Des décrets et arrêtés complémentaires viennent renforcer ce dispositif.

Les producteurs ont désormais l'obligation de fournir aux centres VHU les référencements d'origine des pièces. Cette avancée simplifie et accélère leur démontage et valorisation. Par ailleurs, une disposition prévoit que les pièces extraites en vue d'une réutilisation ne sont plus considérées comme des déchets. Cette sortie de statut facilite ainsi leur exportation et leur commercialisation, explique Claire Lichawski.

Depuis octobre 2024, l'obligation pour les professionnels de la réparation de présenter des devis intégrant à la fois des pièces neuves et des Piec a été étendue aux deux-roues, élargissant le champ d'application de la loi.

Rappelons qu'à l'échelle européenne, un règlement est en préparation pour remplacer la directive de 2000. Ce futur texte apportera des mesures encore plus favorables au développement du réemploi : extraction obligatoire de certaines pièces, obligation pour les réparateurs de proposer des solutions en réemploi, incitations fiscales à l'appui.

Quels sont les objectifs du label Piec ?

Ce label sera "à destination des entreprises d'assurance adhérentes de SRA pour évaluer les professionnels du recyclage automobile dans leur activité de démontage et de production des Piec et, de façon plus globale, dans leurs engagements envers l'économie circulaire et la transition environnementale".

Plus qu'un simple outil de mesure, il ambitionne de certifier les centres VHU sur leur capacité à démonter et valoriser les pièces, tout en attestant de leur engagement global en faveur de pratiques durables et responsables. L'objectif de SRA est clair : augmenter le “panier de pièces” tout en aidant les centres à se structurer et à se distinguer par des pratiques exemplaires.

Patrick Poincelet, président de la branche des recycleurs chez Mobilians, rappelle que “ce ne sont pas les centres qui traitent les plus gros volumes qui produisent le plus de Piec”, ajoutant  : “Il est donc pertinent de mettre en valeur les centres les plus performants.” En effet, augmenter la volumétrie de pièces réemployées en France constitue une priorité.

Aujourd'hui, environ 1 000 centres agréés VHU sur les 1 795 produisent de la pièce de réemploi, selon l'Ademe. La marge de progression reste donc importante. En France, 15 pièces de réemploi en moyenne sont extraites par VHU, contre 60 en Suède et 120 aux États-Unis.

Les premiers contours du label

Le label Piec reposera sur un socle de critères communs, conçu pour s'adapter à l'ensemble des véhicules. Ce socle général sera ensuite décliné en catégories spécifiques, reflétant les particularités de chaque segment. L'idée n'est pas de proposer un label uniforme, mais plutôt un cadre modulable, avec des critères adaptés à la diversité des pratiques et des objectifs de la filière.

Parmi les pistes de réflexion, plusieurs indicateurs clés se dégagent :

  • Le pourcentage de production annuelle de Piec.
  • Le nombre de points de contrôle effectués par le centre VHU sur le traitement de la pièce.
  • La traçabilité de la pièce.
  • Les garanties mises en place.
  • Les délais de livraison.
  • Le taux de retour des pièces.
  • Les activités complémentaires comme le reconditionnement ou le traitement des véhicules électriques.
  • Le bilan carbone : collecte des VHU et livraison des pièces.
  • Les démarches RSE (réduction des consommations, matériaux recyclés).

Ces critères, encore en phase de définition, seront affinés au fil des échanges entre les acteurs de la filière. Certains seront obligatoires, d'autres facultatifs, offrant ainsi une marge de progression à chaque centre volontaire. "Ce label est avant tout un outil d'amélioration continue pour les centres qui souhaitent aller plus loin", précise Rodolphe Pouvreau.

Le label Piec face aux limites des certifications actuelles

Si plusieurs certifications existent déjà dans le secteur, aucune ne se concentre spécifiquement sur les pièces issues de l'économie circulaire. Qualicert, par exemple, couvre le contrôle, la traçabilité et la vente de pièces pour tous types de véhicules, mais sans se focaliser sur la pièce de réemploi.

Le référentiel SRA pour les deux-roues se limite à la commercialisation et ne traite pas la filière dans sa globalité. De même, des normes comme Ecovadis ou ISO 9001 et 14001 abordent des aspects environnementaux et relatifs à la qualité, mais restent trop généralistes pour répondre aux enjeux spécifiques de la Piec.

Face à ce constat, le label proposé par SRA s'inscrit dans une volonté de combler ce vide en présentant également des audits rigoureux, essentiels à la crédibilité et à l'efficacité du dispositif. Pour garantir la pertinence et l'équité de ces évaluations, leur cadre méthodologique sera défini lors d'ateliers de concertation réunissant les acteurs clés de la filière.

Ces ateliers auront pour mission d'affiner les critères, d'ajuster les modalités d'audit, et de veiller à ce que le label reste un outil à la fois ambitieux et accessible. Il s'agit de structurer une filière plus vertueuse et compétitive. Le lancement officiel du label est prévu à la fin du premier semestre 2025.

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