C'est un fait : le parc roulant français continue de vieillir. Selon les dernières données de AAA Data, son âge moyen s'est élevé en 2023 à 11,9 ans, contre 11,6 ans en 2022. Autres chiffres instructifs : 53 % des voitures roulant en France ont plus de dix ans, et 13 % d'entre elles ont même plus de 20 ans. Ce vieillissement est en partie lié au niveau relativement bas des ventes de véhicules neufs (entre 1,6 et 1,7 million d'unités).
En parallèle, la durée de détention des voitures s'allonge, notamment en raison des incertitudes liées à la transition énergétique. Cette tendance est corroborée par une étude BVA Xsight, réalisée en septembre dernier, révélant que 77 % des Français souhaitent garder leur véhicule le plus longtemps possible.
À ce facteur s'ajoute celui de l'inflation et de ses conséquences sur le pouvoir d'achat des ménages. Cette même enquête de BVA Xsight citée précédemment nous apprend, en effet, que 59 % des Français éprouvent des difficultés à boucler leurs fins de mois.
Globalement, ce contexte se montre donc plutôt favorable aux MRA, qui ont une nouvelle fois tiré leur épingle du jeu. "Si on se fie au sell-out des réparateurs, nous notons une progression d'environ 9,8 %. 2023 est plutôt une très bonne année, dans la lignée des trois à quatre derniers exercices", observe Alexandre Borgniet, responsable national des réseaux de réparation VL d'Alliance Automotive Group (AAG) France.
Même satisfaction dans le groupe Autodistribution où Fabien Guimard, directeur des réseaux de réparation automobile, confirme la bonne dynamique de l'activité des ateliers : "Selon notre premier bilan, si l'on se compare au baromètre Mobilians-Solware, nous nous situons au-dessus de la moyenne du marché avec 6 à 7 % de croissance de l'activité des ateliers. Soit deux à trois points au-dessus de l'inflation."
Chez Motorcraft, Audrey Lenormand, directrice ventes et marketing de Ford Service, souligne les effets positifs d'un "marché porteur" qui a dopé d'environ 10 % les ventes de pièces extérieures du réseau primaire.
Revalorisation salutaire des taux horaires
Malgré cet environnement favorable, l'activité des ateliers a toutefois été perturbée par quelques facteurs exogènes. À commencer par la pression inflationniste, dont les répercussions ont été perceptibles dans les garages. La hausse des coûts fixes (énergie, assurance, salaires, etc.) rogne la rentabilité des entreprises, et oblige les réparateurs à se muer en managers avisés pour piloter attentivement leur gestion.
"Deux effets pèsent sur les ateliers. L'inflation des pièces et consommables, ainsi que la hausse de leurs charges, normalement compensées par les taux horaires. Mais certains garages n'ont pas pu répercuter ces hausses…", pointe Guillaume Abecassis, responsable de l'enseigne Bosch Car Service.
Les réparateurs du réseau Autofirst peuvent se former aux dernières technologies automobiles via sa LKQ Academy. ©Autofirst
Ces difficultés ont également été observées par Fabien Guimard, qui perçoit une légère hausse des redressements et liquidations depuis quelques mois.
"Ce phénomène n'est pas lié à l'activité des garages en elle-même, mais à la conjonction de plusieurs paramètres : l'inflation, le remboursement des PGE, la masse salariale qui bondit, l'assurance responsabilité civile qui augmente, etc. Aujourd'hui, une entreprise sur trois qui sort du réseau le fait pour des problèmes financiers."
Face à ces difficultés, le groupement offre depuis déjà plusieurs années un programme d'accompagnement pour aider les MRA à améliorer leurs indicateurs de performance et de maîtrise des coûts.
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Dans les rangs d'Alliance Automotive, on a également pris ce sujet à bras-le-corps. Le groupement s'est associé au cabinet KPMG pour proposer à ses adhérents un audit de leur entreprise. Les coordinateurs du réseau ont aussi reçu une formation à la lecture de bilans pour pouvoir épauler les ateliers.
Parmi les principaux leviers pour doper la rentabilité des entreprises, AAG juge prioritaire l'augmentation des taux horaires.
Le message a été globalement entendu. Selon notre relevé quadrimestriel, nous avons observé une hausse moyenne du T1 de 8 à 10 %estime Alexandre Borgniet.
Dans le réseau AD, la revalorisation de la main-d'œuvre est également un sujet d'actualité puisque de nombreux ateliers au triangle rouge ont adapté leur niveau de facturation à la réalité économique du marché. "En mécanique, ce n'est plus un gros mot d'augmenter son taux horaire, soutient Fabien Guimard. Les réparateurs n'ont pas d'autre choix et doivent être aux normes du marché. Dans le cas contraire, ils risquent de creuser leur tombe."
