Entre crise énergétique et inflation, comment les réparateurs ont-ils traversé l'exercice 2022 ? Pas si mal, si l'on en croit le dernier baromètre Mobilians-Solware. L'indicateur confirme une relative stabilité de l'activité mécanique dans les garages l'an dernier (+ 0,2 % par rapport à 2021). Selon la dernière étude de conjoncture sur le secteur de la réparation automobile menée par Xerfi Spécific, le bilan serait même encore plus encourageant : les ateliers auraient, dans leur ensemble, vu leur chiffre d'affaires progresser de 4,3 %, dont 3,4 % pour l'activité mécanique (et 6 % pour la carrosserie).
Un bilan global plutôt convenable, qu'il faut toutefois nuancer. En se penchant plus précisément sur la catégorie des MRA, les résultats semblent effectivement moins flatteurs, avec une croissance en valeur limitée à 1,8 %. Mais là encore, cette hausse doit être relativisée en raison de chiffres d'affaires qui ont été tirés vers le haut par les augmentations tarifaires des pièces de rechange.
"Il y a deux sujets qu'il convient de distinguer : la progression des entrées atelier et le chiffre d'affaires, analyse Vincent Congnet, directeur des réseaux d'Alliance Automotive Group. Si l'on s'en tient aux entrées atelier, elles sont en baisse d'environ 1 % chez les MRA selon nos informations et, plus globalement, dans les réseaux multimarques. Dans les garages de nos réseaux, nous nous en sortons mieux avec une légère hausse comprise entre 1 et 2 %. En revanche, le chiffre d'affaires global progresse beaucoup plus, aussi bien chez nous que dans les autres réseaux."
Dans les réseaux d'AAG, le panier moyen a ainsi grimpé de 23 % par rapport à 2019 ! Sur le terrain, les autres enseignes de MRA du marché tricolore confirment une année 2022 plutôt soutenue pour leurs adhérents. "Le bilan général est assez satisfaisant, les ateliers ont eu du travail, c'est indéniable", observe Fabien Guimard, directeur des réseaux de réparation automobile du groupe Autodistribution.
Un constat partagé chez Bosch Car Service France où Jérôme Magloire, responsable du réseau, affirme que l'activité est restée soutenue. Même satisfaction du côté d'Eurorepar Car Service, où le chiffre d'affaires 2022 a dépassé celui de l'exercice précédent. “Nous avons légèrement dépassé nos objectifs. Dans un contexte compliqué, c'est plutôt une belle année”, complète Sébastien Migot, responsable d'Eurorepar Car Service France.
Dans les rangs de Technicar Services, Sandra Henric, responsable du réseau, confirme également une année "stable, voire en légère hausse". "On observe toutefois une évolution dans le panier achat des réparateurs avec une diminution de la PGV au profit des pièces techniques. Ce qui traduit de possibles reports d'opérations de maintenance chez les automobilistes…", ajoute la dirigeante.
Des MRA plus attractifs avec l'inflation
De plus en plus entreprenant à l'égard des grandes flottes, le réseau Bosch Car Service a signé un accord avec Avis Budget Group pour prendre en charge l'entretien des véhicules Avis, Budget et France Cars. ©Bosch
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette stabilité – d'aucuns diraient "résilience" – des MRA. Tout d'abord, ces derniers bénéficient pleinement des contre-performances du marché du véhicule neuf et du vieillissement du parc roulant. Selon AAA Data, l'âge moyen des voitures en circulation a atteint 11,3 ans en 2022, contre 11 ans en 2021 et 10,8 ans en 2020. Il faut dire que l'accès à la voiture neuve s'est encore resserré avec les coups de rabot apportés aux aides de l'État (bonus, primes…). Avec la hausse continue des prix de vente (+ 6,2 % en 2022, un niveau jamais vu depuis 1985), l'achat d'un VN, en particulier électrique, devient complexe, incitant une partie des automobilistes à conserver leur véhicule plus longtemps. "Ce qui est très porteur pour les MRA", souligne Vincent Congnet.
Autre phénomène conjoncturel favorable aux garages indépendants : l'inflation. Alors que l'Insee annonce que la hausse des prix à la consommation se maintient à environ 6 % en ce début d'année, les MRA, bénéficiant souvent de tarifications plus avantageuses que leurs confrères, peuvent légitimement espérer tirer leur épingle du jeu. Dans le réseau Autofit, on mise beaucoup sur la marque de pièces MGA, au rapport qualité/prix attractif. "C'est une solution pour les automobilistes qui veulent préserver leur pouvoir d'achat", confirme Laurent Deruelle, directeur du réseau du groupe Barrault. Un discours qui fait écho à celui des enseignes de garages s'appuyant sur une marque de pièces.