Des milliers de postes toujours non pourvus
Si la revalorisation de la main-d'œuvre est indispensable pour tous les MRA, encore faut-il pouvoir compter sur des productifs à l'atelier. Car la réparation automobile fait toujours partie des métiers en tension, avec de fortes difficultés de recrutement. Selon le dernier bilan de l'ANFA, la filière serait confrontée à un déficit de 21 000 postes. Il manque notamment 6 700 mécaniciens, 2 600 carrossiers et 2 300 mécaniciens poids lourds.
"Les difficultés pour trouver du personnel se confirment, indique Romain Petibon, responsable du réseau Motorcraft. Le turnover se maintient à un niveau important dans certains ateliers, et il est compliqué de trouver des compagnons formés qui restent dans leur structure."
Plusieurs raisons peuvent expliquer ces difficultés. À commencer par le non-renouvellement des effectifs : d'après l'Insee, le taux de départ en fin de carrière des personnes en poste entre 2020 et 2030 sera de 26 % en 2030. Jamais cette proportion n'aura été aussi élevée. Ce qui permet d'anticiper 2024 et 2030 comme étant des années critiques pour le renouvellement des ouvriers de la réparation automobile.
Autre ombre au tableau : le secteur de la maintenance multimarque souffre d'une méconnaissance auprès des jeunes, plus attirés par les réseaux constructeurs. Pourtant, les besoins en personnel qualifié n'ont jamais été aussi importants dans les ateliers indépendants.
Du fait de la plus grande complexité des dernières générations de véhicules, il est nécessaire d'investir dans le recrutement de profils formés aux nouvelles technologies (Adas, Pass-Thru, électrique, etc.). Ce qui se traduit par une augmentation des coûts de main-d'œuvre.
Sur la plateforme de recrutement du réseau AD, nous avons en permanence 350 à 400 offres d'emploi pour environ 2 000 entreprises. Les besoins sont donc réguliers. D'autant que les ateliers prennent en charge des véhicules de plus en plus techniques qui nécessitent des techniciens expérimentéssouligne Fabien Guimard.
VE : les MRA en première ligne
Parmi ces prestations techniques qui nécessitent une montée en compétences des MRA, les opérations de maintenance sur les véhicules électrifiés font évidemment l'objet d'une forte attention. Bien que ces modèles restent minoritaires dans leurs ateliers, dont l'activité se concentre sur les véhicules âgés de 5 ans et plus, plusieurs enseignes ont préféré prendre les devants en leur dédiant des concepts spécifiques.
Parmi les réseaux Top Garage et Precisium Garage, environ 150 réparateurs ont adopté les concepts dédiés au bris de glace. ©AAG
C'est le cas de LKQ France avec Moobi, et d'Alliance Automotive avec le label Nexdrive. "C'est un sujet qui anime quasiment toutes nos réunions régionales depuis un an. Nous comptons environ 60 NexDrive en France", commente Alexandre Borgniet. Depuis le début de l'année, les réseaux NexusAuto, Eurorepar Car Service et Motorcraft ont, à leur tour, lancé leur programme, baptisé respectivement EVolt, Label EV et Motorcraft Elec.
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Du côté du groupe Ford, on souligne que cette initiative doit permettre de préparer l'avenir alors que les immatriculations de véhicules électriques connaissent une nette accélération depuis deux ans.
L'impulsion a été donnée dans le réseau de concessionnaires, puis chez les agents. Même s'ils font peu d'hybrides, et encore moins d'électriques, nous voulons prendre les devants avec les garages Motorcraft. Le déploiement de ce label se fera par étapes : d'abord l'outillage, puis la formation et l'audit avant la communicationdétaille Romain Petibon.
Ce dernier sujet sera d'ailleurs clé pour les enseignes de MRA. S'il y a effectivement urgence à se positionner sur ce marché, il est tout aussi indispensable de le faire savoir à des automobilistes qui risquent naturellement de privilégier les réseaux constructeurs pour l'entretien de ce type de motorisation.
Pour éviter ce scénario, Bosch Car Service propose depuis février à ses adhérents son programme Point Électrique Service, avec notamment divers supports de communication permettant aux ateliers de promouvoir leurs services de maintenance et de réparation pour les véhicules à batterie.
"L'idée, c'est de valoriser les compétences, la technicité et l'équipement de nos garages. Ils ont anticipé ces nouvelles motorisations depuis plusieurs années, et 65 % du réseau est habilité à l'entretien des hybrides et électriques. Nous voulons informer nos clients que les garages Bosch Car Service sont en mesure d'accueillir ces véhicules", insiste Guillaume Abecassis, ajoutant qu'une cinquantaine d'adhérents ont adopté ce programme.
Le pneumatique, une priorité qui s'impose
Avec l'avènement du véhicule électrifié, un autre changement majeur se profile pour les MRA : l'essor des interventions liées au pneumatique. Si ce produit représente aujourd'hui environ 20 % des opérations après-vente, cette part devrait croître rapidement dans les prochaines années. Plutôt logique, puisque les véhicules à batterie "mangent" plus de gomme que leurs équivalents thermiques, tout en se montrant moins gourmands sur les autres pièces d'usure (filtration, freinage, etc.).
S'appuyant sur le retour d'expérience du marché norvégien, où le parc électrisé est le plus important d'Europe, l'ANFA a révélé dans une étude que le nombre d'opérations et d'heures de main-d'œuvre à l'après-vente a chuté de 12 %, quand les prestations liées aux pneumatiques ont bondi de 22 %.
Compte tenu de cette perspective, le montage de gommes, qui constitue déjà une des activités les plus concurrentielles du secteur, risque de susciter toujours plus d'intérêt. D'autant que les réseaux constructeurs ne réalisent que 14 % de ces interventions alors que les acteurs multimarques – notamment les centres autos et pneumaticiens – effectuent deux fois plus de montage de pneus.
Les MRA ont donc une vraie carte à jouer. Fort de ce constat, le groupe Autodistribution a entrepris depuis quelques années une reconquête de ce marché en augmentant ses capacités de stockage, s'appuyant sur son partenariat avec le distributeur spécialisé SLPA Pneus.
"Nous enregistrons une croissance à deux chiffres depuis 2018 sur les ventes du réseau distribution. Dans les ateliers, nos réparateurs n'ont jamais attendu pour vendre du pneu : ils ont repris des parts de marché sur les centres autos et sur les pneumaticiens", affirme le directeur des réseaux d'Autodistribution. Le groupement renforcera son offre cette année avec, en complément de Michelin, l'arrivée d'un deuxième fournisseur premium : Dunlop.
Mais l'enseigne au triangle rouge n'est pas la seule à s'investir sérieusement dans le pneumatique. L'Agra a aussi étoffé son offre d'enveloppes en centrale grâce à des accords noués avec Hankook et Kumho, qui complètent les partenariats avec les grossistes spécialisés Puissance Pneu et Dipropneu. Le groupement veut ainsi encourager ses réseaux Proximeca et Point Repar à doper leurs ventes de pneumatiques.
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Chez AAG, les réparateurs Top Garage et Precisium Garage disposent également depuis 2021 d'une plateforme de sourcing créée avec Dipropneu, baptisée Solupneus. Le réseau de MRA du groupe Ford a aussi fait le choix d'une solution informatique, nommée Motorcraft Pneu, pour faciliter l'achat d'enveloppes dans les garages.
Lancé en 2022, cet outil équipe 70 % du réseau. […] Le pneu représente, selon les études, la première ou deuxième raison d'entrée à l'atelier. C'est donc un élément très important dans notre stratégierésume Audrey Lenormand.
Bris de glace : l'intérêt des indépendants se confirme
Si l'électrification du parc fait du pneu une priorité pour les ateliers, l'érosion attendue des autres prestations invite ces derniers à diversifier leurs activités. Depuis déjà plusieurs années, les enseignes poussent leurs adhérents à s'essayer à d'autres terrains de jeu : vente de véhicules d'occasion, location automobile, etc.
En 2023, le réseau AD a dépassé les 2 300 enseignes. ©Autodistribution
Parmi ces nouveaux relais de croissance, le bris de glace semble de plus en plus séduire les réseaux. En 2020, Alliance Automotive a lancé ses concepts Top Glass et Précis Glass. LKQ s'est rapproché en 2021 de France Pare-Brise pour étendre cette activité dans ses garages Autofirst. Plus récemment, c'est le réseau NexusAuto du groupement ID Rechange qui a officialisé le développement du concept NexusGlass. Déployé depuis le début de l'année, il regroupe tous les outils, produits et services nécessaires à cette activité.
De quoi aider l'enseigne à prendre pied sur un marché lucratif (environ un milliard d'euros de chiffre d'affaires chaque année). "Le coût moyen d'une prestation vitrage s'élève à environ 750 euros. On peut donc atteindre un chiffre d'affaires de 30 000 euros par an avec trois pare-brise changés tous les mois", évalue Gaëtan Sauvage, chargé du déploiement de NexusGlass.
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Des propos qui font écho à ceux tenus dans les rangs de Motorcraft : alors que son label Glass a été adopté par plus de 70 réparateurs, le réseau espère accélérer son déploiement. L'enseigne rappelle que le bris de glace génère, en effet, des marges intéressantes avec un revenu moyen excédant les 200 euros HT par intervention. Et cette activité devrait continuer à croître, car les surfaces vitrées des véhicules ont augmenté de 30 % ces vingt dernières années. Un marché en pleine expansion, à l'épreuve de l'électrique, et des marges élevées : c'est bien une nouvelle fenêtre qui s'ouvre pour les MRA.