Chez Motrio, Mounir Msiouen, responsable du réseau, se réjouit ainsi du positionnement tarifaire de la gamme de pièces multimarques du constructeur au losange. "Nous avons essayé de minimiser les hausses. Je pense au pneu, par exemple : si les manufacturiers ont procédé à une augmentation moyenne de leurs tarifs de 13 %, le pneu Motrio n'a augmenté que de 9 %."
Une satisfaction partagée par Sébastien Migot, chez Eurorepar Car Service, qui rappelle que son réseau dispose d'une gamme "très bien positionnée sur le rapport qualité/prix". "Elle permet à nos adhérents de faire des opérations promotionnelles intéressantes", ajoute-t-il. Du côté des enseignes de grossistes, ce sont les MDD qui sont mises en exergue. À l'instar du réseau Garages AD, qui bénéficie de la gamme Isotech. "Face à l'inflation, la MDD peut représenter une solution intéressante", reconnaît Fabien Guimard.
Une boîte à outils toujours plus complète
D'autres éléments, plus structurels, peuvent aussi justifier la stabilité des réparateurs indépendants. À commencer par leur professionnalisation. Dans un environnement de plus en plus exigeant, de nombreuses enseignes ont en effet incité leurs adhérents à se structurer pour mieux faire face aux mutations qui les attendent. La montée en compétences techniques, technologiques et digitales devient notamment vitale pour ne plus subir, mais anticiper ces évolutions de ce marché. Sur le volet technique, les réseaux ont passé la vitesse supérieure ces dernières années. Un virage amorcé dès 2019 par AAG avec le déploiement de sa propre hotline, ouvrant l'accès aux données constructeurs.
Pour valoriser l'expertise technique de ses garages, Technicar Services a créé le label Expert Eco Mobilité. ©Alternative Autoparts
Réservé auparavant aux garages Précisium et Top Garage, l'outil est désormais disponible pour tous les MRA (moyennant 49 € par mois). Ce service s'est renforcé ces dernières semaines avec Diag'Assist, prestation permettant aux techniciens de la hotline d'effectuer à distance des programmations électroniques de composants via le PassThru. "La hotline permet d'augmenter le nombre d'interventions réalisées par l'atelier. On estime qu'elle réalise 80 % du temps de réparation via son service à distance, autant de temps laissé aux réparateurs pour traiter de nouveaux véhicules", explique Luc Fournier, directeur technique du groupe.
Le groupe Autodistribution s'est aussi emparé de ce sujet en lançant à Equip Auto son service de prise en main à distance des véhicules via la hotline Assistance Diag. Idem chez Bosch Car Service, qui propose cette prestation pour ses adhérents via sa plateforme SDA.
Autre préoccupation actuelle dans les ateliers : le calibrage des Adas. Cette prestation s'impose de plus en plus chez les MRA, puisque le nombre de véhicules équipés de ces technologies ne cesse de croître (en 2024, 100 % des véhicules neufs en seront dotés). "Nous constatons un fort développement des opérations liées aux Adas, confirme Jérôme Magloire. Nos adhérents nous demandent de plus en plus de les accompagner pour développer de nouvelles prestations techniques grâce à l'offre de produits et de services du groupe Bosch. Ce sont des opérations rémunératrices avec un retour sur investissement très intéressant."
Électrique : une nécessité plus qu'une réalité ?
Parmi ces nouvelles prestations, les opérations de maintenance destinées aux véhicules hybrides et électriques suscitent de plus en plus d'intérêt chez les MRA. Si ces modèles restent minoritaires dans leurs ateliers, dont l'activité se concentre plutôt sur les véhicules âgés de 5 ans et plus, plusieurs enseignes ont préféré prendre les devants en dédiant des concepts spécifiques. À l'instar de Van Heck Inter-pièces et Alliance Automotive qui proposent les labels Moobi et Nexdrive. Pour ces deux réseaux, l'objectif n'est évidemment pas de convertir l'ensemble de leurs adhérents dans l'immédiat, mais d'appréhender ce nouveau marché qui nécessite une formation et un outillage adaptés.
Nous sommes les premiers en France à lancer cette initiative, et le timing est important. Dans un premier temps, nous nous concentrons sur la formation, avec l'habilitation B2L a minima. Nous enregistrons aussi de nombreuses demandes de garages prêts à s'équiper de bornes. Ce qui témoigne de la volonté des réparateurs de se préparer à intervenir sur ces véhiculesclame Vincent Congnet
Cet avant-gardisme n'est toutefois pas partagé par tous. Si la plupart des enseignes invitent leurs réparateurs à se former à la prise en charge des VE, elles ne consacrent pas toutes des concepts dédiés. Difficiles pour ces dernières d'entraîner leur réseau dans des investissements trop importants qui ne répondraient pas à de réels besoins sur le terrain.
"Ce sujet n'est pas évident… L'électrique n'est pas une réalité pour les MRA, et les entrées atelier pour ces véhicules restent très marginales, reconnaît Mounir Msiouen. Il reste toutefois une préoccupation pour les garages… Chez Motrio, notre approche de l'électrique repose sur trois axes : la formation, l'équipement et la communication."
Des agents prêts à faire tomber leur panneau
Depuis plusieurs années, les réseaux de MRA lancent d'ambitieuses campagnes de communication nationale pour doper leur visibilité. À l'instar du réseau AD, qui a vu sa notoriété assistée progresser fortement avec sa campagne "AD, c'est sûr". ©Autodistribution
La professionnalisation des MRA est d'autant plus salutaire qu'elle favorise, pour leur enseigne, leur stratégie de conquête, en particulier auprès des agents de marque. Si cette tendance n'est pas nouvelle, elle s'accélère depuis quelques mois, en raison des interrogations qui émergent dans certains réseaux de RA2, notamment ceux du groupe Stellantis. Ces derniers ont découvert, en fin d'année dernière, la proposition de contrat que leur réserve leur constructeur, qui restreint fortement leur liberté d'action.
Dans ce contexte, de plus en plus d'agents semblent lorgner du côté des enseignes multimarques… "Nous sentons dans les réseaux constructeurs, aussi bien chez les RA1 et RA2, une forme de fébrilité et d'interrogations sur leur avenir. Quand on leur explique qu'ils ne seront plus que des agents commissionnaires, ça suscite forcément des questions, note Fabien Guimard. Nous avons toujours accueilli des ex-agents, mais nous sentons chez eux un accueil et une écoute plus favorables à notre égard, c'est vrai. Le réseau AD a engagé, depuis 2010, une telle montée en compétences que nos ateliers ont des standards dignes des plus grandes marques, tout en restant indépendants."
Ce discours, c'est aussi celui porté par Sandra Henric chez Technicar Services : "Nous incitons nos distributeurs à démarcher les agents. Ils connaissent leur zone de chalandise et savent identifier les éventuelles opportunités. De nombreux agents ne soupçonnent pas le contenu de l'offre que nous sommes capables de leur proposer…" Sur le papier, les enseignes de MRA ont effectivement toutes les qualités pour séduire les RA2. Surtout depuis qu'elles ont développé de nouveaux services, en particulier des concepts dédiés à la vente de VO et VN : "AD Occasion" chez Autodistribution, "ShowVroom" chez AAG, etc.
L'été dernier, Bosch Car Service s'est illustré avec un programme de vente de véhicules accompagné de contrats longue durée (CLD) et de nouveaux outils afin de permettre à ses adhérents de fidéliser leurs clients. "C'est stratégique. Nous nous positionnons comme une alternative aux réseaux constructeurs en termes de services et de prestations. Ce qui inclut la fourniture de véhicules. Il faut rappeler que les clients qui achètent leur véhicule chez un concessionnaire font appel, dans 50 % des cas, à des solutions de financement, associés à des extensions de garantie, voire à un contrat d'entretien. Ce qui signifie qu'on ne verra pas le véhicule pendant au moins cinq ans, voire plus si le concessionnaire est performant et parvient à fidéliser le client. Nous devions mettre au point une offre répondant à ces attentes", soutient Jérôme Magloire.
Chez Eurorepar Car Service, la vente de VO est également un sujet d'actualité puisque l'enseigne prépare le déploiement d'une plateforme de sourcing qui verra le jour dans les prochains mois.
Mais au-delà de ce portefeuille de services toujours plus complet, les réseaux de MRA entendent surtout capitaliser sur leur stratégie d'animation pour séduire leurs futures recrues. Face à des constructeurs aux organisations toujours plus complexes – et parfois déconnectées du terrain –, les indépendants mettent en exergue la dimension humaine de leur approche.
"Ce qui séduit les agents, c'est cette proximité qu'ils ont perdue avec le réseau constructeur", observe Sandra Henric. Et Vincent Congnet d'ajouter : "Ils n'ont plus le partenariat qu'ils avaient autrefois avec la marque et le constructeur, c'est ce qu'ils nous disent souvent. Ils retrouvent cette relation aujourd'hui dans la rechange traditionnelle." Chez les MRA, c'est sûr, commerce de proximité rimera encore longtemps avec convivialité.